Société
La famille est là en cas de coup dur
La solidarité diminue notoirement. Si elle est encore vivace dans le monde rural de par le mode traditionnel qui y subsiste, dans les villes, elle est en déperdition manifeste.
Mostapha Aboumalek Enseignant en sciences politiques à la faculté de droit de Casablanca et spécialiste en sociologie de la famille
La solidarité diminue notoirement. Si elle est encore vivace dans le monde rural de par le mode traditionnel qui y subsiste, dans les villes, elle est en déperdition manifeste.
Il y a eu indéniablement des changements : c’est une réalité générale à toutes les sociétés du monde. Je fais une distinction entre les indicateurs démographiques du changement (quantitatifs), et les indicateurs sociologiques (qualitatifs).
Concernant le démographique, il y a changement de mode d’habitation, donc la famille traditionnelle élargie a tendance à disparaître, avec un certain nombre de ses valeurs comme la solidarité et l’entraide. L’urbanisation et le mode de vie actuel entraînent une distanciation dans les relations familiales. Avec les soucis quotidiens, les gens ont du mal à gérer le relationnel au niveau familial et du voisinage, comme c’était le cas auparavant.
Au plan qualitatif et sociologique, c’est principalement le changement des mentalités qui en est à l’origine. Les jeunes aujourd’hui privilégient le relationnel amical au détriment du familial. Ils passent le plus clair de leur temps plutôt avec les amis qu’avec les parents ou les cousins. Cela dit, le soutien matériel vient surtout de la famille. En cas de crise, c’est la famille qui vient en secours. Avec les amis, on cherche surtout le soutien psychologique et affectif. Les centaines de milliers de diplômés chômeurs et de chômeurs tout court seraient dans une situation désastreuse s’il n’y avait pas le soutien familial.
Mohamed tadlaoui Président de l’association Chouâla pour la solidarité sociale, Zaio.
Dans notre région, nous ne comptons pas sur l’Etat pour se solidariser avec les citoyens démunis. Les politiques sont moins solidaires à l’égard des couches populaires. Quant aux valeurs traditionnelles interfamiliales et de voisinage, basées sur la solidarité et l’entraide, force est de reconnaître qu’elles perdurent malgré l’individualisme ambiant généré par la société moderne, mais cette solidarité est insuffisante.
Je me demande ce que seraient devenues des dizaines de milliers de familles dans notre région si leurs enfants, frères, pères, oncles, sœurs n’envoyaient pas mensuellement de l’étranger de l’argent pour les soutenir. Cette aide ne va pas uniquement aux parents les plus proches, mais également aux cousins et cousines, lointains, mariés, avec des enfants, mais qui sont dans un dénuement total. Et à chaque occasion, fêtes religieuses, mariages, funérailles, ils leur viennent en aide.
Dans notre région, nous n’avons ni agriculture, ni industrie. Pendant l’été, la population double dans cette région. Les gens ne comptent pas sur la Fondation Mohammed V pour se solidariser et se donner des coups de main. Heureusement qu’il y a encore la famille.
