Culture
Ce combat bien mené par Fouad Laroui
«Ce vain combat que tu livres au monde» est le dernier roman de l’auteur Fouad Laroui, paru chez Julliard. «Le terrorisme expliqué à l’Occident» aurait tout aussi bien fait un bon titre.

Que c’est beau l’amour sous le soleil ! Malika et Ali s’aiment, ne s’en cachent pas et décident de s’installer ensemble en concubinage. Elle, beurette tiraillée entre deux identités, française et marocaine, et lui marocain, libéré de tout carcan religieux et social, s’épanouissant sous les cieux de l’Hexagone. Ils ont la vie devant eux et sont à mille lieux de penser au pire. Ce pire qui s’invite à leur quotidien lorsque Ali se voit écarté d’un projet qu’il a brillamment mené, dans sa boîte française, en raison de ses origines arabes. Bardé de diplômes qu’il est, l’ingénieur marocain démissionne avec au cœur une aigreur nouvelle. Jamais auparavant il n’avait douté de sa parfaite intégration, lui qui riait des réticences de son cousin islamiste, profondément rigide. Impuissante, Malika voit son homme sombrer dans la dépression, puis dans une crise existentielle amère qui le mène à questionner une identité arabo-musulmane handicapante. Et parce que le diable n’est jamais loin de l’homme qui tombe, le cousin islamiste prend le contrôle sur Ali et l’expédie à Raqqa, pour se réconcilier avec sa haine…
A l’origine du mal
Fouad Laroui raconte l’histoire d’un simple couple marocain mais, à travers lui, celle du monde arabe également écarté, par l’Occident, de la marche du nouveau monde. Loin de chercher à excuser le terrorisme, il dit, sous forme romanesque, les origines de ce sentiment de persécution chez l’Arabe d’aujourd’hui.
Pour l’auteur, l’hostilité grimpante envers le monde arabe, qui a marqué le XXe siècle, est à l’origine d’un ressentiment et d’une attitude paranoïaque plutôt prévisibles. Il s’est donc attelé à la démontrer, grâce à un récit historique mené en parallèle avec l’histoire principale. Il y décrit les accords Sykes-Picot vus par les Arabes. Il y raconte le partage des territoires arabes entre la France et le Royaume-Uni, en 1916. Puis la Déclaration de lord Balfour, connue de tout Arabe, qui annonce l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif. Enfin, il pointe le jeu trouble de l’Américain Paul Bremer dans un Irak en lambeaux et qui a offert un terreau fertile pour la conception du monstre Daech.
L’humiliation continue du monde arabe, la nostalgie à l’Age d’or, l’écriture unilatérale de l’histoire… Là sont les thèmes qui ressortent de ce roman, aussi poignant qu’analytique. Fouad Laroui y réussit un exercice périlleux, celui de tresser plusieurs fils narratifs sans discontinuité, tout en se déplaçant dans le temps, dans l’espace et dans les camps opposés. Tout cela avec ironie et enjouement, ces caractéristiques omniprésentes dans l’écrit de l’auteur. Si le livre est passé au travers des filets des prix littéraires, il a la vie devant lui, pour séduire le lecteur et surtout l’instruire.
