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Pouvoirs

Nouvelle «Alternance» : Une alliance à trois pour chambouler la gestion publique

Du gouvernement jusqu’à la plus petite des communes, le même schéma d’alliances a été dupliqué à tous les niveaux de la gestion des affaires publiques. Ce n’est certes pas systématique, mais c’est une véritable rupture avec les pratiques du passé.

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C’est un tournant majeur dans la pratique politique au Maroc. Dupliquer le schéma de la coalition gouvernementale au niveau des alliances locales était un rêve inaccessible de plusieurs gouvernements, au moins depuis l’Alternance démocratique. Aujourd’hui, c’est une réalité. Personne ne se doutait, ce dimanche 8 août, que l’entente, conclue à Tanger entre le RNI, le PAM et l’Istiqlal, pour la gestion des Chambres professionnelles, allait être reconduite, plus de deux mois plus tard à une grande échelle. Mercredi 22 septembre, alors que le nouveau chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, annonçait officiellement avoir constitué sa coalition gouvernementale, formée justement des trois partis, se poursuivait encore, au niveau régional et local la formations également par le RNI, le PAM et l’Istiqlal, des instances dirigeantes des Chambres professionnelles, des grandes villes, des communes, des régions et les conseils préfectoraux et provinciaux. Un peu plus de deux mois plus tôt, donc, personne ne pouvait imaginer ce scénario inédit. D’abord, parce que les élections locales, régionales et législatives n’avaient pas encore eu lieu. Ensuite, parce que tous les analystes politiques s’accordaient à dire que «les résultats des élections professionnelles sont complètement déconnectés de la carte politique réelle du pays» et, enfin, personne ne s’attendait à la débâcle électorale du PJD sur tous les fronts. Aujourd’hui, le fait que les trois formations qui ont remporté les élections des Chambres professionnelles ont également dominé les élections législatives, régionales et communales. La construction de cette alliance entre les trois partis au niveau des institutions territoriales a pour finalité de donner corps à des instances territoriales homogènes et proches du citoyen. Ainsi, depuis la plus petite commune, dont un grand nombre est dominé par ce trio, jusqu’au niveau du gouvernement, c’est une véritable alternative politique et démocratique que les citoyens ont voulu porter aux commandes des affaires publiques qui vient de prendre corps.

Les trois partis, a notamment souligné le chef du gouvernement lors de la présentation de sa majorité, ont veillé à former un gouvernement «soudé et efficace» qui puisse «exercer ses fonctions en toute homogénéité, dans un esprit d’altruisme et en totale solidarité entre ses composantes».

Au niveau local, les trois formations ont déjà réussi le pari de rationaliser la pratique politique. Nous sortons d’une phase où une seule formation dictait sa volonté sur tous, surtout dans les grandes villes, en vertu d’un supposé mandat franc tenu des mains des citoyens. Le RNI, le PAM et l’Istiqlal viennent également de rompre avec une ère où les collectivités territoriales, donc le vécu quotidien des citoyens, sont gérées par des majorités hétéroclites, voire contre-nature, constituées selon des considérations tribales et corporatives ou tout simplement des intérêts personnels en l’absence de toute logique politique. Signe d’une volonté ferme de rompre avec ces pratiques, les dirigeants des trois formations, qui veillaient sans doute au grain au moment de la constitution des conseils locaux et régionaux, ont tenu à rappeler à leurs élus que le non-respect de ce pacte pourrait entraîner des sanctions. Il faut dire qu’au niveau des régions et des principales communes, et également au niveau des conseils préfectoraux et provinciaux, et partout là où elles sont majoritaires cette entente a été respectée à la lettre. Il y a eu certainement quelques écarts, mais les brebis galeuses ont vite été rappelées à l’ordre.

En définitive, la décision des trois formations de construire une telle alliance verticale aura pour avantage de former des majorités dirigeantes au niveau des communes et des régions, ainsi que des conseils provinciaux et préfectoraux, sûres, fortes et cohérentes. On le sait, des majorités formées d’un petit nombre de partis sont toujours plus solides, plus homogènes et plus efficaces.

En relevant ce défi, la nouvelle coalition gouvernementale a réussi là où l’ancien Premier ministre, Abderrahmane Youssoufi avait échoué pendant le gouvernement de l’Alternance. Il défendait la théorie du transfert du schéma de la majorité à l’échelle nationale et donc du gouvernement, ou « la majorité nationale », vers le niveau local à l’échelle des communes. C’était aussi un rêve qui a été caressé par la Koutla au début des années 90. Aujourd’hui c’est chose faite et l’on ne tardera certainement pas à voir ses effets se concrétiser. Cela d’autant que cette stratégie permet aujourd’hui de boucler le chantier de la mise en œuvre de la régionalisation avancée, une déclinaison facile de pacte national du modèle de développement au niveaux local et régional et, surtout, sur le plan technique, la finalisation du processus de la déconcentration administrative, sans parler du nouveau chantier de la fiscalité locale. Bien sûr, il sera question d’une plus grande synergie entre le programme gouvernemental et les plans de développement régionaux et communaux. Au sein de la nouvelle majorité, on ne cache d’ailleurs pas l’ambition que le programme gouvernemental ait un impact positif, et surtout immédiat, et réponde aux intérêts et attentes de la population locale.

Pour récapituler, au niveau national, le gouvernement sera formé par les trois partis de la majorité. Les cinq partis de la gauche se retrouvent pour la première fois depuis 20 ans dans le même camp, dans l’opposition avec les islamistes du PJD. Une occasion de renaissance de la gauche ?, osent même espérer certains nostalgiques. L’avenir nous le dira. Quant aux formations qui n’ont pas encore annoncé leur position, le MP et le groupe parlementaire UC-MDS, il est fort probable qu’ils finiront par se positionner en tant que soutien du gouvernement.