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Culture

Chaà¢ïbia consacrée en France

Le 4 mai dernier, au nom de sa mère, Hussein Talal reçut, en grand apparat, au Grand Hôtel de Paris, la Médaille d’or décernée par l’Académie Arts-Sciences-Lettres. Une consécration pour cette artiste qui s’était mise à  la peinture à  la suite d’un rêve.

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Des femmes peintres, le Maroc n’en a pas été chiche. La liste en est interminable. Mais pour la plupart d’entre elles, le geste de peindre a procédé d’un long apprentissage, d’une fréquentation assidue des praticiens, d’une curiosité immodérée pour la chose plastique. Rien de tel pour Chaâïbia Talal, comme le rappelle Moulim El Aroussi dans son éclairant Tendances de la peinture contemporaine marocaine. A l’instar de nombreux campagnards qui, fuyant la stérilité de leur cambrousse natale, échouent, tels des épaves, dans les eaux glauques de la grand-ville, Chaâïbia se retrouva, un beau jour, à Casablanca, lestée d’un enfant et complètement démunie. Point d’horizon sinon le ménage à faire pour subsister. Dans son malheur, ChaâÎbia eut la consolation de servir chez un Français particulièrement bienveillant à l’endroit des «indigènes». Aurait-il éveillé sa curiosité pour la peinture ? Moulim El Aroussi n’écarte pas cette hypothèse, étayée par l’exemple de Ben Allal, lequel s’amarra à la peinture grâce au peintre Azema dont il était le cuisinier.
«J’ai commencé à faire des taches et des empreintes»
Mais Chaâïbia balaie cette thèse d’un revers de main. Elle serait venue à la peinture à la suite d’un songe. «Il y a eu un rêve précis, extraordinaire, que j’ai fait à l’âge de vingt-cinq ans. Je revois un ciel bleu où tournoient des voiles, des gens inconnus qui s’approchent de moi et me donnent des papiers et des crayons. Le lendemain, je suis allée acheter de la peinture bleue avec laquelle on peint les cadres des portes et j’ai commencé à faire des taches, des empreintes». Obéissant docilement à cet appel venu de lointains abyssaux, Chaâïbia troque la serpillière contre le pinceau, avec la boulimie de ceux qui ont été longtemps sevrés de leur nourriture favorite. Sur la toile surgissaient frénétiquement des lambeaux du passé, des figures ensevelies dans la mémoire, des bris du bled abandonné, toutes les composantes de l’enfance: «J’en ai gardé un amour de la terre, de la mer, des rivières, des fleurs qui apparaissent après la pluie, au printemps, dans le bled».
Pierre Gaudibert lui ouvrit les sentiers de la gloire, en 1966
Comme Fatima Hassan et Ahmed Louardiri, Chaâïbia fut cataloguée comme peintre naïve, sans doute par commodité, tant son style diffère de celui de ses deux pairs. Corps aux visages dilatés, au point d’en devenir difformes, couleurs vives, parfois criardes, impression rafraîchissante de plonger dans un univers enfantin. L’intensité de sa peinture, sa vitalité comme sa facture et son affranchissement délibéré des formes convenues, valurent à Chaâïbia une adhésion immédiate. Et c’est le peintre Pierre Gaudibert qui lui ouvrit les sentiers de la gloire en la faisant participer, en 1966, au salon des Surindépendants au musée d’Art moderne de Paris, où elle fit sensation. La suite ressemble à un chemin de roses. Jusqu’à cette Médaille d’or qu’elle ne put, empêchée qu’elle était par une maladie tenace, aller recevoir