Société
Tout sur la santé familiale des Marocains
Une enquête menée sur un échantillon de 12 000 ménages.
L’indice de fécondité est passé de sept enfants par femme en moyenne au début des années 1960 à 2,5 au début des années 2000.
La fréquence des consultations prénatales a presque doublé en un peu plus de dix ans.
Les enfants encore souvent victimes de malnutrition, diarrhée et infections pulmonaires aiguës.

Mener une investigation nationale sur la population dans sa relation avec la santé familiale au Maroc n’était pas une mince affaire, mais le ministère de la Santé aura gagné le pari. Certes, des enquêtes de même nature sont conduites une fois tous les cinq ans depuis plus de vingt ans, mais l’Enquête sur la population et la santé familiale (EPSF) 2003-2004 est d’une autre envergure.
78 % des ménages ont l’électricité (95 % en ville)
Plusieurs champs y sont disséqués : depuis la fécondité de la femme, la santé maternelle et infantile, la mortalité maternelle, jusqu’à la perception que se fait la femme du sida et les mesures qu’elle prend pour se protéger et préserver sa famille, en passant par les handicaps, les maladies chroniques et reproductives chez la femme ainsi que les infections sexuellement transmissibles.
Commençons d’abord par des données livrées par le rapport sur l’eau, source de vie et de santé pour toutes les populations du monde. Tant il est vrai que, dans le monde, la mauvaise qualité de l’eau quotidienne tue, chaque année, entre deux et huit millions d’humains. «Un chiffre qui place ces maladies liées à l’eau au même rang que le sida, voire au-dessus, dans l’échelle des fléaux qui affligent l’humanité», écrit le quotidien français le Monde, dans son édition du 22 mars, à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau. La planète a soif et le Maroc n’est pas épargné comme tous les pays du monde. Mais les révélations de l’enquête, en ce qui concerne l’eau potable au Maroc, montrent que de plus en plus de ménages y ont accès. 71 % de ces ménages disposent de l’eau provenant d’un robinet ou d’une fontaine. La proportion, comme on peut s’y attendre, est beaucoup plus importante en milieu urbain qu’en milieu rural, soit respectivement 96% et 33 %.
Selon l’enquête, plus de huit ménages sur dix (82%) ont accès aux toilettes en 2004, avec 99% en milieu urbain et 56% en milieu rural. L’électrification aussi, comme l’eau de robinet ou de fontaine, est en bonne voie : 78% des ménages ont l’électricité (95% en milieu urbain et 51 % en milieu rural).
La chute de la fécondité est surtout due à la quasi-disparition du mariage précoce
L’enquête, se basant sur les 12 000 ménages objets du sondage, donne ensuite quelques données sur le taux de fécondité au Maroc. La femme marocaine, révèlent les chiffres, est beaucoup moins féconde aujourd’hui qu’il y a quarante ans, «c’est une fécondité en pleine transition, qui a connu un changement radical» au cours des quatre dernières décennies. L’indice synthétique de fécondité (ISF) est passé de sept enfants par femme en moyenne, au début des années 1960, à 5,6 enfants, à la fin des années 1970, et à 2,5 au début des années 2000. En milieu rural, la moyenne de fécondité (3,1 enfants) est nettement supérieure à celle du milieu urbain (2,1 enfants). Et c’est la femme des régions de Doukkala-Abda et de Tanger-Tétouan (3,1 enfants) qui bat le record en termes de fécondité. Là encore, démontre l’enquête, chose que l’on sait déjà, le niveau d’instruction de la femme influe nettement sur sa fécondité : celle qui a fréquenté l’école secondaire, ou plus, enfante beaucoup moins (1,8) que celle qui n’est jamais allée à l’école (3,0).
Ces statistiques confortent dans leurs analyses les sociologues qui se sont penchés sur le phénomène : la quasi-disparition du mariage précoce au Maroc est l’une des raisons fondamentales de la chute du taux de fécondité, depuis quarante ans. Ainsi, seulement une femme de 20 et 49 ans sur quatre était déjà mariée à 18 ans. Mais si le retard (voulu ou imposé par des raisons socio-économiques) dans l’âge du mariage, en est une raison, elle n’est pas la seule. Le recours de plus en plus large aux moyens contraceptifs, révèle l’enquête, est une autre bonne raison explicative de la baisse du niveau de fécondité. Chez les femmes mariées interviewées au moment de la collecte des informations, 55 % utilisaient une méthode moderne de contraception – dont la pilule en première place (75%) – et 8% une méthode traditionnelle. Soit un total de 63%, en augmentation de cinq points par rapport à 1997. Là encore, c’est chez les femmes les plus instruites que la prévalence contraceptive est plus élevée: près de sept femmes sur dix.
