Société
Taxis : comment marche le système
Près de 14 000 taxis en circulation à Casablanca dont 6 000 blancs.
Permis de conduire de plus de 5 ans, certificat médical et examen technique
avant d’obtenir un permis de confiance.
Titulaire d’agrément, propriétaire de taxi, chauffeur loueur et intermédiaire :
une flopée d’acteurs intervient dans le circuit.
Contrôle quotidien et visite technique trimestrielle visent à protéger les
clients.

Quelle est la différence entre le chauffeur d’un taxi et un conducteur automobile «normal» ? Réponse : le permis de confiance, condition sine qua non pour conduire un taxi. Avant de pouvoir prétendre à ce précieux document, le candidat doit justifier d’un permis de conduire vieux d’au moins cinq ans ; une manière de barrer la route aux candidats trop jeunes. Le reste du dossier de candidature comporte des pièces administratives banales, exception faite du certificat médical dit d’aptitude, délivré par un médecin de la Santé publique, et qui renseigne sur la «capacité visuelle» du candidat. Remarque importante et qui peut en surprendre quelques-uns : le certificat en question ne fait pas référence aux aptitudes psychiques du futur chauffeur de taxi. Le dossier complet est déposé auprès des services de la wilaya. Deux fois par an, on procède à la convocation des candidats qui se présentent sur place pour subir un examen technique. C’est une commission présidée par un agent de la wilaya et comprenant, entre autres, un policier, qui détermine les aptitudes du candidat. Les épreuves sont orales et portent essentiellement sur la connaissance de la ville. Le futur chauffeur de taxi est censé tout connaà®tre, à commencer par les adresses incontournables : hôpitaux, commissariats, cimetières, représentations diplomatiques, hôtels, administrations publiques, aéroports, gares routières, etc. Des questions sont également posées sur les itinéraires à emprunter, qui doivent être les plus courts, et donc les moins coûteux pour le client. Mais aussi sur les conduites à tenir (par rapport aux personnes transportées) en cas d’imprévus. Cet examen constitue la dernière étape à franchir pour le candidat. S’il le rate, il peut toujours se rattraper à la deuxième session. S’il rate encore son coup, il n’obtiendra jamais son permis de confiance… Un taxi peut-être loué à la demi-journée, à la journée, à la nuit ou au mois Combien sont-ils à avoir le précieux permis de confiance en poche ? Nous avons esssayé d’avoir les chiffres pour tout le pays. En vain. Mais, consolation, on sait tout de même que sur le grand Casablanca, il n’y en a pas moins de 70 000. «La règle est simple, nous fait observer un chauffeur de taxi, il y a cinq fois plus de permis que de taxis. Et à Casablanca, il existe près de 14 000 taxis, dont près de 6 000 blancs (grands taxis)». Pour le titulaire du permis de confiance, le plus important est de trouver un agrément à exploiter. Et c’est là le second facteur important. Trouver cet agrément à exploiter. La recherche se fait d’une manière individuelle, selon les vieilles méthodes du système D. Certains chauffeurs occasionnels fréquentent les cafés à proximité des stations de taxi et attendent patiemment que le propriétaire d’un agrément daigne se présenter. D’autres font appel aux services de semsara, ou agents intermédiaires. La location du taxi peut ainsi se faire de deux manières possibles : un forfait journalier ou un forfait global qui peut porter sur des mois, voire des années. Dans le premier cas, le titulaire du permis de confiance loue un package taxi + agrément. Dans le second cas, celui qui loue l’agrément achète lui-même le taxi. A la journée, la location peut se faire en tranches. La tranche 7 h-14h est la plus courue, le coût de sa location se situe généralement dans la fourchette 110-140 DH/jour. La tranche suivante peut aller jusqu’à 21 h ou 22 h et coûte, en moyenne, de 10 à 20 DH moins cher. Le tarif de nuit, qui court jusqu’au petit matin, est majoré de quelques dizaines de dirhams, étant donné que le tarif de la course en taxi est lui-même majoré de 50 %. Le forfait 24 heures coûte en moyenne 220 DH, alors que le forfait 12 heures tourne autour de 160 DH. Précision : à la fin de sa tranche horaire, le chauffeur rend la voiture à son propriétaire avec le plein de carburant, c’est-à -dire en l’état o๠il l’a louée au début. Précisons aussi que les réparations mécaniques sont à la charge du propriétaire. Enfin, les variations sur le tarif de la location dépendent aussi de l’état du véhicule, son âge, sa consommation en huile, etc. Quand la location du taxi se fait au mois. Le tarif moyen est de 2 500 DH, avec une avance de deux à trois mois, exactement comme pour le loyer d’un appartement ! Quand la transaction passe par un intermédiaire, celui-ci empoche les