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Culture

Patrick Poivre d’Arvor : l’irrésolu

Un an après avoir tourné la page du JT de TF1, le romancier sort «Fragments d’une femme perdue», une nouvelle page dans sa vie.
A l’à¢ge de 22 ans, il intègre le Centre de formation des journalistes. Il est ensuite journaliste à  France Inter de 1971 à  1975.
Star de la télé pendant 21 ans, l’homme de culture continue à  fasciner.
Face à  des questions abstraites, parfois maladroites, il biaise mais répond toujours.

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Certains ont le regard attendu, d’autres ont l’œil facile à deviner, Patrick Poivre d’Arvor, PPDA comme on l’appelle couramment, a, lui, le regard clair qui désarçonne et il paraît que ça a toujours été comme ça ! «Quand j’étais écolier, mes profs disaient que je les regardais de façon insolente. Ils me trouvaient une sorte de désinvolture», confie le journaliste.
De son enfance, PPDA semble avoir tout gardé. D’abord, ce coup d’œil plein de fraîcheur et puis et surtout ses rêves que l’on retrouvera plus tard dans ses romans. Quand il écrit, «c’est une autre façon de réinventer [sa] vie». Il écrit tout le temps, des fragments «soit de ma vie, soit de mes fantasmes, soit mon onirisme. La manière dont je rêve ma vie», précise-t-il. Ainsi rêve donc PPDA, en écrivant. Mais l’écriture peut être aussi celle de l’urgence, de la thérapie, de la vie de tous les jours qui n’a pas toujours été rose pour le journaliste, l’écrivain, le père de famille. Patrick Poivre d’Arvor se raconte souvent dans ses romans ou, plutôt, nous révèle ce qu’il a envie de révéler. «Quand c’est autobiographique, je le dis», insiste-t-il. PPDA nous pardonnera donc de lire entre les lignes. De refuser les limites de la fiction et de voir, parfois, des visages connus dans ses romans. Sauf que trop d’interprétations mènent à la violation de la vie privée…PPDA le  fait savoir, à sa façon : il répond en écrivant, en se moquant. En 1997, il écrit «Lettre ouverte aux violeurs de la vie privée» et, trois ans plus tard, c’est «Les Rats de garde», un pamphlet qu’il publie avec Eric Zemmour, pour dire son ras-le-bol.

Ecrivain d’abord… avant de devenir journaliste

Rencontrer PPDA pour la première fois lorsqu’on est journaliste, c’est mettre à mal son ego. Invité des escales littéraires du Sofitel à Marrakech, il y a quelques semaines, l’écrivain s’est astreint au jeu des questions réponses lors de la conférence de presse donnée par ses hôtes.
Des journalistes, des curieux étaient présents…qui ont d’ailleurs essayé de lui poser des questions embarrassantes. On a envie d’être excessif envers ce journaliste qui s’est permis de malmener les grands de ce monde. PPDA reste impassible. Face à des questions abstraites, parfois maladroites, il biaise mais répond toujours. Il est peut-être tangent mais reste juste dans le choix des mots, paraît sincère et convaincant lorsqu’il dit les choses les plus banales. On aime le croire. L’homme est charmeur, charmant et sait maîtriser son discours. Très vite, il dompte tout le monde. 

La vie de PPDA n’a pas commencé avec TF1 et ne s’arrêtera certainement pas avec TF1 !

Si on l’a connu beaucoup plus journaliste, il est avant tout écrivain. Son premier roman, il l’écrit à l’âge de 16 ans. Les enfants de l’aube
sera un best-seller, vendu à 1,5 million d’exemplaires ! Diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, il étudie le russe et le serbo-croate à l’Institut national des langues et civilisations orientales. A l’âge de 22 ans, il intègre le Centre de formation des journalistes. Il est ensuite journaliste à France Inter de 1971 à 1975. Le gagnant du concours «Envoyé spécial» présentera le journal de 20h sur Antenne 2 de 1976 jusqu’en 1983.
Mais on a retenu de PPDA surtout le présentateur du JT de TF1. Depuis 1987, au moment où la chaîne est privatisée et rachetée par Francis Bouygues. A partir du 31 août de la même année, le journaliste prend en charge la présentation du journal jusqu’en 2008. Cette année marquera une halte dans sa vie. Une mise au placard prématurée que PPDA va avoir du mal à digérer. «J’ai eu la surprise d’apprendre cette décision lundi, comme tout un chacun, en découvrant la une des journaux», révèle le journaliste vedette de TF1, dans un entretien accordé à la presse française. «Les dirigeants de TF1 me l’ont, depuis, fébrilement confirmée, sans me donner la moindre explication sérieuse», a-t-il précisé. Tout le monde connaît la suite, de cette histoire passionnelle qui a confronté TF1 à PPDA.

