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Culture

Instituts Cervantès : peu d’argent, beaucoup d’imagination

La crise espagnole affecte très durement la culture, qui voit ses budgets fondre comme neige au soleil. Les instituts culturels doivent désormais faire avec la moitié de leurs moyens d’antan, mais ne baissent pas les bras pour autant.

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Instituts Cervantes 2012 11 23

Maria Dolores Lopez Enamorado nous reçoit tout sourire et nous donne du «Lalla» à n’en plus finir. «Marhba bik !», poursuit joyeusement la Directora, dans une darija que l’on croirait presque échappée d’un gosier local. Mais, chassez l’Andalousie, elle revient fissa au galop. En un claquement de doigts, cinq battements de mains. «Cette rythmique flamenca, je la retrouve souvent dans la musique marocaine», se félicite la sémillante et sévillane directrice, amatrice des mélanges savoureux, de «ce qui rassemble» plutôt que «ce qui divise». «Je viens d’apprendre que le Grand prix de traduction d’Espagne a été décerné à Luz Gomez Garcia, une jeune professeure qui traduit les œuvres de Mahmoud Darwich. L’Espagne témoigne sa reconnaissance envers la littérature arabe», s’extasie l’Ibère arabophile.

À l’Institut Cervantès, l’heure n’est pourtant pas à l’enthousiasme. L’économie espagnole est à genoux, les plans d’austérité réduisent la culture à peau de chagrin. Effondrées, les subventions au cinéma. Amputés, les crédits des musées et des théâtres. Divisées par deux, les finances des centres culturels de par le monde. «Une période très difficile pour les artistes, les écrivains, les acteurs de la culture», soupire Mme Lopez Enamorado, sans pour autant sombrer dans le désespoir. «Il ne faut pas être triste. La joie est fondamentale pour accomplir des projets culturels. On peut faire beaucoup de choses avec peu de moyens. Il suffit de remplacer les “flouss” par l’imagination».

Des budgets divisés par deux

À Casablanca, par exemple, Maria Dolorez Lopez Enamorado et son équipe semblent avoir opté pour la musique Unplugged. «On débranche, oui. Les gros groupes devront attendre des périodes plus fastes», s’amuse la Directora, qui convie les Casablancais, jusqu’au 19 décembre, à un cycle de sept concerts acoustiques. «Avec la crise, tout devient un peu plus petit, mais pas inintéressant. Les concerts unplugged sont plus chaleureux, intimistes».

Un deuxième cycle baptisé «Contemporains» vous propose de découvrir jusqu’au 3 décembre le cinéma espagnol «le plus actuel», à travers cinq films récents, tournés dans différentes régions du pays. «La culture en Espagne est largement décentralisée, depuis la création des 17 communautés autonomes. Elles font de grands efforts de promotion culturelle. Les arts ne sont pas réservés aux seules populations de Madrid ou de Barcelone», s’enorgueillit Mme Lopez Enamorado.

Autres activités proposées par l’Institut Cervantès, les conférences «Philosophies dans les villes», l’occasion pour une cinquantaine de participants (en moyenne) d’aiguiser leur curiosité et leur appétit pour des notions comme la liberté, la science, la religion ou le pouvoir. Enfin, les expositions. «Nous en organisons plein. Venez voir celle de Ouidad Benmoussa jusqu’au 29 novembre. Vous serez frappés par les similitudes qu’offrent Chefchaouen et Vejer de la frontera». Les affinités, encore et toujours, priment sur les antagonismes, les clivages. «Nous offrons la salle à quiconque souhaite travailler avec nous, nous proposer des représentations», assure Mme Lopez Enamorado. Et à tous les publics, «gratuitement, pour l’instant. Après, je ne sais pas, on verra bien comment ça va tourner. L’année prochaine, on fera tout notre possible pour continuer». Malgré la crise et dans «la farha», insiste, gutturale et fière, la Directora.