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Société

Sur la piste des routes les plus meurtrières

Les routes nationales sont les plus meurtrières avec 1 316 tués en 2002 pour 6 397 accidents.
Sur les routes nationales, les environs de Marrakech, El Jadida et Al Hoceima comportent les tronçons les plus dangereux.
L’autoroute la plus meurtrière est celle reliant Kénitra à  Moulay Bousselham.
Sur les routes provinciales, le tronçon Casablanca-Tamaris, à  lui seul, a fait, en 2002, 117 accidents avec 21 morts.

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rub 6297

La route tue. Ce truisme prend un relief encore plus funeste au Maroc où les accidents font partie du lot quotidien. Le constat, certes, est général pour tout le pays, mais selon les statistiques de la Direction des routes (ministère du Transport et de l’Equipement) au titre de l’année 2002, l’ampleur de l’hécatombe diffère en fonction des régions, des routes et des tronçons.
Si les voies de communication sont l’objet d’une attention particulière, c’est que leur état intervient sensiblement dans la cause des accidents. Il est évident qu’on ne saurait en déterminer la part, mais les chiffres sont éloquents : sur les 52 131 accidents enregistrés en 2002, 14 127 se sont produits en rase campagne, soit 27,1%, tuant 2 019 personnes. A titre de comparaison, sur les 38 010 accidents recensés en agglomération, «seuls» 1 171 furent mortels.
Ainsi, il en ressort clairement que les routes les plus meurtrières sont celles de l’Oriental, du Grand Casablanca, Rabat, Tanger-Tétouan, Settat, El Jadida et autres Kelaât Sraghna et Béni Mellal.
En termes de catégories, le réseau des routes nationales, d’une longueur totale de 11 300 kilomètres, a fait en 2002 près de 1 316 victimes contre 95 pour les autoroutes et 1 040 pour les routes régionales et provinciales (ex-secondaires et tertiaires). Savez-vous quel est le tronçon le plus meurtrier sur les routes marocaines ? Sachez que c’est un petit tronçon de 116 kilomètres qui mène de la petite ville d’Imintanoute vers la route provinciale 1 010. Il a totalisé, à lui seul, 147 accidents en 2002 et faits 41 morts. Pour les 19 axes que compte le réseau des routes nationales (ex-RP), le triste record est détenu par la RP1, reliant Tanger à Lagouira via Casablanca, El Jadida et Agadir. Elle a été le théâtre de 1 745 accidents avec 379 personnes tuées. Certains diraient que c’est parfaitement normal vu la longueur de l’axe et la densité du trafic. N’empêche que si vous empruntez la RP1, faites particulièrement attention à quelques points noirs très dangereux. C’est le cas notamment des tronçons Larache-Ksar Lekbir qui a tué 13 personnes, Bir Jdid-Azemmour qui en a tué 21 ou encore, plus au sud, Tan-Tan- Tarfaya qui a totalisé 22 victimes en 2002.
L’autre grand axe dangereux est la RP8 reliant Agadir à Al Hoceima via Marrakech, Béni Mellal et Fès. Longue de 923 km, cette route comporte encore plus de points noirs que la RP1, particulièrement aux alentours de Marrakech comme entre Imintanout et Chichaoua (20 morts pour 37 km seulement) ou entre Marrakech et Tamelelt (30 morts pour 54 km).

Les routes régionales et provinciales battent le record

Certes, l’état parfois détérioré de certaines routes nationales est en partie à l’origine de ces chiffres. Mais ce n’est pas tout car, même sur les autoroutes, la situation n’est guère plus reluisante. En comparant les statistiques des nationales à celles du réseau autoroutier, nous pouvons dire que ce dernier est relativement sûr. En 2002, on y a constaté 568 accidents, dont 75 mortels, et 95 morts. Ce qui représente une proportion de 4% par rapport aux accidents survenus en rase campagne. Mais attention, là encore, il faut être particulièrement vigilant sur la A1, reliant Rabat à Asilah, et la A3, reliant Rabat à Casablanca. La première a totalisé, en 2002, 199 accidents et 30 morts tandis que la deuxième a fait légèrement mieux avec 196 accidents et 27 morts. Quant au tronçon autoroutier le plus meurtrier, c’est de loin les 84 kilomètres qui séparent Kénitra de la petite station balnéaire de Moulay Bousselham : 110 accidents en 2002 avec 14 personnes tuées.
D’autres tronçons, comme celui de l’aéroport Mohammed V-Berrechid ou encore Moulay Bousselham-Larache sont dangereusement hasardeux.
Quant aux routes régionales et provinciales (appelées auparavant secondaires et tertiaires), elles battent le record en matière d’accidents.
Lorsque, par aventure, on tombe sur une route provinciale, mieux vaut ne pas se laisser distraire par le paysage, même quand on a une âme romantique. Car ce réseau, long de 46 000 km environ, se distingue tristement avec un nombre total d’accidents de 7 000. En tête de liste des tronçons les plus meurtriers, nous trouvons Casa-Tamaris (24 km) avec 117 accidents et 21 morts en 2002, Khouribga-Oued Zem (33 km) avec 11 morts pour 46 accidents ou encore Belksiri-Sidi Kacem (45 km) qui a totalisé 55 accidents et 8 morts.

