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«Le rayonnement du Nokia Innovation Center au Maroc est panafricain»

Vision, investissements, inclusion numérique, cybersécurité, intelligence artificielle… Tour d’horizon des ambitions africaines de Nokia avec Pierre Chaumé, directeur Infrastructure Réseau – Nokia NWC Africa.

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Alors que le continent africain connaît une transformation numérique accélérée, Nokia entend bien y jouer un rôle de premier plan. Présente dans près de 50 pays africains, l’entreprise finlandaise ne se contente pas de déployer des infrastructures télécoms : elle investit, forme, innove et adapte ses technologies aux réalités du terrain.

Quelle est la vision stratégique de Nokia en Afrique et plus particulièrement au Maroc ?
Nokia, acteur mondial des télécommunications, conçoit et déploie des infrastructures complètes pour les réseaux mobiles (4G, 5G), fixes (fibre optique – FTTH), ainsi que pour les réseaux de transport IP et Ethernet. Cette expertise s’étend jusqu’au cœur de réseau et aux applications métiers. Concrètement, notre portefeuille couvre l’ensemble des besoins pour bâtir des réseaux Internet performants, à l’exception de la connectivité par satellite.
Notre vision pour l’Afrique est claire : c’est un continent de croissance. Nokia y enregistre une progression continue depuis plusieurs années, avec une présence dans la quasi-totalité des pays, à quelques rares exceptions près. Nous nous sommes réimplantés récemment en Éthiopie, au Soudan du Nord, en Angola et même en Somalie. Cette dynamique confirme notre engagement à long terme sur le continent.

Quels investissements avez-vous réalisés dans la région ?
Au-delà des ventes, nous mobilisons des ressources opérationnelles et techniques. Notre approche est résolument proactive : nous adaptons nos produits aux réalités du terrain, notamment dans les zones rurales où les besoins sont spécifiques. Cela passe par des solutions énergétiquement autonomes, par exemple via des pylônes télécoms alimentés par panneaux solaires.

Et le Maroc dans tout cela ?
Le Maroc occupe une place stratégique dans notre organisation. Il est le siège de notre quartier général pour l’Afrique du Nord, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. À ce titre, il gère près de 30 pays. C’est également un centre de compétences de premier plan pour Nokia, notamment sur les technologies de transmission, de fibre optique, de réseaux UPNP-ALS et désormais de data centers.
Nous y avons établi des plateformes non seulement de tests, mais aussi de développement. On y développe des compétences pointues en cybersécurité, IT et intelligence artificielle. Pour rappel, Nokia ne fabrique plus de terminaux mobiles depuis plusieurs années : nous nous concentrons exclusivement sur les technologies réseau. Néanmoins, notre technologie est intégrée dans pratiquement tous les terminaux connectés dans le monde, qu’il s’agisse de smartphones, de voitures ou d’objets connectés.

Quels secteurs bénéficient le plus rapidement des solutions numériques de Nokia en Afrique ?
Chez Nokia, nous ne nous limitons pas à un seul secteur : nos solutions couvrent l’ensemble du tissu économique. Historiquement, nos clients principaux sont les opérateurs télécoms. À travers eux, nos technologies touchent aussi bien les particuliers – via la téléphonie mobile ou la fibre à domicile – que les entreprises, qui accélèrent leur digitalisation. Certaines collaborent directement avec nous, d’autres via les opérateurs.

Pouvez-vous citer quelques cas concrets ?
Prenons le secteur minier. Grâce à nos solutions de connectivité et à l’écosystème d’objets connectés, il est aujourd’hui possible de piloter à distance des machines comme des bulldozers, ou d’équiper les mineurs de casques connectés pour renforcer leur sécurité. Autre exemple : les ports, comme celui de Tanger Med, où nos technologies participent à l’automatisation des mouvements de conteneurs. À cela s’ajoutent la finance, l’industrie manufacturière, les usines… Bref, un large spectre d’activités.

Et qu’en est-il de l’accès à Internet pour les populations éloignées ?
C’est un enjeu crucial. En Afrique, des centaines de millions de personnes vivent dans des zones rurales où l’accès à Internet est encore limité. Pour cela, nous développons des solutions adaptées, comme la 4G ou 5G rurales. L’un des défis majeurs dans ces régions, c’est l’absence d’infrastructure électrique. C’est pourquoi nous proposons des stations télécoms off-grid, alimentées par panneaux solaires, évitant ainsi les problèmes liés aux générateurs classiques (carburant, maintenance, vols…).

La qualité de service est-elle la même pour tous ?
Absolument. Chez Nokia, nous refusons de proposer une connectivité au rabais. Même dans les quartiers pauvres ou surpeuplés, comme certains townships en Afrique du Sud, nous déployons des solutions FTTH aériennes, offrant une expérience Internet de qualité. Le modèle économique, lui, est adapté : certains utilisateurs paient à l’heure, d’autres à la journée, parfois même à l’échelle d’un quartier. Mais le service, lui, reste haut de gamme.

Vous avez évoqué un axe stratégique : les data centers…
Oui, c’est un pilier majeur. L’Afrique attire de plus en plus les géants du numérique, qui y implantent leurs data centers : Google, Microsoft, Apple… au Nigéria, au Kenya, en Afrique du Sud, et bientôt au Maroc ou au Sénégal. Nous accompagnons cette dynamique avec des solutions robustes, sécurisées et compatibles avec l’intelligence artificielle et l’automatisation. Nous sommes aussi engagés sur la cybersécurité avec des technologies « quantum safe », capables de résister aux futures menaces des ordinateurs quantiques. Protéger les données, y compris celles des États, devient stratégique.

Parlez-nous du Nokia Innovation Center au Maroc. Quel est son objectif ?
Ce centre, inauguré en octobre dernier à Salé, symbolise notre engagement en Afrique. Il regroupe des équipements de pointe – routeurs IP/MPLS, transmission optique, FTTH, data center fabrics… – ainsi que des espaces de démonstration, de formation et de recherche. C’est un investissement de plusieurs millions d’euros qui a bénéficié du soutien des autorités marocaines et des principaux acteurs télécoms du pays.

À qui s’adresse ce centre ?
Il sert plusieurs objectifs. D’abord, il permet à Nokia de tester et valider les évolutions logicielles des réseaux télécoms, via des jumeaux numériques (digital twins). Ensuite, il offre un espace de formation pour les talents marocains : stages, formations certifiantes, accueil de doctorants… En collaboration avec le ministère de la Transition numérique, nous nous sommes engagés à former 500 personnes sur trois ans – et nous avons déjà atteint la barre des 50.

Ce centre est-il uniquement destiné au Maroc ?
Non, son rayonnement est panafricain et même euro-méditerranéen. Il appuie également certains pays d’Europe du Sud. En parallèle, nous nous inscrivons pleinement dans la feuille de route « Maroc Digital 2030 », avec l’ambition de rendre les objectifs fixés atteignables, concrets et mesurables. Notre technologie et notre expertise sont là pour accompagner le pays dans cette vision.

Et la formation reste un enjeu central ?
C’est même une priorité. Nous développons des programmes de certification sur les compétences digitales, notamment en cybersécurité, en intelligence artificielle, ou sur les réseaux IP. Ces formations renforcent l’employabilité des ingénieurs marocains à l’échelle mondiale. Notre centre est conçu pour devenir un véritable pôle d’excellence dans le digital.