Chronique
Aller sans retour
Bienvenue à nos compatriotes marocains résidents à l’étranger. L’absence a duré tellement longtemps qu’on a oublié cette période bénie pendant laquelle nos compatriotes d’ailleurs venaient revivifier l’économie marocaine. En attendant que ce soit de même pour la société
et la culture.

La vie semble reprendre normalement après la longue période d’épidémie qui nous a isolés les uns des autres. Malgré tout et hamdoulah, les chiffres des transferts de nos ressortissants marocains à l’étranger n’ont jamais été aussi élevés. Et ça s’annonce mieux que ça, rien que pour l’Aïd al Adha, l’opération Marhaba a enregistré une hausse de 28% des arrivées à travers les passages portuaires du Maroc. Même si les prix des billets des bateaux ont grimpé de manière vertigineuse. Rien n’est trop cher pour voir la famille et le pays.
Nous voulons, cependant, les voir physiquement, dans notre pays commun. Qu’on se recroise à nouveau dans les cafés, les gares, les plages, les discothèques, les stations d’autoroute… «Nssilou ra7im» comme on dit.
«Pas vraiment méchant, jamais content»
Et malgré tout, il se trouve toujours des gens qui rouspètent. J’ai pris un taxi à Marrakech, le chauffeur n’arrêtait pas de râler pendant tout le trajet. Je me suis même demandé si ce n’était pas moi qui devait me faire payer sa séance de psychanalyse. Il s’est déversé sur moi. Et voilà qu’il n’y a pas de tourisme pendant les deux mois d’été. Que les «vrais» touristes, il veut dire les étrangers, désertent Marrakech pendant les mois de juillet et d’août. Et que même que le peu de touristes qui viennent quand même sont radins. Et que c’est plutôt le tourisme intérieur qui sauve un peu la situation. Et qu’il n’y a rien à gagner avec les touristes marocains. Il n’osait pas dire franchement qu’en connaissant les prix, ils étaient moins «arnaquables».
Et alors, les MRE d’ici et d’ailleurs ?
Jusqu’à ce qu’il arrive aux «zmagriyas». Ils sont «Bassline» précise-t-il. Comprenez : non seulement ils ne se laissent pas arnaquer, mais, en plus, ils ne laissent rien passer. Ils sont revendicatifs. Tu comprends, ils sont habitués à avoir des droits là-bas.
Arrivé à destination, le chauffeur du taxi me demande 20 DH la course qui coûte normalement 10 DH. Serait-ce un réflexe ou bien le tarif est à la tête du client. Et vous savez quoi ? Je les lui ai donnés sans broncher. J’ai acheté la paix à 10 DH.
Cette anecdote démontre qu’il y aurait donc encore du travail, en termes de culture, pour que les Marocains d’ici et de là-bas s’alignent sur des comportements et des valeurs communes. Qu’ils ne se voient pas les uns et les autres comme des étrangers qui parlent la même langue. Et encore, pas toujours.
Que reste-t-il de nos amours ?
Au départ, l’immigration réglait deux problèmes. «Alléger» les régions de leur jeunesse pour qui il n’y avait pas d’avenir sur place. En plus, une fois ailleurs, ils envoient de l’argent à ceux qui sont restés ici. Ça permet toujours de retarder un peu la colère ou la dépression. Double recharge politique. Économiquement, les MRE continuent à investir dans leur pays d’origine, en majorité dans l’immobilier. C’est toujours ça en attendant qu’ils investissent en industrie.
Culturellement, les progressistes rêvaient d’une deuxième, troisième et maintenant quatrième génération qui puissent «contaminer» positivement leurs familles et leurs amis avec des idées de progrès et une certaine conscience de libertés fondamentales.
Il s’est passé l’inverse, beaucoup de nos compatriotes de là-bas ramènent avec eux, dans leur pays d’adoption, un conservatisme encore plus exacerbé que celui que nous avons ici. La Culture est la solution.
