Culture
Timitar : «Les artistes amazighs ne sont pas des figurants dans un décor de carte postale»
La 13e édition du festival Timitar, Signes et Cultures, s’est clôturée samedi 16 juillet sur un nouveau record d’assistance. Le directeur artistique du festival nous en dresse le bilan.

Etes-vous satisfait de la treizième édition de Timitar?
Très satisfait. Je suis même surpris de l’engouement du public cette année. L’assistance était impressionnante, avec plus de 200 000 personnes au spectacle de clôture, rien que sur la seule scène Place Al Amal. Ils sont venus pour leurs artistes préférés, mais également pour découvrir d’autres genres et musiques du monde. Cela traduit une confiance et une fidélité à l’égard du festival Timitar qui les a habitués au meilleur.
Il régnait une belle ambiance lors du festival Timitar. Quel en est le secret ?
Il est clair qu’avec l’année chargée en drames, un peu partout dans le monde, les gens ont soif de distraction. Mais il faut également traduire cet engouement par une réelle expression de paix, de désir de vivre ensemble et d’appropriation de l’espace public par l’art et la culture. On peut aisément le remarquer sur les différentes scènes du festival. Un public hétéroclite et ouvert à toutes les influences s’y agite joyeusement.
Avec 13 éditions, Timitar est en train de prendre de l’âge. Peut-on en faire le bilan ?
Evidemment, et il est très positif. Il suffit de noter la qualité des artistes qui s’y sont produits depuis le début du festival. Timitar jouit aujourd’hui d’une belle reconnaissance, que ce soit au Maroc ou à l’étranger. Mais la plus grande victoire de Timitar, c’est d’avoir réussi le pari de défolkloriser la musique amazighe. Aujourd’hui plusieurs artistes amazighs travaillent sur des sonorités nouvelles, des rythmes nouveaux, de nouvelles attitudes scéniques, avec intelligence, rigueur et modernité… Tout cela grâce à l’évolution que leur permet le festival. Cela étant dit, préserver les traditions artistiques millénaires est également un pari que Timitar relève par la tenue des shows d’Ahwach, d’Ahidous et de l’héritage des Rwayes. A souligner également la présence féminine, qui est une composante essentielle dans la perpétuation de ces traditions et qui augmente d’année en année.
Timitar produit également des projets artistiques, tel que le dernier album d’Inouraz. Mais qu’en est-il des fusions avec les artistes invités d’ailleurs ?
Le festival a déjà travaillé sur des projets de fusion. Nous sommes évidemment en mesure de le faire automatiquement. Cela dit, j’ai personnellement un principe de base concernant la fusion: la réciprocité. C’est-à-dire que lorsqu’on reçoit des artistes étrangers en résidence, on exige que les artistes amazighs soient également invités en résidence de l’autre côté. Nos artistes ne sont pas des figurants dans un décor de carte postale. D’un autre côté, il faut que le projet ait des retombées économiques sur les artistes, car il s’agit d’une résidence et non d’une jam session. En exemple aux projets réussis de Timitar, je pense à la résidence de Mehdi Nassouli avec un groupe brésilien, qui a donné l’un des meilleurs albums jazz d’Amérique latine.
D’édition en édition, la vision de Timitar évolue-t-elle ?
Evidemment. Si la philosophie est toujours la même, le contenu, lui, évolue chaque année. Nous tenons compte des échos des artistes locaux. Nous écoutons leurs besoins et entamons un dialogue réel avec eux, afin de recueillir des remarques constructives sur lesquelles nous travaillons avec rigueur.
L’évolution du contenu se fait également en fonction des partenaires économiques, qui sont incontournables pour le développement du festival et de la scène artistique.