habituels 10 % de commission. Un pas de porte de 80 000 DH pour louer l’agrément pendant 10 ans Toujours selon le modèle adopté dans l’immobilier, la location peut se faire au «pas de porte». En d’autres termes, le chauffeur exploite l’agrément-taxi moyennant un forfait négocié avec le propriétaire. L’agrément est ainsi cédé, pour une durée de 5 ans, au prix moyen de 50 000 DH, en plus d’un «loyer» mensuel compris entre 1 500 et 1 600 DH. Quand la durée d’exploitation est de 10 ans, le forfait peut coûter jusqu’à 80 000 DH, en plus du loyer mensuel. Comme on le voit, conduire un taxi représente, pour le titulaire du fameux permis de confiance, un véritable investissement, bénéficiant largement au propriétaire de l’agrément. «C’est pour cela, nous explique un chauffeur de taxi, que l’on préfère ne pas acheter nous-mêmes le véhicule, les charges mensuelles risquant de devenir insupportables». Il existe, en effet, des formules de financement à l’achat de voitures pour les titulaires du permis de confiance. Quand le véhicule a moins de cinq ans d’âge, les crédits peuvent financer jusqu’à 90% du montant de la transaction. Question : comment se font la vérification et le contrôle du taxi, une fois mis en circulation ? La réponse s’appelle : pointage. Il existe cinq centres de pointage à Casablanca, situés au Maârif, à Bachkou, à El Hank, à la rue Socrate et, pour les contrôles de nuit, près du Centre 2000 (Casa-port). Ces pointages ont lieu chaque jour. Théoriquement, ils doivent permettre de vérifier l’identité du chauffeur, l’agrément qu’il exploite, l’état mécanique des véhicules, notamment l’ouverture-fermeture des portes, le bon fonctionnement du compteur, la propreté du chauffeur et de son véhicule, etc. Ces pointages sont effectués selon les numéros de série de l’agrément. Le pointage n’est pas la seule formalité de contrôle. Une visite technique en bonne et due forme est également prévue, tous les trois mois, dans un centre spécialisé près du boulevard Ibn Tachfine. «Avec tout cela, admet un représentant syndical qui a requis l’anonymat, l’état des voitures, des chauffeurs, les conditions du transport laissent souvent à désirer. Parce que le règlement n’est pas toujours appliqué. Le métier n’est pas bien organisé. Et le laisser-aller, parfois ajouté à la petite corruption, font le reste…». La lecture de cassettes audio est en principe interdite au taxieur Sur le papier, le chauffeur de taxi est interdit de racolage (prendre un client alors qu’il en transporte déjà un), comme de prendre une course dans un rayon de 50 mètres autour de la station de taxis la plus proche, de s’arrêter en plein carrefour. Des mesures qui sont très peu respectées. Les chauffeurs le savent et les autorités font avec. Mais, rétorquent les premiers, le plus souvent, «comment voulez-vous que l’on respecte toutes ces consignes contraignantes quand, en retour, nous ne bénéficions pas de couverture sociale, quand la profession est infestée de gens au profil douteux ou ayant déjà un autre gagne-pain quotidien, quand il n’existe aucune limite d’âge pour les véhicules déjà en circulation, ni pour les conducteurs?». Il faut noter, toutefois, l’effort qui a été entrepris ici et là pour arranger au mieux les choses. Dans certaines villes, par exemple, les autorités arrivent plus ou moins à imposer une hygiène stricte au chauffeur (il doit se présenter en tenue correcte, rasé, etc.), et des conditions de transport convenables passant, entre autres, par l’interdiction d’imposer au client l’écoute de cassettes-audio. De même, certains centres touristiques arrivent en collaboration avec les services de police (auprès desquels tous les titulaires d’un permis de confiance «pointent» dès l’obtention de leur précieux document) à dénicher des taxis, à toute heure, pour le transport de leurs clients, alors que les quelques sociétés qui avaient tenté d’organiser ce service ont dû mettre la clé sous la porte. Un chauffeur de taxi se fait, après déduction des frais de location de l’agrément, et d’entretien du véhicule, entre 30 et 300 DH par jour. En dehors, bien sûr, des «extra» (clients attitrés, menus services offerts la nuit) que certains arrivent à s’assurer. La plupart ne sont pas propriétaires de l’agrément qu’ils exploitent. Le choix des marques de voitures utilisées (Fiat, Citroà«n pour le petit taxi, Mercedes pour le grand) obéit à de strictes raisons économiques, ces marques étant réputées pratiques et peu coûteuses à la consommation, notamment en ville. Les agréments sont généralement du ressort du ministère de l’Intérieur, même si leur octroi se fait par le biais des gouverneurs ou walis. Ils sont accordés, sur recommandations diverses, entre autres, à d’anciens résistants ou policiers, à des célébrités du monde des arts ou des sports,…
