Pouvoirs
«Je suis victime de discrimination raciale»
Que puis-je faire lorsque dans un entretien de recrutement je suis victime de discrimination raciale ? En fait, j’ai été rejeté parce que le recruteur, qui n’est autre que le directeur général de la société qui devait me recruter, m’a dit exactement : «Je n’apprécie pas de travailler avec des Africains». Il voulait dire un Subsaharien, car lui aussi il est africain puisque le Maroc se situe dans le continent africain. Est-ce que j’ai le droit de déposer plainte contre lui pour discrimination ?

Tout d’abord, la Constitution marocaine interdit toute incitation à la haine et à la discrimination dans l’avant-dernier alinéa de l’article 23. Le code pénal dans ses articles 431-1 et 431-2 interdit et punit même toute personne qui se rend coupable d’un acte de discrimination.
En effet, selon ces articles, «Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de l’origine nationale ou sociale, de la couleur, du sexe, de la situation de famille, de l’état de santé, du handicap, de l’opinion politique, de l’appartenance syndicale, de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée».
Cette infraction est passible d’un emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de mille deux cent à cinquante mille dirhams, lorsqu’elle consiste à :
• refuser la fourniture d’un bien ou d’un service ;
• entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque;
• refuser d’embaucher (c’est votre cas), à sanctionner ou à licencier une personne.
Par ailleurs, les articles 9, 36 et 478 du code de travail interdisent également la discrimination dans le domaine du recrutement.
Cependant, le problème qui se pose est bel et bien celui de la preuve, comment prouver que vous avez été victime de discrimination, et que si vous n’avez pas été recruté, c’est peut-être à cause de votre profil ou vos compétences, etc. ?
Comme toute infraction, la discrimination est un délit pénal qui nécessite le dépôt d’une plainte pour que la procédure d’instruction soit déclenchée par le procureur du Roi, qui peut éventuellement donner des directives à la police judiciaire pour vous convoquer aux fins de confirmer votre plainte, puis l’éventuel employeur qui vous a fait l’entretien de recrutement et qui a priori a commis, selon votre déclaration, un délit de discrimination qui consiste à refuser de vous recruter pour motif de votre race ou votre couleur.
Il est tout à fait envisageable que cet employeur niera vous avoir refusé pour ces motifs sus-cités, et soulever un autre motif comme votre formation, votre expérience ou autres, auquel cas vous devriez établir qu’il a commis effectivement le délit de discrimination.
Vous ne disposez pas de témoins, il n’y a pas eu non plus de flagrance, c’est-à-dire le délit n’a pas été commis devant un officier. Il vous reste éventuellement son aveu ou un enregistrement dont la probance juridique resterait soumise au pouvoir discrétionnaire du juge.
Si le procureur est convaincu de l’efficience de votre preuve, il pourra décider des poursuites pénales et transmettre le dossier au juge de fond.
