Culture
Little boxes (not) all the same
Dans une belle bà¢tisse casablancaise des années 1940 se niche désormais le Musée Abderrahmane Slaoui, qui offre au promeneur un éventail éblouissant d’objets d’art. Visite aléatoire.

«Little boxes, on the hillside…» Amateurs de Weeds, vous n’en pourrez plus d’entonner l’entêtante chanson du générique de la série américaine après avoir contemplé les merveilleux, les malicieux bibelots qui jaillissent d’ici. Surtout ces petites boîtes, «très étroites, toutes vertes, toutes violettes, très coquettes» – car Little boxes a été finement reprise en français par un certain Graëme Allwright -, qui ornent plusieurs vitrines et font pousser des cris d’émerveillement aux visiteurs : «Quelles belles couleurs ! Tellement tendres, tellement poétiques ! Ce verre serti d’argent, de petites perles. Tout ça me fait retomber en enfance, ça me redonne subitement envie d’être une princesse !», se pâme Samia, une gracieuse étudiante de 23 ans. Même les garçons sont fan : «J’adore, ces petits coffrets me rappellent ma vieille boîte à rouler du tabac, en argent gravé, que j’utilisais quand, étudiant en France, je ne savais pas encore rouler des cigarettes», se souvient Imad, 37 ans, logisticien de son état. Et de s’exclamer : «Je suis très surpris par ces boîtes. On les regarde et on se demande d’où elles viennent. Elles racontent toutes une histoire. On se demande aussi comment le collectionneur a pu en trouver autant ! En dénicher une, ça n’a déjà pas dû être facile».
La réponse au mystère des boîtes en cristal de Bohême – et des autres objets – est dans la brochure posée à l’entrée du musée : «Souvent, lorsque l’homme d’affaires et industriel Abderrahmane Slaoui entamait une collection, il s’y plongeait entièrement avant de passer à la suivante. Amoureux de certaines pièces rares, il n’hésitait pas à parcourir des kilomètres pour les rencontrer. La quête devenait à la fois idée fixe et enchantement». Une quête qui mène partout le Marco Polo contemporain (1919-2001) et donne lieu à de surprenantes compilations : enluminures, miniatures, brosses et broches européennes du début du XXe siècle, bijoux berbères anciens, vieilles et authentiques affiches de l’ère coloniale, majestueux meubles syriens… Le tout agencé, délicatement décliné en séquences imaginées par le scénographe Philippe Délis : «Chine», «Mer et poissons», «L’invitation au voyage», «ode à la féminité», il y a, là-dedans, à voir et à songer.
Un cabinet de curiosités au cœur de Casablanca
Cette plongée dans les lointains périples de Abderrahmane Slaoui, on la doit à sa famille, qui, pour rendre hommage à l’esthète, a déjà créé une fondation éponyme en 1997. «C’est ce que mon père souhaitait le plus ardemment : au lieu de cacher jalousement ses trésors, les montrer au contraire, en faire profiter le public, participer, à travers ses collections, à la connaissance du patrimoine culturel et historique du Maroc et plus généralement du monde arabo-musulman», affirme Malika Slaoui, émue lorsqu’elle évoque ses promenades avec son père : «Quand j’étais toute petite, il m’emmenait très souvent chez les antiquaires ou dans les marchés aux puces. Je le voyais prendre un plaisir infini à farfouiller dans ces mines d’or, à dénicher de beaux objets». C’est peut-être pour cela qu’elle a tenu à ouvrir grand la porte du musée aux enfants : «Un de nos objectifs majeurs est de faire visiter le musée au plus grand nombre d’écoliers possible», promet Mme Slaoui, qui a déjà entamé sa mission de sensibilisation à l’art auprès de dizaines de classes d’écoles primaires et de collèges, publics et privés. «Pour les visites scolaires, nous travaillons étroitement avec l’Institut français. Quant au ministère de la culture, il n’a, hélas, même pas daigné dépêcher un représentant pour assister à l’inauguration à laquelle nous l’avons convié».
Musée de la Fondation Abderrahmane Slaoui, 12 rue du Parc, Casablanca.
Ouvert du mardi au samedi de 10h à 18h. Plein tarif : 30 DH. Tarif étudiants et enfants de plus de 12 ans : 10 DH. Gratuit pour les enfants de moins de 12 ans.
