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1994 : Pêche, Rabat attend la réponse de l’UE
Il y a 30 ans, le Maroc voulait réduire de moitié le nombre des bateaux européens opérant dans ses eaux. Les pourparlers portant sur la révision à «mi-parcours» de l’accord de pêche ont pris une autre tournure.

En campant sur leurs positions, les négociateurs marocains ont forcé leurs homologues européens à faire appel au commissaire européen, Paleokrassas. C’est pour éviter que les pourparlers s’enlisent que John Spencer, directeur de la pêche, a fait le déplacement à Bruxelles pour en référer à son supérieur.
La réduction de l’effort de pêche européen, pouvant aller jusqu’à 50%, n’est pas une «simple formalité». L’examen de l’état de mise en œuvre de l’accord, conclu en 1992, pour une durée de quatre ans, et la révision des possibilités de pêche, en fonction de l’état des ressources de poissons, ont été clairement définis dans son article 15. En somme, le Maroc n’a fait qu’interpréter, au pied de la lettre, les dispositions de l’article 15, en fournissant aux négociateurs de l’UE un rapport volumineux (400 pages), élaboré par deux instituts scientifiques, à Casablanca (ISPM) et à Tenerife.
D’après ce rapport, il ressort que les zones de pêche du Royaume, parmi les plus poissonneuses au monde, sont aujourd’hui surexploitées. Au risque d’être écumées. Rappelons que le 3e round des pourparlers, tenu à Rabat du 12 au 16 septembre, avait démarré par une «épreuve de force» initiée par les pêcheurs andalous. Exprimant leur «colère» vis-à-vis des propositions marocaines, ils ont bloqué pendant quelques jours, avec l’aide de quelques unités portugaises, le port d’Algésiras. Car ce 3e round a coïncidé avec l’annonce de l’interdiction, par Rabat, des filets monofilaments dont s’arment les pêcheurs espagnols et de la cessation des activités durant le mois d’octobre, exception faite pour les flottes marocaines, pour raison de «repos biologique».
Pedro Meza, président de la Fédération andalouse des armateurs de pêche (FAAPE, à Algésiras), présent à Rabat lors du 3e round des pourparlers, souligne que l’interdiction du monofilament par le Maroc ne constitue que «la goutte qui a fait déborder le vase». Elle s’ajoute à la décision marocaine, en juillet dernier, de suspendre pour un mois 50% des licences de pêche accordées aux armateurs andalous. Presque une centaine de bateaux sont condamnés, note-t-il, à ne plus pêcher dans les eaux marocaines. L’affaire est grave. Au ministère marocain des Pêches maritimes, on signale que la solution est simple.
Les armateurs andalous «peuvent se réarmer autrement et utiliser d’autres filets réglementaires qui ne constituent pas un danger pour la faune marine, avec le respect des maillages énoncés dans l’accord de pêche». En ce qui concerne la durée du repos biologique, prévue pour octobre prochain, les pêcheurs espagnols réclament «la réciprocité». José R. Fontan, directeur général de l’ANACEF (Association espagnole de pêche hauturière), souligne à ce propos qu’il n’y a «aucune raison pour que les bateaux européens soient exclus des eaux marocaines durant un mois, alors que les bateaux marocains continueront à pêcher». L’ANACEF et la FAAPE déclareront l’accord de pêche conclu entre Bruxelles et Rabat «sans contenu» pour deux raisons : «Si la flotte marocaine ne s’arrête pas en octobre et si la réduction de la flotte européenne, exigée par le Maroc, est maintenue sans justification scientifique».
Encore faut-il nuancer cette «fermeté», les armateurs espagnols se déclarant prêts à «négocier un ajustement, à moyen terme, de leur activité de pêche dans les eaux marocaines sur la base de propositions supportables».
La mission de Paleokrassas ne semble pas de tout repos. Les négociateurs marocains attendent les contrepropositions de Bruxelles pour ce vendredi, il n’y a aucune raison pour que les pourparlers s’enlisent», signalent des sources proches des négociateurs. En somme, il s’agit de réduire de moitié le nombre des unités européennes, aujourd’hui au nombre de 700 bateaux, dont 550 battant pavillon espagnol, et d’apporter certains aménagements à l’activité dans certaines zones de pêche. Quant à la contrepartie financière versée par Bruxelles à Rabat, elle est considérée officiellement comme «dérisoire». L’enveloppe annuelle qui ne dépasse pas les 150 millions de dollars ne représente rien devant le volume des prises de poissons commercialisées par les bateaux européens et les risques engendrés par la surexploitation des eaux marocaines. ALLAL EL MALEH

CamScanner 13-09-2024 11.19