En définitive, vous qui pratiquez ces petites routes de campagne, retenez bien l’adage «prudence est mère de sûreté».

Malgré de maigres satisfecit, il y a lieu de croire qu’il y a péril sur la route, quelle que soit la nature de celle-ci. Mis à part les autoroutes, bien évidemment, la plupart sont à peine carrossables. D’ailleurs, beaucoup ne sont même pas revêtus (1 737 km de nationales, 1 631 km de régionales, 21 772 km de provinciales). Toutefois, les statistiques montrent que l’état de la chaussée n’est souvent pas en cause : 50 417 accidents en rase campagne, en vingt ans, se sont produits sur des chaussées bien revêtues, contre «seulement» 260 sur des chaussées non revêtues. En revanche, le déficit de signalisation peut être montré du doigt pour avoir provoqué 83 accidents, en 2002, pendant que les intersections avec signalisation en ont causé 8. La largeur de la chaussée, quant à elle, offre quelques surprises : à moins de 4 mètres, le nombre d’accidents se chiffre, toujours en 2002, à 1 224, de 4 à 6 mètres, il grimpe à 2 693, de 6 à 7 mètres, il s’élève à 4 197, de 7 à 10 mètres, il plafonne à 4 447, de 10 à 14 mètres, il pique du nez (408), à plus de 4 mètres, il redescend à 393. Curieux, n’est-ce pas ?

Un réveil bien tardif des autorités ?
Mais que font donc les pouvoirs publics ?, peut-on se demander. Rassurez-vous, ils ne se tournent pas les pouces, bien qu’on soit en droit de leur reprocher de s’y prendre tard. Précisément en 1994. C’est seulement cette année-là, que la Direction des routes et de la circulation routière, alarmée par la recrudescence des accidents, a lancé une campagne d’audit-sécurité routière des axes à forte concentration de trafic. C’est ainsi que les points noirs ont été détectés.
Dès lors, la DRCR est passée à l’œuvre, en plusieurs phases. En 1994 et 1995, elle a effectué des aménagements à faible coût (6 MDH) et neuf aménagements lourds (29 MDH). Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, la DRCR a effectué, de 1997 à 2001, des aménagements de sécurité pour 79,4 MDH versés par la BIRD, qui furent suivis, en 2001-2002, par 22 autres, coûtant 27,6 MDH.
En 2003, elle poursuit son action, en traitant pas moins de 862 points noirs. Avec d’heureux résultats. «Les aménagements de sécurité réalisés ont entraîné une nette diminution du nombre d’accidents et de victimes, durant la période relativement courte après notre action. Une tendance à la baisse des taux d’accidents et de tués a été observée pour la majorité des sections concernées par les aménagements», se réjouit Mohamed Himmi, chef de la division de l’exploitation et de la sécurité routière. Non sans nuancer sans enthousiasme.
Avant, les conducteurs qui empruntaient la route de l’Oued Beht roulaient prudemment. Il a suffi que la voie soit élargie pour qu’ils se mettent à rouler à tombeau ouvert, exposant leur vie et celles des autres. Idem pour la route menant de Casablanca à El Jadida. «L’expérience prouve que les aménagements légers (arasement de talus, amélioration de la visibilité…) se révèlent efficaces, tandis que les aménagements lourds (rectification de tracé ou de profil) ne donnent des résultats que s’ils sont accompagnés de contrôles sur la route», soutient Mohamed Benjelloun, chef de division de la DRCR.
La route de Mehdia apporte de l’eau au moulin de Benjelloun. Bien que composée de trois voies, dûment reliftée et bien signalisée, elle était meurtrière. Depuis qu’on a installé un poste de gendarmerie, elle s’est assagie. Rien de tel que la peur du gendarme pour réfréner les ardeurs des fous du volant