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Société

Presse électronique : « Certains sites se développent et cherchent aussi un modèle économique »

Questions à  Mounir Bensalah, Bloggueur et auteur du livre « Réseaux sociaux et révolutions arabes ».

Publié le

Mounir Bensalah Bloggueur 2013 01 28

La Vie éco :  Est-il vrai que les révolutions arabes ont entraîné une explosion de la presse électronique au Maroc ? Ou du moins la professionnalisation de certains sites d’informations ?
Tout observateur remarquera la prolifération des sites d’informations généralistes et thématiques au Maroc ces trois dernières années. Cette explosion est à la fois quantitative et qualitative. Pour comprendre ce phénomène, il faut souligner deux facteurs importants. Il y a d’abord le taux de pénétration : le Maroc a réussi le pari de l’augmentation significative du nombre d’utilisateurs d’internet. Nous sommes plus de 16 millions de Marocains à entrer sur la toile. On assiste aussi au développement des nouveaux terminaux (tablettes, smartphones…), ce qui a facilité grandement l’accès à internet. Il y a ensuite, c’est vrai, le Printemps arabe : en plus de leur éclat spectaculaire, «les révolutions» ont mis en lumière l’importance du suivi instantané de l’info pour comprendre les évènements qui se produisent très rapidement. Le canal le plus adéquat reste incontestablement les supports internet.

Le professionnalisme n’a pas suivi pour autant…
Pas systématiquement. S’il est vrai que les deux facteurs que j’ai cités ont été derrière l’offre grandissante de la presse électronique marocaine, il faut avouer que cette offre dans l’ensemble reste très en deçà des attentes : offre rarement professionnelle, plagiat… Le plus grand indicateur est que 90% de la bande passante d’Internet au Maroc est utilisée à l’étranger. Ceci étant, il faut dire aussi que certains sites se développent d’une manière respectable et cherchent aussi un modèle économique. Même ailleurs qu’au Maroc, la question du modèle économique du site d’info est posée avec insistance.

Y a-t-il plus de demande que d’offre au Maroc en termes de sites professionnels d’info comparativement avec d’autres pays arabes…?
L’indicateur cité ci-dessus de l’utilisation de la bande passante est plus que parlant. Il en découle que la demande dépasse largement l’offre. Ceci étant, cette demande n’est pas généralisée, elle mérite d’être compartimentée : il y a une forte demande sur les infos sportives, sur les sujets de sociétés, … et sur l’info classique. En même temps, l’amateurisme caractérise beaucoup d’initiatives de création de site d’information au Maroc : certains pensent que l’outil internet dispense de la maîtrise de l’environnement de base de la presse. En prenant des benchmarks dans notre environnement, on trouve trois catégories.
Il y a d’abord les modèles économiques viables : le magazine «Le point» a fait une enquête récente sur l’état des sites d’info en France. Il s’avère que, malgré les apparences, Madiapart a dégagé des bénéfices respectables en 2012, en dépit de la mauvaise conjoncture et du modèle économique pas encore mature.
Dans les pays anglo-saxons, ce modèle est plus solide. Il s’agit d’un modèle 100% web. Il y a ensuite les modèles en cours d’expérimentation : certains modèles hybrides, combinant la presse traditionnelle avec un support web qui se renouvelle plus rapidement. Au Maroc, c’est l’exemple de kifach.info (en support de Med Radio ), ou lavieco.com… Ce modèle intermédiaire est pratiqué également ailleurs (liberation.fr, france24.com…). Il permet au web de s’appuyer sur la logistique du média traditionnel pour se développer.
Enfin, il y a les modèles amateurs : agrégateurs d’articles déjà publiés, plagiat, … ce modèle est voué à l’échec et à la disparition.
Quant aux pays arabes, certains médias électroniques sont de belles réussites. On peut citer les sites de la catégorie 2 : Aljazeera, Alarabya, Alqods, … et de la 1ère catégorie : Elaph, Alhiwar, …

Et au Maroc ?
Au Maroc, il est réconfortant de constater aussi l’existence de sites professionnels et sérieux. Ce sont généralement de jeunes entrepreneurs qui s’essaient de créer de la valeur ajoutée et créer de l’emploi. Cette catégorie est à encourager vivement. A titre d’exemple, je cite : Yabiladi, Goud, Lakome, Febrayer, Kifach…

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