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Culture

Le Maroc, sujet toujours privilégié des beaux livres

En ce début d’année, nombreux sont les beaux livres glorifiant
les arts traditionnels, monuments ou autres richesses du patrimoine marocain.
Publiés par des éditeurs marocains aussi bien qu’étrangers,
ils ont en commun la qualité esthétique mais aussi, de plus en plus,
celle du texte.

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Dans la partition éditoriale, les beaux livres forment un registre à part. Singulièrement, ils n’attirent pas les lecteurs forcenés, comme si ces derniers se rassasiaient seulement de mots et n’accordaient guère d’importance aux images.
D’ailleurs, force est de constater que les éditeurs de beaux livres sont de plus en plus nombreux à privilégier l’iconographie aux dépens du texte, souvent minimaliste. Peut-être parce que les lecteurs n’ont plus la patience de lire et se contentent de feuilleter. Quoi qu’il en soit, offrir un beau livre, à des intimes ou comme cadeau d’entreprise, est toujours de bon ton. Les libraires confirment que les sociétés sont familières du geste bien que, en période de crise, la demande chute fortement.

Un budget de 700 000 DH à 1 MDH pour une éditionen 5 000 exemplaires
Ceci étant, les éditeurs locaux ne sauraient manquer ce rendez-vous. Même si éditer un beau livre nécessite un budget important (de 700 000 DH à 1 million de dirhams, pour un tirage avoisinant les 5 000 exemplaires). Ils reconnaissent que, financièrement, il est plus rentable d’en publier quatre par an, plutôt qu’une douzaine de romans ou d’essais. Néanmoins, les éditeurs marocains spécialisés en la matière sont rarissimes. Eddif a disparu et se dissimule derrière La Croisée des Chemins. Malika Editions poursuit honorablement son travail. Les Editions Oum n’en finissent pas de court-circuiter la chaîne du livre, au grand dam des professionnels. Marsam fait des tirages confidentiels. Les connaisseurs regretteront que l’entreprise Lak International ait totalement abandonné le terrain, car son catalogue demeure exemplaire (Du signe à l’image : le tapis marocain, Kunuz : les trésors islamiques en argent, La colline des potiers : Safi, …). Une ancienne éditrice de Lak International, Ileana Marchesani, a créé sa propre maison : Senso Unico. Et elle revient avec un superbe ouvrage, qui allie intelligence, érudition, qualités graphique et esthétique : Le voyage du Sultan Moulay Hassan au Tafilalt (1 200 DH), écrit par l’historienne Amina Aouchar. Notons que l’iconographie ainsi que les photographies de Franco D’Alessandro donnent un supplément d’âme au sujet.

Les prix d’un beau livre varient entre 300 et 1 200 DH
Pareillement, le mécénat éditorial se fait de plus en plus parcimonieux, surtout depuis la disparition de Omar Benjelloun, auquel on doit Le musée de Marrakech, Calligraphie islamique, la Medersa Ben Youssef…, et les divers changements à la tête des fondations et des organismes de soutien.
Pas étonnant dans ces conditions que la production locale rétrécisse comme peau de chagrin. En revanche, la qualité est au rendez-vous, si l’on excepte Casablanca que j’aime (580 DH) de Sijilmassi, terni par des légendes erronées et des photographies inadéquates. Malika éditions publie Morocco, par Luscombe-Whyte et Bradbury (420 DH) ; en coédition avec Maisonneuve et Larose, Marrakech, d’un siècle à l’autre, de Claude Michel (250 DH) et, toujours en coédition, mais cette fois-ci avec Actes Sud, un ouvrage collectif : Jardins du Maroc, d’Espagne et du Portugal (550 DH), sponsorisé par la Fondation Telefonica. Quant à l’éditeur La Croisée des Chemins, il met en vente Les portes du Sud (580 DH) de Salima Naji (auteur du magnifique Art et Architectures berbères au Maroc, Eddif) et Jemâa el Fna : Marrakech. Patrimoine oral de l’humanité, par Mohamed El Faïz, Ouidad Tebbaa, photos de Hassan Nadim (580 DH).

Les clichés orientalistes s’émoussent…
Le Maroc plaît toujours autant. Ses trésors semblent inépuisables. C’est ce que confirme la production étrangère. En effet, ses paysages, ses arts, ses traditions, et ses atmosphères singulières séduisent. Il est à observer que les clichés orientalistes ont tendance à s’émousser au profit de la haute tenue du texte. Quant aux illustrations, elles sont inégales. Considérée comme étrangère, et néanmoins fondée par un Marrakchi habitant la région parisienne, la maison ACR ne déroge pas à sa bonne ligne de conduite. Costumes et parures du Maroc ; Fès, ville essentielle; L’art du thé au Maroc ; Mille et une villes de Casablanca ; Art et culture du Maroc (850 DH chacun) figurent parmi ses titres récents.
Un ouvrage, qui vient combler un vide, mérite aussi d’être signalé. Il s’agit d’un collectif consacré à la région de l’Oriental : Oriental marocain (295 DH) chez Anako. Placé sous la direction d’Alain Billy, directeur de l’Institut français d’Oujda, il a fait judicieusement appel aux compétences locales et honore cette région méconnue bien que riche en trésors somptueux.
Des habitués ou amoureux du pays publient aussi leurs «coups de cœur». C’est le cas du photographe Xavier Richer, Maroc lumière berbère, chez Vilo (540 DH) et de José Alvarez et son Art de vivre à Marrakech, Flammarion (450 DH). Plus pointu, Broderies Marocaines, d’Isabelle Denamur, chez Flammarion (708 DH) dont l’auteur prépare une thèse d’ethnologie sur le sujet. L’ouvrage est magistralement écrit et magnifiquement illustré. Au pays des merveilles : les sites naturels du Maroc (413 DH) d’Eric Millet, aux éditions Arthaud a la mérite de nous faire découvrir des lieux insolites. Signalons aussi Vivre au Maroc (350 DH) chez Tashen, traduction française de Living In Morocco et encore Jardins du Maroc (390 DH), traduit de l’allemand et édité par Feierabend.

… et la tenue du texte s’améliore
Par ailleurs, on peut aussi citer Souks (531 DH) paru chez Flammarion, lequel évoque les marchés traditionnels de Fès et Marrakech, aux côtés de ceux d’Alep, du Caire, Tripoli, Tlemcen…Voilà pour les beaux livres qui font honneur au patrimoine marocain. Souhaitons que la fin d’année ne soit plus l’unique occasion de les offrir ou de se les laisser offrir.