Culture
Gnawa diffusion renaît avec «Souk System»
Après un silence de trois ans, Gnawa diffusion refait surface avec son nouvel album, Souk System, dont le Festival d’Essaouira (du 26 au 29 juin) aura la primeur. Portrait du groupe.
On conserve un souvenir impérissable de la prestation de Gnawa diffusion lors de l’édition 1999 du Festival d’Essaouira. Durant trois heures, ils ont fait vibrer une foule composée essentiellement de jeunes, ravis de se réapproprier, par idoles interposées, un genre musical gnaoua, corseté dans des règles draconiennes, pendant que les tenants de l’orthodoxie gnaouie vouaient aux gémonies les «pervertisseurs». Amazigh Kateb, âme fervente de Gnawa diffusion, n’a cure de l’ire suscitée par ces infidélités aux canons de la musique gnaoua. «La culture des gnaoua est un héritage humain. Elle est à la fois immense et étouffante. Moi, j’essaie de la déflorer». Par souci d’en élargir les frontières. «Les jeunes doivent connaître la musique gnaouie pour qu’ils se la réapproprient. Elle commence déjà à être écoutée en France, occupe une grande place de la world. A terme, c’est peut-être le prochain raï», affirme Eliane Azoulay, journaliste à Télérama, prenant ainsi le parti de Gnawa diffusion contre les maâlems sourcilleux. Bref, une nouvelle querelle des anciens et des modernes qui sera probablement relancée à l’occasion du prochain Festival d’Essaouira.
Cap sur la contestation !
Gnawa diffusion constitue un véritable melting-pot : une dizaine de musiciens provenant de divers horizons culturels ; un mélange de rap, ragga, reggae, zajj et raï accommodés à la sauce gnaoua ; des textes chantés en arabe, en français et en anglais. La musique est souvent approximative. Les arrangements, sauf rares moments, frappent par leur fadeur et leur manque de subtilité. En revanche, les paroles imposent leur force, leur cohérence et leur justesse. Leur auteur est un jeune homme de 29 ans, Amazigh Kateb, volubile à souhait, boute-en-train à l’humour décapant et qui a de qui tenir puisque son père n’est autre que l’immense Kateb Yassine, romancier algérien dont le livre Nedjma a illuminé notre adolescence.
Dès son éclosion, le groupe a fixé son cap sur la contestation. L’ordre établi, le racisme, l’économisme, l’impérialisme américain, le sort fait aux immigrés, le bellicisme sont décriés avec fureur dans les chansons de Gnawa diffusion. Jamais groupe n’a été aussi loin dans la révolte, la rébellion, la rage revendicatrice et la furie atomisatrice. Il n’y a qu’à écouter Fuck the american system pour s’en convaincre. De quoi donner des boutons aux bourgeois, aux conservateurs et aux racistes qui, bousculés dans leur confort moral, tentèrent vainement d’entraver la marche de Gnawa diffusion.
Lesquels firent leur première apparition sur scène, en 1993. Ensuite, ils enchaînèrent concert sur concert. Le public était séduit. Alors, ils sortirent leur album Algeria en 1997, qui fut vite raflé. La Grande Halle de la Villette leur tendit les bras, ils s’y précipitèrent avec bonheur. Un deuxième album, Bab El Oued-Kingston, vit le jour en janvier 1999 ; il s’arracha comme des petits pains. L’Hexagone devint trop étroit pour la bande de trublions, ils se lancèrent donc à la conquête de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Afrique. Eprouvés par le périple, ils s’accordèrent un répit de trois ans, juste le temps de mijoter un nouvel album, Souk System, à paraître le 10 juin. L’odyssée de Gnawa diffusion est repartie
