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Société

Pourquoi les filles obtiennent de meilleures notes que les garçons

Du primaire au bac, les filles dament le pion aux garçons en termes de résultats et de réussite scolaires. Mais rien n’indique qu’elles sont plus intelligentes. Plusieurs raisons à  cela : elles sont plus studieuses, plus disciplinées et se concentrent plus en classe. C’est un besoin d’affirmation des filles dans une société qui privilégie encore les garçons.

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notes filles 2013 06 17

C’est la période des examens, principalement ceux du bac qui viennent de se dérouler les 11, 12 et 13 juin. Le taux de réussite des filles dépassera-t-il celui des garçons comme ce fut le cas l’année dernière ? Nous le saurons le 26 juin, date de l’annonce des résultats, mais il faut dire que l’émulation est à son paroxysme entre les élèves, avec cette tendance au Maroc, et dans le monde : les filles dament le pion aux garçons en termes de résultats et de réussite scolaires. En tout cas, les spécialistes de l’éducation et de la formation en conviennent : souvent, ce sont les filles qui raflent les meilleures notes.

Côté taux de scolarisation d’abord, le nombre des filles est en augmentation constente ces dix dernières années, et la parité entre les deux sexes sur ce plan-là, voire leur supériorité numérique dans certaines régions du pays, est l’un des grands acquis actuels. «S’il y a déperdition scolaire dans les villes, au niveau du secondaire, elle frappe plus les garçons que les filles», affirme Abdellatif El Youssouf, ancien directeur de l’Académie régionale d’éducation et de formation de Kénitra.
En effet, sur les sept millions d’élèves qui ont pris le chemin de l’école (publique et privée) à la rentrée 2012-2013, le pourcentage des filles est quasiment identique à celui des garçons ; dans les collèges et les lycées, elles étaient même plus nombreuses. S’il y a déperdition scolaire qui touche les filles plus que les garçons, c’est à l’école primaire qu’elle a lieu, pour des raisons sociales, culturelles et économiques.

Un autre chiffre, qui reflète cette fois-ci la supériorité qualitative des filles par rapport aux garçons, et c’est l’une des grandes conclusions que les analystes ont tirées des résultats du bac de l’année dernière : le nombre des filles ayant décroché ce diplôme était supérieur, avec 51,25%, à celui des garçons, alors qu’elles étaient moins nombreuses à s’y présenter (sur 451 953 candidats, 210 991 étaient des filles). Donc, non seulement la scolarisation des filles gagne des points, mais ces dernières sont en train de réussir avec brio leur scolarité, souvent mieux que les garçons. Toujours au niveau du Bac, sur les 10 premières notes en 2010, sept étaient enregistrées par des filles et toutes dépassaient 18,60 sur 20. L’année d’avant, en 2009, c’était aussi une fille, Houda Abrarou de Rabat, qui a eu la meilleure moyenne en section sciences physiques avec 18,67 sur 20.

Au niveau supérieur, même constat : les étudiantes sont aussi en train de battre les garçons. Ce professeur d’anglais à l’ENCG de Settat confirme : «ça fait 15 ans que je donne des cours dans des écoles supérieures, privées et publiques, et croyez-moi, les meilleures notes étaient, en majorité, raflées par des filles. Cette année encore, tant en contrôle continu qu’en examen final, c’est une fille qui l’a remporté avec 18,5 sur 20 dans cette matière. Une fois j’ai parlé de ce constat à des collègues enseignant d’autres disciplines, ils m’ont dit que c’était la même chose dans leurs classes».

Les filles seraient-elles plus ambitieuses et plus motivées que les garçons ? En tout cas, répond le même professeur, «j’ai constaté, selon mon expérience, que les filles se concentrent en cours plus que les garçons, elles sont plus appliquées et plus studieuses».

Les filles seraient-elles alors plus bosseuses ? Oui, mais rien n’indique qu’elles sont plus intelligentes. «C’est le travail et la persévérance qui payent, un fainéant intelligent n’ira pas loin», explique ce professeur de mathématiques au lycée Moulay Abdallah de Casablanca. Et d’ajouter qu’une fille bosseuse avec 95 de QI est bien partie pour avoir de meilleures notes qu’un garçon glandeur avec un QI de 140. «Si lors d’un test de maths, le garçon n’a pas appris ses définitions et n’a pas fait d’exercices, il se plantera magistralement, tout intelligent qu’il soit, alors que la fille bosseuse, qui s’est bien entraînée avant l’examen, aura au moins la moyenne, toute moins intelligente que ce garçon», commente ce même professeur.