Un rapport privilégié avec la plume : il a publié près de 40 livres dont 15 romans

Un an plus tard, c’est un nouvel homme que l’on retrouve à Marrakech signant son tout nouveau roman, Fragments d’une femme perdue. «J’étais enchaîné à TF1, il y a des choses de la vie que je ne connaissais pas et que je prends le temps de faire». Maintenant, l’auteur vit sa vie plus librement. Un nouveau cycle de vie s’annonce à cet homme de 62 ans et surtout de nouvelles rencontres.
Il est des hommes qui ont un rapport privilégié avec la plume. PPDA est certainement de ceux-là. L’écrivain exprime une puissance créatrice qui lui a valu bien des reproches. «Il faut toujours s’excuser d’avoir du talent et donner des explications lorsqu’on a des facilités». Star du JT pendant 21 ans sur TF1, le présentateur-écrivain a maintenu une cadence d’écriture intense, presque insolente.
La société bien pensante ne l’admet pas. PPDA écrit tout le temps, produit beaucoup. Il a, en effet, publié une quarantaine de livres qu’il a signés ou cosignés (le plus souvent avec son frère Olivier), dont une quinzaine de romans.
On ne lui pardonnera pas de trouver le temps d’écrire, de trouver tout le temps les mots qu’il faut, les personnages qu’il ne faut pas, les romans qu’on aurait aimé écrire. Mais comment fait-il ? Où trouve-t-il cette énergie, cette solitude, cet isolement qui permet de transcender la réalité, qui permet le rêve, encore une fois. L’écriture le suit partout et, lui, il suit son inspiration là où elle est. «L’isolement, je n’en ai pas besoin pour écrire mais dès que je suis dans un transport quelconque j’écris. J’écris en avion, en train, je profite beaucoup de la nuit. C’est mon plaisir, mon bonheur. Je suis heureux avec une page blanche comme quand  je le suis en présence de quelqu’un que j’aime». Patrick Poivre d’Arvor est un homme épris, passionné. Il est passionné de son métier. Alors il laisse couler sa plume. Il ne sait pas s’arrêter. D’ailleurs, «le jour où je n’aurais plus d’envie d’écrire, je serai super triste, je serai malheureux». Ce malheur n’a pas frappé PPDA, heureusement pour ses nombreux lecteurs. Pour l’instant, il nage dans cette joie. Chose qu’il a exprimée à plusieurs reprises, à travers de nombreuses œuvres avec son frère Olivier. «Avec mon frère, c’est une gémellité, c’est une façon de se rencontrer, de nous rencontrer, une façon quasi jumelle qui m’a beaucoup apporté».
Quand les Poivre d’Arvor décident d’écrire à deux, il en découle des œuvres majeures : J’ai tant rêvé de toi (2007). Encore un rêve ! Courriers de nuit (2003), Frères et sœur (2004), Chasseurs de trésors et autres flibustiers (2005), Coureurs des mers, (2005), Le Monde selon Jules Verne (2005), Disparaître, (2006), Rêveurs des Mers,  (2007,) Pirates et Corsaires, (2007)…. , des bonheurs offerts par PPDA, un bonheur pourtant émaillé par le malheur du père qui racontait l’hospitalisation de sa fille Solenn en 2003 dans Lettres à l’absente et qui, après son suicide en janvier 2005, publie : Elle n’était pas d’ici, chez Albin Michel .
PPDA est un homme irrésolu, inconsolable dans cette façon qu’ont certains hommes de chercher la vérité. Ses romans ressemblent parfois à des essais, car ils soulèvent tant de questionnements sur la vie, sur l’amour, sur notre humanité tout simplement.
De PPDA, on gardera certainement le meilleur ! Ses plus beaux romans, sa voix (car il est aussi un homme à écouter), mais aussi des émissions de télévision, Ex-Libris et puis Vol de nuit. Des émissions littéraires qui passaient tard dans la nuit mais qui avaient leurs fidèles. Plus récemment et depuis qu’il a quitté TF1, on l’a retrouvé dans La traversée du miroir. Une émission faite de confidences. «J’aime bien interroger les gens pour comprendre… C’est beau de raconter son enfance c’est de là que viennent les grands choix, les grands déclics». Son regard s’allume, s’éteint au fil des mots qu’il entend. On croirait presque que PPDA n’est pas fait de chair mais de mots. Il n’est pas d’ici, lui non plus !