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Culture

Festival international du film de Marrakech : On nous a traités comme du bétail !

Au FIFM, les journalistes marocains sont régulièrement malmenés par des organisateurs, qui leur préfèrent de loin les médias étrangers, jugés plus dignes d’intérêt.

Publié le

Sana Guessous 2011 12 08

«Les chargés des relations presse nous ont informés qu’un entretien avec l’acteur et réalisateur franco-marocain Roschdy Zem allait se tenir dans la journée, raconte une journaliste marocaine, accréditée à cette onzième édition du Festival international du film de Marrakech. «Une vingtaine de journalistes sont donc allés le rencontrer dans son hôtel. Point d’entretiens individuels, nous a-t-on prévenus. On nous a séparés en deux groupes de dix personnes, pour que ça aille plus vite. À un moment, j’ai voulu relancer Roschdy Zem, mais on m’en a empêché, car, m’a-t-on asséné, chacun n’avait droit qu’à une ou deux questions !», s’indigne la jeune femme, résumant ainsi la mésaventure : «On nous a traités comme du bétail». Plus tard, un autre reporter viendra me confier son désarroi : «Je n’ai pas pu assister à la cérémonie d’ouverture car mon rédacteur-en-chef y était convié et qu’on ne distribue qu’une invitation par média». On se demande qui, de l’envoyé spécial ou du rédacteur-en-chef, doit couvrir l’inauguration du festival.
J’ai moi-même enduré les dégâts collatéraux de cette organisation «ségrégationniste», je ne trouve pas d’autre mot pour qualifier cette avanie : allant m’enquérir de ces «précieuses» invitations, qui permettent d’assister, sans se tordre le cou, aux films projetés, j’atterris devant le bureau des accréditations pour la presse nationale qu’on m’a indiqué à l’entrée du Palais des congrès. Un vigile m’y attend, et d’un ton bourru, me signifie que je n’ai pas le droit d’entrer.
Mais, mon bon monsieur ! Qui donc a le droit d’entrer au bureau des accréditations «presse», si la presse en est exclue ? À ma question, ce cher monsieur a répondu par un grognement.
Je me résous donc à aller à la projection d’«Or noir» de Jean-Jacques Annaud, munie du seul badge presse, permettant -j’allais le réaliser plus tard- d’assister aux miettes du festival plutôt qu’au festival à proprement parler. Devant la salle, trois vigiles : «Non, ici c’est sur invitation, montez au premier étage». Soit. Au premier étage, d’autres gorilles : «Non. Ici, il y a un hommage. Vous n’y avez pas accès».
Ah bon ? Les journalistes n’accèdent pas aux hommages ? À cette question, on me répond par une paire de bras levés, en signe d’impuissance. Plusieurs minutes s’écoulent avant qu’un des vigiles, après concertations téléphoniques, nous indique une troisième et dernière porte – nous étions une dizaine de «lépreux» -, laquelle porte mène vers ce qu’on pourrait qualifier de «perchoir», de «balcon du balcon», dans cette immense salle de projection.
Un bien bel endroit en vérité. Pour admirer un bout du crâne des animateurs sur scène. Où l’on est tenu à une distance «respectable» du film et de ceux qui l’ont fait. Comment, à la sortie, un journaliste peut-il espérer interviewer d’éventuels acteurs ou réalisateurs ?
À cette question, la voix confuse d’un chargé de presse me bredouille au téléphone : «C’est l’endroit réservé aux journalistes, désolé».
Quels journalistes, au juste ? Les critiques internationaux sont-ils logés à la même «enseigne» ? Je n’ai pas eu besoin de poser la question. Je n’en ai pas vu un seul dans le perchoir.
Maintenant, à cette question que me poseront – peut-être – les organisateurs de la prochaine édition du FIFM : «Souhaitez-vous être des nôtres ?» Vous devinerez la réponse