Que révèle l’enquête sur la santé de la mère et de l’enfant et sur les conditions dans lesquelles accouche la femme marocaine ? D’abord ce chiffre, en progression sensible, par rapport aux enquêtes précédentes : pendant les cinq ans qui ont précédé la dernière collecte d’informations, sur 100 femmes enquêtées, 69 % ont fait l’objet de consultations prénatales auprès des professionnels de la santé ( médecins, infirmières, sages-femmes). Ce taux n’était que de 37 % selon l’enquête de 1992 et de 58 % selon celle de 1997. Le vaccin antitétanique pour les mères durant la grossesse, est, en revanche, insignifiant: 3 naissances sur 10 seulement ont été protégées par ce vaccin (pour assurer la protection du nouveau-né, la mère doit recevoir un minimum de deux injections antitétaniques).
Quant au lieu de l’accouchement, pour les cinq dernières années qui ont précédé l’enquête, il est fonction du niveau socio-économique et des zones géographiques. 61% des naissances ont eu lieu dans les établissements publics ou privés, contre 39% à la maison. Pour les premières, le taux n’était que de 28% en 1992. Les enquêteurs ont constaté par ailleurs que c’est dans les régions de Marrakech-Tensift-Al Haouz et de Taza-Al Hoceima-Taounate qu’une forte proportion de femmes n’ont pas la chance d’avoir un lit dans des établissements sanitaires pour accoucher (45 et 47 %) et accouchent chez elles.
89% des 12-23 mois sont complètement vaccinés
Pour ce qui est de la vaccination des bébés, l’enquête révèle que le Maroc a fait un pas de géant au niveau national : 89% des enfants de 12-23 mois ont été complètement vaccinés contre les six maladies de l’enfance (1% seulement n’ont reçu aucun vaccin). Cette amélioration de la couverture vaccinale, notent les enquêteurs, est «le fruit de la stratégie du programme national d’immunisation, en l’occurrence des journées nationales de vaccination». Ces vaccinations ne prémunissent pas les enfants contre des maladies très répandues comme les infections respiratoires aiguës et la diarrhée (12 % des moins de 5 ans en souffrent). Ni contre la malnutrition chronique qui atteint un enfant sur cinq (18%), avec son corollaire : le retard de croissance. L’enfant marocain est trop petit par rapport à son âge. La pratique de l’allaitement, révèle l’enquête, reste quasi générale au Maroc : 95% des enfants, durant les cinq dernières années précédant l’enquête, ont été allaités.
Sur la mortalité l’enquête apporte de précieuses informations : le taux de mortalité de l’enfant et de la mère a notoirement baissé mais reste élevé. Durant les quatre ans qui ont précédé l’enquête, 40 enfants sur 1000 sont décédés avant l’âge d’un an et 47 enfants sur 1000 avant cinq ans. C’est relativement important, malgré une baisse de 30 % par rapport à l’enquête de 1987-1991. Pour la mortalité maternelle, rapporte l’enquête, pour les dix années la précédant, il y a eu 27 décès maternels sur 100 000 naissances.
Que savent les femmes marocaines sur le sida ? Neuf femmes sur dix (91%) ont déclaré avoir entendu parler de ce virus. Comment, à leur sens, peuvent-elles s’en protéger, sachant que les deux principaux moyens pour prévenir l’infection sont la limitation des rapports sexuels à un seul partenaire non infecté et l’utilisation des préservatifs ? Un tiers des femmes seulement ont déclaré qu’on pouvait éviter de contracter cette maladie en utilisant ces deux moyens. 38% ont cité le préservatif et 55% la fidélité conjugale.
Quant aux handicaps, ils affectent plus les hommes que les femmes, dans une proportion respective de 21‰ et de 14 ‰. Les handicaps qui ont été les plus cités par les sondés sont le handicap moteur (37%), le handicap visuel (14%) et le handicap auditif (13%).
Ces données concordent-elles avec les informations sur les ménages marocains que le dernier recensement de septembre 2004 s’apprête à livrer en septembre prochain? «Je ne crois pas que ces résultats s’écarteront beaucoup de notre enquête. Une chose est sûre : le taux de croissance démographique révélé par l’enquête est le même que celui révélé par le dernier recensement, soit 1,4%», répond Jilali Hazim, directeur de la planification et des ressources humains au ministère de la Santé. Mais mieux vaut attendre septembre pour en avoir le cœur net
Les résultats de l’enquête menée sur 11 513 ménages et 16 798 femmes âgées de 15 à 49 ans confirmeront-ils les résultats détaillés du dernier recensement de la population ? Il faudra attendre septembre prochain pour le savoir.
