Culture
Karim Attar et Abdelilah Rais, artistes à paradoxes
En marge du FIFM, les artistes peintres Karim Attar et Abdelilah Rais ont présenté leur exposition commune «Paradoxes» à la 6.4 Gallery. Leur travail, à la fois contrasté et complémentaire, y élit domicile jusqu’au 15 janvier 2017.

Jeudi 8 décembre, la 6.4 Gallery accueillait sa première exposition signée Karim Attar et Abdelilah Rais. Derrière ce choix, une jeune spécialiste du marché de l’art qui réalise son premier challenge de galeriste sur le conseil avisé et sous le regard bienveillant des artistes peintres Mahi Binebine et Mohamed Mourabiti.
Comme son intitulé l’indique, l’exposition s’est appliquée à mettre en exergue tout ce qui oppose le travail, l’univers et l’approche de chacun des deux artistes. Comme le jour et la nuit, commenterait la galeriste. Mais un jour capharnaüm et une nuit légèreté qui se relayent et se complètent, d’où cette synergie qui émane de l’exposition. «Jai aimé la liberté qui se dégage du travail de Karim Attar. Une attitude qui fait écho à mon parcours d’autodidacte», exprime Abdelilah Rais.
Ce qui interpelle dans l’exposition «Paradoxes», c’est qu’elle recèle un élément commun qui est au centre des toiles des deux artistes : la distorsion du corps. En effet, les deux artistes s’éloignent de l’esprit figuratif, tout en s’évertuant à donner corps à leur création. Pour l’un comme pour l’autre, il s’agit davantage de créatures borderlines, aux corps difformes, mais à l’attitude expressive et vivante.
Des monstres qui dansent
Karim Attar est plasticien, mais également danseur et chorégraphe et l’on ne peut que le noter dans son travail. Ses créatures, à la beauté monstrueuse, se pavanent sur ses toiles avec grâce. Dans leur posture ou dans leur mouvement, elles se mettent en scène comme pour un spectacle, comme si conscientes du regard posé sur elles, elles offraient leur plus «beau» profil. Ces personnages métaphysiques, ailés, zébrés, estropiés, s’organisent dans des ballets atypiques ou des scènes épiques d’un autre âge. Elles exaltent la souffrance, mais aussi la vie dans tous ses états.
Très sensible au hasard, Karim Attar use de motifs des jeux de cartes traditionnels pour souligner les hasards de la vie. Rajoutés en motifs singuliers ou organisés en auréole, ils expriment tour à tour le coup du sort ou la grande destinée. L’artiste ne lésine pas sur la couleur et ne se restreint pas à un code donné, tout en recyclant son propre papier pour créer son univers propre et unique.
Foules enchevêtrées
Abdelilah Rais a, quant à lui, l’obsession de la foule. Cet artiste autodidacte, qui a derrière lui une longue carrière d’artiste photographe et de créateurs de clubs de musique, semble retenir davantage les impressions de foules que les traits de visages. Ces derniers sont à peine démêlés, tantôt expressifs, tantôt impassibles, parfois harmonieux et souvent pas, montés sur des corps qui s’étreignent et se touchent. Tout en ayant les bouches scellées, les personnages de Rais semblent absorbés dans de grandes conversations. Une expression probablement du grand silence qui nous unit. Les regards, par contre, sont très puissants, bavards, communicatifs et surtout perçants. Rivés sur le spectateur, ils le dévisagent tout comme une foule dévisagerait un nouvel arrivant, avant qu’il ne se fonde dans la masse. Par l’usage de coloris pastels et de formes arrondies et gracieuses, les créatures de Rais ne choquent pas. Bien au contraire, elles attirent et invitent au contact. Elles s’encombrent dans le peu d’espace que leur offre la toile, en celant un maximum de détails qu’il est plaisant d’explorer et d’étudier dans une sérénité contemplative.
