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Pouvoirs

Les députés s’offrent un nouveau code de conduite

Des séances parlementaires avec plus de discipline et moins d’absences, des élus plus portés sur l’intérêt public… Le nouveau règlement intérieur instaure de nouvelles règles de travail. Est-ce suffisant pour en finir avec la piètre image que l’institution traîne ?

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C’est une scène qui a fait le tour des réseaux sociaux et qui a intrigué beaucoup de Marocains il y a quelques semaines. Un parlementaire en pleine conversation au téléphone vient faire un coucou à la caméra, alors qu’une députée était en train d’interpeller un membre du gouvernement, lors d’une séance de questions orales. Une scène qui rappelle celle, nettement moins intrigante mais tout aussi attentatoire à la crédibilité de l’institution parlementaire, d’une rangée de députés islamistes en train de scroller leurs téléphones. Ce genre de scène, on risque de ne plus les voir dans l’avenir. Il y va en effet du sérieux et de l’image de cette institution, la deuxième dans la hiérarchie de l’état. L’institution espère également en finir avec cette image d’un lieu presque déserté, y compris au moment où les lois les plus déterminantes pour notre pays sont en train d’être discutées et votées. Des séances où l’absentéisme atteint, ces derniers temps, des records inégalés. Des discussions qui partent dans tous les sens, des prises de bec hebdomadaires entre députés à l’occasion de chaque séance de questions orales, mais aussi, plus subtile et moins apparente, l’instrumentalisation des missions d’explorations à des fins peu orthodoxes…, la liste est longue. Tous ces phénomènes vont disparaître, si ce n’est pas du jour au lendemain, du moins avec le temps. Selon les dispositions du nouveau règlement intérieur de la première Chambre, une véritable bible du Parlement de 118pages pour 408 articles, l’initialisation du téléphone pendant les séances est désormais interdite. La prise de parole dans le cadre du fameux «point d’ordre» est strictement réglementée. Les procédures de constitution des commissions temporaires d’exploration et, par-delà, des commissions d’enquête sont totalement revues et verrouillées. L’absence pour une longue période n’est tolérée que pour le seul motif de maladie. Et encore, la procédure est également verrouillée.

Absence vaut perte de siège
Les députés qui ne pointent que le jour de l’ouverture de l’année législative risquent tout simplement de perdre leur siège. On se rappelle tous comment un certain Hamid Chabat avait passé le clair de son mandat à l’étranger pour reprendre son siège comme si de rien n’était. Aujourd’hui au moins, deux députés sont concernés pour une raison évidente, ils sont en prison. Le bureau de la Chambre serait déjà en train d’étudier la possibilité, dès que le nouveau règlement validé par la Cour constitutionnelle, de saisir cette dernière pour les déchoir de leur mandat. Si cette procédure était en vigueur avant, on n’aurait pas assisté au retour d’un autre député, du PPS cette fois, qui, après avoir purgé une peine d’emprisonnement d’un an pour corruption, a repris le tout naturellement possible son siège. La question est désormais réglée. Pour une période de moins d’une année d’absence non justifiée, les députés se voient tout simplement ponctionner sur leur salaire le nombre des jours manqués.
La nouvelle bible de la Chambre, qui fait aussi office de code de conduite et de déontologie, est de plus en plus regardante sur la question des conflits d’intérêts. Il est illusoire de penser, et c’est sans doute le cas de toutes les institutions parlementaires de par le monde, que la nôtre est parfaitement imperméable aux lobbies et autres groupes de pression. Sans prétendre s’en prémunir, le nouveau texte tente néanmoins de barrer le chemin à leur manifestation la plus élémentaire et la plus flagrante. L’article 401 dispose clairement que tout parlementaire ayant un intérêt personnel lié à l’objet d’un projet ou proposition de loi ou d’une des missions des commissions d’exploration ou d’enquête et lorsque ses intérêts risquent de pervertir son objectivité ne doit pas en faire partie. Et dire que, et c’est de notoriété publique, certains députés insistent spécialement sur la formation de commissions d’exploration sur des thématiques ou des institutions ou secteur économique bien précis et pour un but tout aussi bien précis qui n’a forcément rien à voir avec l’intérêt public. Sur un autre registre, concernant cette fois les parlementaires «mal élus» dont l’élection sent un peu trop l’argent sale, la règle du jeu change. En pareille situation, quand un député n’a pas déposé les comptes de sa campagne électorale dans un délai d’un mois, ou dépasse le plafond des dépenses fixé ou encore n’est pas en mesure de justifier les sources de ses dépenses, le risque est gros : il perd son siège. Bien sûr, le nouveau règlement intérieur impose de nouvelles règles de conduite et apporte des réponses à de nombreuses situations devant lesquelles les dirigeants de la Chambre étaient impuissants à cause d’un vide juridique.

 

FOCUS

Déclaration de patrimoine
Pour ceux qui auront tendance à oublier de faire leur déclaration de patrimoine auprès de la Cour des comptes, ils se font tirer les oreilles et si passé un délai, et qu’ils ne s’exécutent toujours pas, leur salaire sera suspendu.
Changement de casquette
La transhumance est constitutionnellement interdite. Tout membre d’un groupe ou d’un groupement parlementaire ayant changé de casquette politique pendant son mandat risque de perdre son siège. La nouveauté, c’est que désormais le parti pour lequel il a été élu peut demander à la Cour constitutionnelle de le déchoir de son mandat.
Publique ou générale?
Il faut faire la nuance, surtout lorsqu’il s’agit de préparer les questions à poser lors de la séance mensuelle de politique générale. L’article 324 lève justement cette ambiguïté et précise clairement le domaine qui rentre dans le cadre de la politique générale sur laquelle le Chef du gouvernement est questionnable une fois par mois.
Immunité révisée
Selon les articles 1 et 64 de la Constitution, les parlementaires jouissent d’une immunité pénale pour ce qui est de leur liberté d’opinion. Sauf que cette immunité saute dès que le parlementaire met en cause l’une des constantes de la nation, y compris le choix démocratique.
Groupes parlementaires
Les élus du PJD et du PPS ne pourront finalement pas se constituer en groupes parlementaires. Le nombre minimal d’élus pour former un groupe reste inchangé. Il faut disposer de 20 sièges.