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Archives LVE. 1984, Les boissons gazeuses trinquent

Il y a 40 ans, le soda était encore un produit de luxe pour un grand nombre de consommateurs, mais le secteur pâtit de la baisse du pouvoir d’achat. L’année s’annonce mal.

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L’industrie des boissons gazeuses continue de souffrir. Alors que le marché avait été euphorique entre 1975 et 1980 avec une progression régulière des ventes de 20% par an, brusquement ce fut le coup d’arrêt, suivi d’un déclin vertigineux.

Année de référence, période de pointe : 1980, où l’on avait produit et vendu quelque trois millions et demi d’hectolitres. La chute amorcée en 1981 s’accentuait en 1982 pour atteindre 40%. Une passagère stabilité en 1983 avait permis d’espérer, mais la diminution de la consommation s’est encore accentuée depuis le début de cette année. «Nous n’atteindrons même pas deux millions d’hectolitres cette année», nous a assuré un des experts de la profession. Diminution du pouvoir d’achat. Pour une grande partie des consommateurs, les boissons gazeuses constituent un produit superflu, un produit de luxe. Il est certain qu’elles ne constituent pas un élément vital pour un foyer à revenus modestes. S’il y a des économies à réaliser, on supprimera sans une réelle gêne l’achat des limonades, sodas et autres jus de fruits.

«L’ennui pour nous, remarque un des industriels de la corporation, c’est que l’essentiel de notre clientèle se recrute parmi les éléments les plus modestes de la population. Les milieux les plus aisés boivent de l’eau minérale ou sont clients d’autres boissons. Nos clients boivent de la limonade ou l’eau du robinet».

Pour une consommation annuelle moyenne par personne de 600 litres de liquide, le marché des boissons gazeuses, tel qu’il est articulé au Maroc, est d’ailleurs extrêmement sensible et l’on considère qu’il est fonction du pouvoir d’achat, mais en amplifiant ses fluctuations. Ainsi, lorsque ce pouvoir d’achat baisse de 10%, les ventes diminuent de 20% et les variations inverses sont du même ordre. Lorsque le pouvoir d’achat s’accroît de 10%, les ventes augmentent de 20%.

C’est évidemment dans les campagnes que les pertes ont été le plus sensibles. La sécheresse et la réduction considérable des revenus ont ramené pratiquement à zéro les ventes de ces boissons. Certes, on boit encore du thé, parfois du lait, mais de limonade point.

Les procédés de fabrication de ces boissons sont techniquement comparables et les ventes suivent la même courbe pour tous, à quelques exceptions près. Mais derrière les têtes de série suivent une multitude de produits et en période de crise, comme c’est le cas actuellement, les «produits vedettes» sont moins touchés, les autres, en revanche, sont terriblement éprouvés.
Les usines de production éprouvent donc de réelles difficultés à combler les déficits d’exploitation. Le regroupement de Coca-Cola et de ses sous-produits sous la tutelle financière des Brasseries du Maroc pour la région de Casablanca est certainement l’une des conséquences de cette crise.

Les filiales de Coca-Cola pour les régions de Tanger-Oujda, Fès-Marrakech et Agadir ont cependant gardé leur autonomie aussi bien pour la production que d’embouteillage-usine pour les zones de commercialisation.
Les sociétés qui avaient entrepris des plans audacieux d’investissement en achetant du matériel coûteux en misant sur la constance de la progression sont aujourd’hui en difficulté. Non seulement elles sont suréquipées, travaillant à 50 et 60% de leurs possibilités, mais elles ont maintenant à rembourser des prêts bancaires très importants en une période où les recettes ont considérablement baissé. Le problème de l’emploi est aussi posé comme conséquence à cette récession. Certains groupes ont des effectifs pléthoriques qu’ils n’osent alléger pour les raisons sociales que l’on comprend aisément. D’autres détournent la difficulté avec le personnel saisonnier. La consommation des boissons gazeuses, en effet, est très irrégulière. Elle est quatre fois plus importante en été qu’en hiver. Dans les années euphoriques de 1980, les sociétés faisaient appel en été à un personnel saisonnier qui venait compléter les effectifs fixes. Ces occasionnels étaient écartés pendant la saison creuse. Actuellement, les industriels s’efforcent donc d’assurer leur exploitation uniquement avec le personnel fixe sans avoir recours à des intérimaires pas plus en saison chaude que froide. «Des solutions ? Nous n’avons aucune, expliquent les responsables. Nous serrons au maximum nos frais d’exploitation et nous attendons des jours meilleurs».