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Archives LVE 1994: Avec Danone, l’ONA prend du muscle
Il y a 30 ans, l’ONA diversifiait son actionnariat. Plus qu’un repositionnement mondial de Danone ou une ouverture du capital du groupe privé marocain, c’était une dynamique qui a été enclenchée depuis des mois et a pour finalité de positionner le Maroc sur les radars des investisseurs étrangers.

Avec l’annonce officielle l’an dernier que le Maroc prenait en charge le paiement de sa dette extérieure (principal et intérêt) s’affirmait la sortie de notre pays de l’état d’ajustement structurel, matérialisée également par le respect des clauses et conditions de l’article VIII du statut du FMI sur la libre convertibilité et, last but not least, le rétablissement de l’État.
À partir de cette époque, un train de réformes structurelles a été engagé notamment au niveau du secteur bancaire et des règles prudentielles du marché financier avec la réforme de la Bourse des valeurs, tandis qu’était affichée la volonté d’engager le programme des privatisations sur la voie de la systématisation rapide, ce qui n’est pas tout à fait encore le cas. En parallèle, avec l’organisation de la conférence de clôture de l’Uruguay Round à Marrakech et la recherche, certes difficile, d’une nouvelle formule de partenariat avec l’Union européenne, se déployait la volonté officielle d’ouvrir le pays aux grands courants d’échanges internationaux, d’ancrer le Maroc au train des économies occidentales, d’affirmer la philosophie d’une croissance et d’un développement axés sur l’économie de marché, avec toutes les contraintes et conditions que ce principe véhicule.
Aujourd’hui, de manière encore trop didactique ou volontariste peut-être, commence à s’imposer une nouvelle évidence. Le Maroc, pour réaliser les objectifs qui permettront de confirmer son émergence, veut faire du secteur privé le moteur de la reprise économique. Des transitions importantes sont en cours, le capitalisme familial vit, sans doute, ses derniers mois ou années et l’on prête aux décideurs l’idée de faire réaliser un saut qualificatif aux opérateurs privés à qui l’on conseille de revoir leurs structures dirigeantes et leurs méthodes, à qui l’on propose de rechercher d’autres sources de financement des entreprises que le crédit bancaire et à qui l’on suggère l’institutionnalisation et l’ouverture du capital.
Des mutations profondes
Dans les cercles dirigeants, la conviction est réelle que le moment est venu de conforter cette tendance qui, du fait d’un environnement régional passablement heurté, paraît être mieux comprise de nos partenaires traditionnels tant en Europe qu’aux États-Unis. La presse occidentale, surtout après Marrakech, perçoit mieux les enjeux d’une situation caractérisée par la montée de l’intolérance et du fanatisme un peu partout sur le versant sud du pourtour méditerranéen, et le Maroc, de plus en plus, est présenté comme le rempart ou la barrière qui devrait «endiguer» (pour reprendre un concept utilisé lors de la Guerre froide) l’expansion de l’extrémisme passéiste. La dernière illustration de cette tendance est matérialisée par un article de l’«International Herald Tribune», daté du 11 mai, et dont nous reproduisons de larges extraits dans la présente édition. Cette évolution politique est servie par une nouvelle donne économico-financière et, comme partout, ce sont les plus forts et les mieux préparés à qui revient de montrer la voie. Ainsi, l’ONA, pour ses propres besoins certes mais aussi pour donner l’exemple, attire les investisseurs étrangers, qu’ils soient américains (Soros, Banker-Truste), français BSN (bientôt Danone) d’Antoine Riboud, ou arabes (notamment entraînés par la Samba, Saoudi-American Bank). Donc, l’ONA, forte de l’excellente réputation qu’elle a acquise dans les milieux financiers internationaux, met sur pied le «Morocco Fund» pour «driver» des capitaux étrangers vers les entreprises marocaines, privatisables ou non.
Aussi, l’ONA, par un appel à souscription publique, tente actuellement de lever 300 millions de dollars auprès des épargnants nationaux pour, comme l’écrivait «La Vie économique» la semaine dernière, «associer le citoyen marocain au développement économique». Il s’agit là de mutations profondes qui sont actuellement en cours et l’enjeu est de taille : arrimer le Maroc au train d’une croissance soutenue, insérer notre économie dans les circuits mondiaux et pérenniser les institutions et la démocratie, vaste bataille donc…