Les garçons sont aussi intelligents mais se dépensent moins à l’école que les filles

Question d’intelligence, aucune étude ne prouve une quelconque supériorité d’un sexe sur l’autre. «Une chose est sûre, nuance Mohamed Aderdour, directeur de l’Académie d’éducation et de formation (AREF) de Rabat-Salé-Zemmour-Zaër (où plus d’un demi-million d’élèves sont inscrits, du primaire au Bac), la supériorité scolaire des filles est visible, leur taux de réussite enregistre une augmentation significative, en effet, mais de là à dire qu’elles raflent partout, et dans toutes les matières, les meilleures notes, ça reste à prouver, et seule une étude scientifique nationale pourra le démontrer. Tout ce que je peux vous affirmer, c’est que les garçons sont plus portés sur les jeux que les filles, consacrent moins de temps aux études et sont moins disciplinés». En effet, seul ce genre d’étude scientifique, qui fait défaut au Maroc, et que le ministère de l’éducation nationale se devrait de mener un jour, nous permettra d’affiner notre constat de la supériorité scolaire (ou l’infériorité) des filles par rapport aux garçons.

Ces derniers, selon les spécialistes de l’éducation et de la formation, font preuve d’une vive intelligence et d’un QI meilleur, sauf qu’ils se concentrent moins, travaillent moins en classe. En somme, ils sont paresseux et ne se donnent pas à fond aux études, moins que les filles en tout cas.

Ce père de deux enfants, une fille et un garçon, qui poursuivent maintenant tous les deux des études supérieures, a vécu une expérience originale, mais «difficile», se rappelle-t-il. Autant sa fille était appliquée, bien organisée, se donnait corps et âme à ses études, depuis la maternelle jusqu’au bac, autant son garçon était désordonné, porté sur les jeux électroniques, partisan du moindre effort. «Je ne dirai pas qu’il était moins intelligent qu’elle, au contraire, mais on avait, sa mère et moi, les plus grandes difficultés du monde pour l’aiguillonner et éveiller en lui l’amour de l’école. Sa sœur n’avait pas besoin de notre aide pour faire ses devoirs, elle se débrouillait toute seule ; lui, on se démenait pour retenir son attention et le pousser à travailler mieux. Au final, heureusement, tous les deux ont réussi leur Bac, avec mention», poursuit, notre interlocuteur.

Les filles seraient plus attentives en classe, plus concentrées, plus disciplinées, et, résultat normal de ce comportement, elles obtiennent de meilleures notes, au Maroc, et dans beaucoup d’autres pays. Une récente étude d’universitaires américains a souscrit à cette thèse de la supériorité scolaire des filles, et la première raison à cela, avancent les chercheurs, est que les filles «acquièrent bien plus tôt que les garçons des compétences non cognitives comme l’attention, la persévérance, la volonté d’apprendre, la capacité à rester assis ou à travailler en autonomie».
Sauf que les psychologues, qui ont l’habitude de sillonner les écoles, ne partagent pas toujours cette thèse de supériorité scolaire des filles sur les garçons. La concentration en classe pour eux n’est pas une affaire de sexe, mais plutôt d’éducation et d’harmonie au sein du couple où l’enfant baigne.

Le niveau scolaire est aussi tributaire de l’éducation et de l’atmosphère familiale

Le niveau scolaire, pour Ibtissam Benjelloun, psychologue clinicienne à Casablanca, est déterminé par le vécu familial de l’enfant, qu’il soit fille ou garçon : l’enfant réagit à un conflit familial, à une dispute entre les parents ou à un divorce, «par un manque de concentration entraînant de mauvaises notes, car il est agressé intérieurement. Beaucoup d’élèves dans les écoles où j’interviens passent subitement d’une phase normale, où ils travaillent bien en classe, à une phase d’échec scolaire. Nous nous rendons compte que c’est une réaction à des conflits familiaux. Dans les écoles privées où j’interviens, que les élèves soient d’un milieu social élevé ou pauvre, je ne remarque pas de différence flagrante de niveau dans les résultats scolaires entre les filles et les garçons, ni de capacité de concentration différente d’un sexe à l’autre».

L’éducation est donc fondamentale. Des enseignants remarquent que des élèves ne manquent pas d’intelligence, mais ils récoltent de piètres notes. C’est plutôt l’échec de l’éducation à résoudre les conflits psychologiques qui fait que l’enfant soit brillant ou cancre. C’est valable à l’école comme dans l’exercice de toute profession.

Une autre raison est avancée à cette supériorité scolaire : les filles marocaines seraient plus motivées, et tablent beaucoup sur l’école pour défier la société machiste où elles vivent. Elles remarquent dès leur tendre enfance un traitement de faveur à l’égard du frère, «trop gâté», accuse cet inspecteur de l’enseignement secondaire. D’où un défi que se lance la fille de réussir mieux sa scolarité, une porte vers la liberté et l’émancipation. «C’est plutôt l’espoir dans l’avenir qui est à l’origine de cette perfection dans les études, un défi et un besoin d’affirmation lancé par les filles à la face d’une société qui privilégie encore le garçon», souligne Tijania Fertat, ancienne directrice de l’AREF de Rabat-salé.