Diplomatie
Terrorisme en Afrique, la coopération Sud-Sud est la solution
Dans l’indifférence quasi totale, le terrorisme fauche des dizaines de vies chaque jour en Afrique. La situation est intenable. Seule une coopération continentale, avec des prérequis, saurait en donner la réponse.

On le dit de toutes les promesses. Le continent africain l’est et à plusieurs égards. Toujours est-il que sa marche vers ce mieux espéré est parsemée d’embûches. Celles-ci ont pour noms : séparatisme, terrorisme, instabilité politique, ingérences extérieures. Il s’agit de certaines des thématiques débattues lors de la 15ème édition du Forum MEDays de Tanger. Lors de la plénière de sa deuxième journée, ce jeudi 16 novembre, le rendez-vous tangérois s’est appesanti sur les problématiques du terrorisme et du séparatisme qui gangrènent l’Afrique.
D’entrée de jeu, Mahamat Annadif Salah, ancien ministre des Affaires étrangères du Tchad, plante le décor en soulignant que, contrairement à ce que certains acteurs occidentaux avancent, «le terrorisme n’est pas une fabrication africaine, mais il a été exporté vers l’Afrique», suite à ce que l’on considère comme une «victoire» sur Al-Qaïda et Daech. C’est que les terroristes qui ont réussi à fuir se sont repliés dans le Sahel. D’où ils déclenchent des opérations qui visent davantage les populations. Or, comme les observateurs s’accordent à le préciser, il ne s’agit nullement de «prêcher la bonne parole» avec un soubassement religieux, mais de terrorisme pur et simple qui vise la mise sous la main des ressources desdites zones, tout en alimentant la visée d’aller toujours plus loin en étendant leurs zones d’influence. Du coup, dit l’intervenant, «personne n’est épargné».
Un état de fait que corrobore l’ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, lorsqu’il donne des chiffres pour le moins effarants sur la situation qui prévaut dans la région. Des dizaines de milliers de victimes, dépassant les 50.000 rien qu’entre le Burkina Faso et le Bénin ces derniers mois, sans parler de la RDC et autres Nigéria et le Bénin. La situation est grave et cela n’a pas l’air d’émouvoir les cercles de la dénonciation permanente. Pour Gadio, il s’agit là de «la maladie du continent, entre autres maladies» qui devrait interpeller beaucoup. Mais, visiblement, cela «ne réveille pas les consciences». Déjà, rappelle le panafricaniste, qu’il y a des appels pour la tenue d’un sommet africain sur la question, mais qui n’a reçu aucun écho positif de la part des décideurs. Pourtant, l’urgence est là. D’autant plus que des pans de jeunes Africains, quand ils ne sont pas tentés par l’Europe, au péril de leur vie, se retrouvent des «proies faciles» des «chantres du terrorisme importé», laissent entendre les panélistes. In fine, on se retrouve devant des «massacres fratricides» au sein même du continent !
Donner du rêve et de l’espoir !
À qui incombe dès lors la responsabilité ? Il y a autant de causes exogènes qu’endogènes dans ce récit ! Outre l’implication de forces étrangères, qui allument le feu et soufflent sur les braises en les entretenant, il y aura aussi des «responsabilités intrinsèques» où il faut se voir en face. Annadif parle de gouvernance. Gadio zoome sur le paradigme de développement éculé, désuet et erroné, prévalant qu’il faut revoir sur le continent. Féru des rapprochements, l’ancien diplomate sénégalais ne manque pas de rappeler, en aparté, que le continent compte 1 milliard de jeunes, soit 2 milliards de bras, qui peuvent faire la différence. Et ce, au moment où le vieillissement avance ailleurs, l’Afrique «respire la jeunesse». Mais, une jeunesse en manque de «rêve, d’espoir, qui tourne le dos à l’Afrique». En fait, ironise Gadio, «on ne peut pas dire à un riche qu’il est pauvre ! Les jeunes Africains savent qu’ils marchent sur l’or (avec toutes les richesses du sous-sol africain), mais on continue de dire que ce sont des pays pauvres !».
Et pour cause, il ne s’agit pas uniquement des coups d’État militaires (6 ces derniers temps), mais aussi des coups d’État institutionnels, voire constitutionnels. Conséquence ? La perte de confiance. Cette même confiance qui était, il y a quelques années, sur la voie du retour.
Se pose alors la question : que faire ? Emprunter la voie de la bonne gouvernance, que les élections soient porteuses de solutions et de sources d’exacerbation des problèmes.
Et puis, il y a aussi l’approche à adopter. Il n’est plus question d’importer les solutions d’ailleurs. L’Afrique, résument les intervenants, se doit d’avoir des réponses africaines aux problèmes africains. On l’aurait compris, les deux hommes votent pour que l’Afrique se prenne en main, que la coopération régionale prenne ses quartiers, que l’action traduit les positions exprimées. Il faut redonner confiance aux jeunes dans leur continent, synthétise-t-on.
Les paradigmes de développement suivis ont fait leur temps. Il en faut de nouveaux « Made in Africa for Africa ».
«Séparatisme» intéressé
Les intervenants, lors de la plénière de jeudi de ce Forum, ont relevé que le séparatisme n’a rien à voir avec «une quelconque aspiration pour la liberté, mais qu’il est mû par l’ambition de s’emparer des ressources. Chaque fraction, soutenue par l’extérieur, se veut « détentrice » de cette ambition. Le hic est que le continent est dans une tendance de « fractionnement » sans précédent. En fait, rappelle un intervenant, à la base il y avait 32 États quand on parlait de l’unité africaine après les indépendances. On en est à 54 actuellement. Et il y a fort à craindre, au regard des enjeux en cours, qu’on aille plus loin. Mais, dans ces cas, seules les Nations à ancrage tiennent face aux adversités et aux velléités. Toujours est-il que la cohérence devrait prévaloir. Notamment du côté des institutions de l’Union africaine.
