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Culture

Des philosophes pour le partage

La nuit des philosophes a eu lieu le 8 novembre à Rabat et le 9 à Casablanca. Evénement phare de la saison culturelle France-Maroc, la Nuit des philosophes a rassemblé par milliers jeunes et adultes, férus de philosophie et de débat de société.

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Des philosophes pour le partage

Le partage était au rendez-vous. Littéralement. C’était le thème choisi pour cette sixième édition de la Nuit des philosophes qui s’est tenue le 8 novembre à Rabat et le 9 à Casablanca. Ni le froid automnal ni les plans festifs du week-end n’ont pu dissuader les milliers de visiteurs de venir s’abreuver de philosophie et de savoir auprès d’une trentaine de penseurs du Maroc et de l’étranger. Les commissaires Dominique Méda, philosophe et sociologue française, et Mohamed Doukkali, professeur du département philosophie à l’université MohammedV de Rabat, ont composé un assortiment de sujets s’articulant sur le principal thème du partage. Terme ambigu pour la sociologue, puisqu’il fait référence à «un acte de division, donc de séparation, mais il fait aussi signe vers ce qui est réalisé en commun – partager une émotion, un spectacle, un repas – ou vers la gratuité du don. Cette ambiguïté constitutive est propice à la réflexion, notamment en ce moment particulier où la permanence de conditions de vie authentiquement humaines sur Terre semble ne plus être assurée et où l’inégalité dans la répartition des revenus, des patrimoines, des chances et des accès atteint des sommets». Propos partagé par Mohamed Doukkali, pour qui il est surtout question de «réfléchir sur la notion d’un partage équitable, apportant apaisement et justice plutôt que tensions et divergences». Quatre axes ont été posés pour la réflexion : Partager le travail, le repos et les loisirs ; La Terre en partage et partager la terre ; Partager le pouvoir et la richesse et le Partage du savoir. Tout un programme !

Que peut-on partager ou ne pas partager ? Jusqu’où peut-on partager ? Qu’est-ce que nous apporte le partage au quotidien ? Pour répondre à ces questionnements ou du moins en lancer des pistes de réflexion, la Nuit des philosophes a accueilli le philosophe et directeur de recherche au CNRS, Pierre Caye, qui a partagé avec Mohamed Doukkali la scène de la conférence inaugurale pour introduire les multiples sens de partage : partager au sens de diviser, d’où toutes les questions sur les modalités du partage, la notion de justice … et partager au sens de faire ensemble.

Tous les sens du partage

La médiathèque de l’Institut français de Casablanca a été dédiée au partage du travail, du repos et des loisirs. Il y a été question de discuter d’une meilleure répartition du temps entre vie personnelle et vie professionnelle, avec les enseignants de philosophie Fabienne Brugère et Abdelouahed Aït Zin. La vie professionnelle et les droits des femmes ont également été évoqués par l’enseignante en psychologie Samira Chemaoui et la sociologue Fettouma Djerrari Benabdenbi.

Thématique en vogue dernièrement, les enjeux planétaires ont été au cœur des conférences du Théâtre 121. Le sociologue Mohamed Zernine et la philosophe Catherine Larrere y ont débattu les responsabilités partagées dans la gestion et la valorisation des biens communs, en questionnant la notion d’intérêt général. A plus petite échelle géographique, le partage de la terre a été au cœur de la conférence de la docteure en philosophie, Laïla Mernissi, qui s’est attardée sur le vivre-ensemble et ce qu’il est judicieux de partager afin de préserver la cohésion sociale.

Le partage du pouvoir a fait l’objet de l’intervention de Mohamed Chiguer, professeur d’esthétique et de l’herméneutique du discours et chercheur à l’École normale supérieure de Rabat, avant de se prolonger dans la discussion de Céline Spector, professeur de philosophie politique, et Adil Hadjami, professeur de philosophie moderne et contemporaine, sur la loi comme garante d’un meilleur partage des richesses. Les professeurs Farid Lamrini El Ouahabi et Yves Cusset sont, eux, partis se demander si le fait de partager la richesse contribuait-il vraiment à réduire la souffrance et la misère.

Dans la salle polyvalente de l’école Molière, le partage du savoir a été au cœur des échanges autour du pouvoir d’Internet et des réseaux sociaux, par le sociologue Salah Eddine Laariny et l’historien Mohamed Elnnaji. L’expérience de partage dans le dialogue interreligieux a été le clou de la scène, par le philosophe Driss Katir et l’enseignant en philosophie Mohamed Maouhoub.