Pouvoirs
Bientôt un bloc libéral islamiste ?
Forces citoyennes et Alliances des libertés ont formé une union le 21 avril.
Chaque parti garde son identité mais il y aura 75% de candidats communs pour
les législatives
de 2007.
Programme : des passerelles vers le PJD sont prévues.

Le Maroc aura-t-il bientôt son bloc «libéral islamiste» ? Samedi 21 avril, à Casablanca, les deux formations libérales Forces citoyennes (FC) et Alliance des libertés (ADL) tenaient leurs congrès extraordinaires d’adaptation à la loi sur les partis politiques. Les deux rencontres, tenues séparément, ont été suivies par une troisième, commune, qui a rassemblé les 3 000 congressistes des deux partis pour lancer «l’Alliance citoyenne». Le nom de cet ensemble, contraction de ceux des partis de Ali Belhaj et Abderrahim Lahjouji, a beau suggérer qu’il s’agit d’une fusion, c’est en fait une union qui a ainsi vu le jour, en ce sens que les deux formations continueront à exister séparément. Conformément à la loi sur les partis politiques, cette dernière devra amener les deux formations à se lancer dans la course aux sièges en battant logo et programme, mais aussi et surtout, candidats communs puisque 75% de ces derniers devront représenter l’union.
Annoncé à six mois des élections, ce lancement vient couronner un processus entamé depuis un an. «Au départ, nous avions considéré l’option d’un parti commun. Nous avons toujours eu des contacts, une réflexion, et, depuis un an, nous avons repris les contacts qui se sont accélérés petit à petit et ont débouché sur la constitution de cette union», indique
M. Belhaj, président d’ADL.
L’union devrait permettre aux deux formations d’avoir des subventions s’ils ont 5% des voix
Créés respectivement en novembre 2001 et mars 2002, Forces citoyennes et Alliance des libertés font partie de la vague de partis libéraux – ou se présentant comme tels – qui ont vu le jour à la veille des législatives de 2002, et à la même époque que des formations comme le Parti de la réforme et du développement de Abderrahmane El Cohen (2001), le Parti libéral réformateur créé par Mohamed Alouah (2002), le Parti de l’environnement et du développement de Ahmed El Alami (2002) ou encore le Parti marocain libéral de Mohamed Ziane (2002). L’épreuve des urnes allait se traduire par un succès variable : après s’être présenté sur l’ensemble du territoire national, FC n’a réussi à décrocher que deux sièges, que le parti n’a pas tardé à perdre lorsque ses deux élus, Hormat Allah Mohamed Lamine et Salek Bouloune, ont migré vers l’Istiqlal.
Pendant ce temps, Alliance des libertés remportait 4 sièges, une performance qui allait se confirmer aux élections communales avec l’obtention de 450 sièges d’élus locaux, contre 80 pour Forces citoyennes. L’union fera-t-elle la force ? Sur papier du moins. Désormais, conformément à la loi sur les partis politiques, le choix de l’union devrait permettre aux deux formations de prétendre aux subventions de l’Etat à condition de décrocher au moins 5% des voix.
Ouverture à d’autres partis après les élections
Construite autour de la notion de «libéralisme solidaire», l’Alliance citoyenne se compose d’un conseil de la présidence, un comité central et un comité exécutif, les deux premiers organes étant les principaux centres de pouvoir. Le conseil regroupe un président, Abderrahim Lahjouji, et un secrétaire général, Ali Belhaj, le règlement prévoyant que ces derniers échangent leurs rôles au bout d’un an. Assujetti au règlement qui veut que les décisions-clés soient prises à l’unanimité entre ses deux membres, le conseil a le pouvoir de donner la décision finale en ce qui concerne les candidatures. La seconde instance-clé de l’union est avant tout son comité central, lequel aura pour mission de déterminer la politique générale de l’union et disposera du pouvoir de décider de l’éventuelle admission d’autres partis au sein de cette dernière.
Une telle structure ne risque-t-elle pas de s’avérer trop lourde pour une union qui ne regroupe que deux partis ? Cette dernière semble plutôt conçue pour faciliter en son sein l’intégration de nouvelles formations, même si les deux dirigeants de l’union estiment qu’il est trop tard pour le faire avant les élections. «Tout est possible, mais je crois qu’à trois mois des élections, ce serait difficile. Par contre, nous envisageons très certainement d’avoir d’autres partis qui partagent avec nous un programme.
Cela peut être un programme économique commun, une stratégie électorale commune, des choses concrètes», explique Ali Belhaj. «Après les élections de septembre, nous sommes ouverts, s’il s’agit d’une formation qui partage les mêmes valeurs que les nôtres, autrement dit, le libéralisme solidaire», indique le président de l’union et de Forces citoyennes, Abderrahim Lahjouji. Passé les élections, de nouveaux partis libéraux seront-ils tentés de naviguer de conserve avec FC et ADL ?
En attendant les échéances de septembre, l’Alliance citoyenne devrait disposer d’un allié non négligeable d’ici là : le PJD, représenté samedi dernier par son secrétaire général, Sâad-Dine Elotmani, qui, dans son discours, a indiqué sa volonté de voir la collaboration du PJD avec FC élargie à son alliance avec ADL. Jusqu’où ira la collaboration ? La plate-forme de l’union, qui évoque un libéralisme nourri des valeurs «représentées dans le développement, la solidarité, la tolérance, la justice et qui sont enracinées dans notre culture islamique» est-elle annonciatrice d’un renforcement de la collaboration avec le parti islamiste ?
Pour le moment, FC se donne jusqu’au mois de mai pour révéler la manière dont il compte satisfaire son double engagement envers ADL et le PJD de présenter des candidats communs en septembre. Son secrétaire général, Abderrahim Lahjouji, écarte aussi l’idée d’un programme commun aux trois partis et proteste quand on lui parle de «bloc libéral islamiste».
Toutefois, il n’exclut pas un rapprochement dans certains domaines. «Chacun aura son programme, mais il y aura des passerelles qui permettent de dire qu’un rapprochement existe», indique-t-il. L’alliance ADL-FC a décidément de beaux jours devant elle, surtout si elle vient à bénéficier de l’appui du PJD. Il reste tout de même à voir comment ce dernier parviendra à concilier ses bases populaires, et une politique économique de plus en plus libérale impliquée par sa stratégie d’alliances.
