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Pouvoirs

Le coup de semonce royal

Tout le monde a été rappelé vigoureusement à l’ordre
: partis politiques, ministres, gouverneurs, élus, autorités locales
et citoyens…
La récréation est finie et l’ère du laxisme également.
Une ferme reprise en main.

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rub 5262

Dresser le bilan de l’action de l’Etat et esquisser les perspectives. Tel est l’usage consacré par les discours du trône. Le Roi Mohammed VI a estimé que l’heure était grave et que l’on ne pouvait se prêter à un tel exercice après le 16 mai. Il a voulu en faire «un moment fort de réflexion nationale collective et d’analyse».
Pari réussi. Une réflexion sereine puisqu’elle intervient deux mois et demi après les attentats terroristes de Casablanca, mais ferme et sans complaisance envers quiconque. Tout le monde est rappelé vigoureusement à l’ordre : partis politiques, ministres, gouverneurs, élus, autorités locales et citoyens… Une douche froide en pleine canicule et un rare moment de vérité : Mohammed VI exprime son «amertume» face à la grave insuffisance dans la lutte contre l’habitat insalubre. Le discours royal du 20 Août 2001 avait pourtant tiré la sonnette d’alarme et appelé à l’adoption d’un programme national de solidarité. Deux ans plus tard, le Souverain s’indigne : «Au lieu d’une éradication progressive des bidonvilles, nous avons constaté leur prolifération dans de nombreuses villes.»
C’est sans appel. Tous les protagonistes doivent assumer pleinement leurs responsabilités, chacun dans son domaine de compétence. A défaut, en tant que chef d’Etat, il devra assumer les siennes: «Je ne tolèrerai pas de relâchement dans la gestion des affaires publiques. J’entends mettre en œuvre toutes formes de contrôle sévère et d’audit rigoureux.»
Fini les discours lénifiants. Tout le monde dorénavant sera astreint à une obligation de résultats. Le Roi met ainsi l’efficacité au sommet de son échelle des valeurs. Mais pour quel projet de société ? La réponse est sans équivoque : «J’affirme que nous tous, individuellement et collectivement, autorités, institutions, partis et associations, sommes responsables de l’édification de notre société démocratique et moderne, projet que fait sienne la nation tout entière.»
Le chef de l’Etat s’attarde sur les deux éléments fondateurs de ce projet de société: l’islam et la démocratie. Concernant l’islam, l’accent est mis sur l’unanimité autour du rite malékite et sur la relation entre l’Etat et la religion. Le Souverain exprime sa détermination à défendre et préserver l’unicité et l’exclusivité du rite malékite chez les Marocains. Une allusion faite à une autre prolifération anarchique, celle du salafisme jihadite et autre takfirisme, avatars extrémistes du wahabisme.

Démocratie, religion et partis politiques
Quant au débat sur la relation entre l’Etat et la religion, il serait tranché par la Constitution qui stipule que le Maroc est un Etat musulman et que le Roi est Commandeur des croyants (Amir al Mouminine). Le Roi est très clair à ce sujet : «Le Commandeur des croyants étant l’unique référence religieuse pour la Nation marocaine, aucun parti ou groupe ne peut s’ériger en porte-parole ou en tuteur de l’islam». Il annonce par la même occasion que le Conseil supérieur et les conseils régionaux des ouléma, qui l’assistent dans cette fonction religieuse, seront renouvelés, mis à niveau et dynamisés dans leur mode de fonctionnement.
Aucune démocratie représentative ne peut être construite sans partis politiques puissants et efficaces, le Roi en est parfaitement conscient. C’est pourquoi il interpelle les formations politiques marocaines sur leurs défaillances en matière d’encadrement et de représentation des citoyens, et surtout des jeunes. Et afin qu’ils aient les moyens d’assumer ce rôle, S.M. Mohammed VI insiste sur la nécessité d’adopter dans les plus brefs délais le projet de loi sur les partis politiques, actuellement mis sous l’éteignoir.
Une loi censée renforcer le rôle des partis et mettre à leur disposition un financement public transparent, mais aussi interdire la constitution de formations sur des bases religieuses, linguistiques et régionalistes.
Le Souverain critique au passage la dérive électoraliste de certains partis. Les élections devraient être considérées dorénavant comme un moment tout à fait normal de la vie politique nationale et non un but en soi. L’essentiel est de répondre aux exigences de la bonne gouvernance et du développement économique et social, qui passe par un habitat salubre, un enseignement utile, des emplois productifs…
Voilà pour le projet de société. Mais quels sont les relais capables de le concrétiser? C’est là où le bât blesse. Tout le discours royal du 30 juillet 2003 apporte en filigrane des éléments de réponse. Partis politiques, gouvernement, parlement, institutions, administration, justice… sont appelés à un exercice d’autocritique et à assumer leurs missions respectives. Car, désormais, la récréation est finie et l’ère du laxisme également. C’est ce qu’on appelle une reprise en main.