Culture
Jazz : Tanger in a sentimental mood
Ils sont venus, ils sont tous là , dès qu’ils ont entendu le swing, il s’est ouvert, le Tanjazz ! Amoureux de John Coltrane et de Duke Ellington, profitez-en, c’est jusqu’au 23 septembre en ville et au Palais des institutions italiennes.
Mes amis, il est grand temps de transformer Tanger en – petite – Nouvelle Orléans ! Cette semaine, la ville d’Ulysse, Choukri et Matisse devient celle de Billie Holiday, Chet Baker et Miles Davis. Prêts à swinguer ? Allons-y !
Dois-je vous rappeler que nous avons rendez-vous tous les soirs à 20 heures tapantes devant le Palais des institutions italiennes ? Ex-Palais Moulay Hafid, tout à fait, 23, rue Mohammed Ben Abdelouhab, voilà. Vous le savez, c’est ici que Philippe Lorin, l’infatigable M. Tanjazz, nous donne chaque année le «la» et l’eau à la bouche. C’est ici, sur les bancs moelleux de la grande scène, qu’une tête d’affiche – souvent renversante – nous fait dodeliner de la tête, taper du pied, frétiller des doigts et des mirettes pendant une bonne heure et demie, deux si on compte les rappels enfiévrés. L’année dernière, souvenez-vous, nous avions acclamé à tout rompre Roy Hargrove, le dieu de la trompette ; mais nous avions surtout ovationné et même embrassé à pleines joues Lillian Boutté, cette beauté, cette force de la nature qui nous a gratifiés du plus délicieux concert de la douzième édition.
À la découverte des jazzmen du Maroc
Mais arrêtons de ressasser les vieux souvenirs et voyons ce que nous a concocté l’équipe du Tanjazz : cette année, c’est la grande La Velle que nous allons pieusement écouter, car cette Américaine formée au Conservatoire de Chicago, imprégnée de Nat King Cole et de Haendel, a une voix divine : elle couvre quatre octaves ! Vous imaginez ? Tapez «So good to me» sur Youtube et savourez son vertigineux duo avec Rhoda Scott pendant le festival Jazz à Vienne 2011. C’est sûr, La Velle & Friends nous emmèneront au firmament et nous feront atterrir doucement, suavement, avant de nous livrer à l’autre sensation forte de cette 13e édition : Dwayne Dopsie – And the Zydeco Hellraisers. Ceux-là, paraît-il, vont nous faire littéralement entrer en transe ! «Un véritable bulldozer capable de susciter à chacun de ses concerts les ambiances les plus survoltées », assurent les organisateurs et on les croit sur parole.
Pour le reste, vous attendrez d’avoir le programme entre les mains pour vous réjouir et peut-être même éclater de rire, car ces jazzeux rivalisent de drôlerie et d’inventivité pour baptiser leurs formations : «Oo-Bop-Sh’Bam» ! C’est ainsi que s’appellent par exemple sept compères spécialistes du Boogie et du Jump Blues. Crise et austérité obligent, c’est «Batunga & The Subprimes» qui déverseront leurs rythmes afro beat et leur funk sur les rues de Tanger, «pour restaurer la confiance des ménages». Enfin, les férus de téléphonie mobile ne voudront rater ça pour rien au monde : Blackberry and Mr Boo-Hoo. Une guitare, un harmonica, un accordéon de temps en temps. Simple, net, précis, redoutablement efficace !
L’année dernière, le directeur de Tanjazz a failli perdre son bagout en entendant cette judicieuse question : «Mais pourquoi n’y a-t-il jamais de musiciens marocains au festival ?». Quelques ruminations et concertations plus tard, Philippe Lorin planchait, l’esprit sportif, sur la «Nuit des Jazzmen du Maroc». Un concept plutôt prometteur, mêlant jazz et musiques traditionnelles comme le Gnaoua, l’Ahidouss, l’Ahouach, etc. Le temps d’un soir, Majid Bekkas et son Afro Gnaoua Jazz Band côtoient le luthiste Karim Kadiri et son M’Oud Swing Quartet, le pianiste Tawfik Ouldammar et son Souissi Trio ou encore Isslman, tout jeune trio fondé en 2011 par le guitariste Amine Medbouh. «Jazz… pas jazz ?», se demande M. Lorin. «L’heure de vérité sera, passé minuit. On verra si les musiciens marocains rejoignent les autres pour les jam sessions ! La preuve est dans les impros !»
