Culture
La fille qui a sauvé les Gypsies
Pour la petite histoire du Concert pour la tolérance : Jihane Bougrine, journaliste de son métier et chanteuse de son être, a sauvé la prestation du groupe Chico and les Gypsies !

Il y a toujours, lors des grands événements, une petite anecdote ou un fait divers qui transforme la vie de quelqu’un. Durant le Concert pour la tolérance organisé le week-end dernier à la capitale du Souss, une jeune femme a partagé la scène du groupe Chico and les Gypsies, descendant direct des mythiques Gipsy Kings. Ce n’était pourtant pas pour cela que Jihane Bougrine avait fait le déplacement à Agadir, mais plutôt pour couvrir l’événement, comme la vingtaine de journalistes qui l’accompagnaient.
«Aucun accès ne sera autorisé aux backstages», a-t-on spécifié aux journalistes. Sauf peut-être pour une brève interview accordée, entre deux répétitions, par le crooner Dany Brillant. Après s’être laissée emporter par l’un des vieux tubes du chanteur, Jihane a remballé son dictaphone pour se diriger à son hôtel. La soirée s’annonçant fraîche, il fallait bien se couvrir pour couvrir le spectacle.
À peine arrivée à la porte de sortie, qu’elle fut agrippée par un manager en détresse. Le groupe Chico et les Gypsies, dirigé par Chico Bouchikhi, préparait, en guise de surprise pour le public marocain, une reprise flamenco du tube Laayoune Ainia de Jil Jilala. La chanteuse gadirie qui devait interpréter la chanson en arabe s’était désistée à la dernière minute, laissant dans l’embarras les bonnes intentions de Chico.
De toute évidence, il ne s’agissait que de transcrire phonétiquement les paroles de la chanson pour permettre aux Gypsies de l’interpréter sur scène. Une petite voix bienveillante murmura à l’oreille de Chico que la jeune femme n’en était pas à son coup d’essai en la matière. En effet, Jihane Bougrine avait pour elle une expérience, un nom et surtout une voix qui baignait depuis longtemps dans un registre rock et soul. «J’ai chanté à Paris avec Fred Lafage à la guitare, en duo pendant à peu près 2 ans. Entre 2006 et 2010, j’ai été choriste pour un groupe de funk soul et depuis je suis rentrée au Maroc. J’ai alors créé un groupe de rock folk manouche qui s’appelle LooN’. On joue au Cotton Club, au Grand Comptoir, aux 3 palmiers, au Diwan, au Maracana…». Mais c’est autre chose que de chanter devant plus de 200 000 personnes, en plus des millions de téléspectateurs qui suivent le concert.
Passés le trac et l’incrédulité, Jihane passa l’après-midi à répéter, «chopa» une tenue pour l’événement dans une boutique de la marina (de peur de perdre son accès à la scène), puis attendit sagement son tour pour fouler des pieds les planches du concert, au même titre que toutes les stars venues pour l’occasion.
À la dernière minute, la chanteuse gadirie fait son apparition, mais pour Chico et les Gypsies, Jihane doit monter sur scène. Elle aura donc vécu jusqu’au bout son rêve de chanter auprès des gitanos les plus populaires du monde et d’entendre le public répéter, avec elle, une chanson tout aussi mythique pour le peuple marocain. Une ondée de rêves et d’étoiles s’était précipitée sur Jihane Bougrine ce soir.
