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Tribune

Managers, cessez de recruter vos clones

Pour un manager, avoir des collaborateurs clones dans son équipe, n’est pas forcément une bonne chose, voire même dangereux. Cela peut être rassurant au départ mais pénalisant à long terme. Par Nezha Hami Eddine, présidente d’ICF Maroc.

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Chaque année, des cohortes de jeunes diplômés de tout acabit arrivent sur le marché de travail. Je ne vais pas vous faire un cours sur les techniques de recrutement. Les professionnels s’en acquittent honorablement. Mais je veux attirer l’attention sur un travers.

 

Penchant pour son semblable

L’étape ultime du processus de recrutement est la validation par le dirigeant de l’entreprise. Parfois, il penche, consciemment ou inconsciemment, pour le candidat qui lui ressemble, pas physiquement, heureusement. Si non, on fera le concours des sosies.

Mais, pour un candidat qui a un point commun avec lui. Ce peut être un trait de caractère, la formation, les postes occupés. Par exemple, un manager rationnel va être séduit par un candidat rationnel. Un manager multi-taskeur va être sous le charme d’un autre Géo Trouvetou (personnage de bande dessinée), un manager ingénieur va privilégier un candidat ingénieur…

 

Risque de consanguinité

Quand les membres de l’équipe se ressemblent, l’entreprise faire face à un grand danger.

Tout le monde est d’accord sur tout, même les blocages. C’est une équipe «Dupont et Dupont», les deux compères amis de Tintin : l’un commence la phrase, l’autre la termine. Les réunions se déroulent bien. Il n’y a pas de conflits.

C’est rassurant, juste en apparence. Mais, en réalité, cette équipe est en danger.

Le «dupontisme» ne permet pas à l’équipe d’avancer, car elle se complait dans une zone de confort où elle est enlisée par son immobilisme. La différence est balayée du revers de la main. Les membres d’équipe préservent, farouchement, leur zone. Si un outsider pointe du nez. L’équipe fait bloc contre l’intrus.

Immobilisme oblige.

 

Où est le problème ?

En business coaching individuel, j’organise, au moins, une séance, au bureau du manager coaché. C’est une condition stipulée dans le contrat. Une fois, quand je suis entrée dans l’organisation de ce manager, j’ai été, pour la première fois de ma vie, estomaquée. Tout le personnel d’encadrement se ressemblait. Ils étaient habillés de la même manière, parlaient de la même manière. Ce manager a réussi à modeler son équipe à son effigie. Du jamais vu !!!

Quand je lui ai fait part de mon constat, il m’a expliqué, triomphalement, qu’il lui a été difficile de former cette équipe. Qu’il a toujours veillé à recruter des gens qui lui ressemblent. Et les autres ? Il les a domptés, m’avait-il expliqué, en fermant son poing.

Tout est dit. Elle était là sa difficulté à faire avancer ses projets.

 

La diversité pour booster

Pour une autre anecdote, en 1978, Taibi Kahler, psychologue américain et concepteur de la Process Communication Model, PCM, a été contacté par le DRH de la Nasa de l’époque, psychiatre, pour qu’il l’aide à choisir l’équipage pour la mission Apollo XI. Après les tests, T. Kahler forme l’équipage qui avait mené cette épopée. Quelques minutes après le décollage de la fusée, les astronautes informent «la terre» de la panne du dispositif d’alimentation en oxygène.

Panique au sol, mais calme au bord de la fusée, qui vole à 40’000 km/h.

C’est le rêve de tout manager d’avoir des collaborateurs qui gardent leur sang froid face aux difficultés et qui collaborent pour résoudre les conflits en toute bienveillance.

Différent ne veut pas dire antagoniste. La différence pose problème, quand elle est combattue, comme le cas de ce manager fier de ses clones. Mais quand elle est acceptée, elle favorise la complémentarité.

 

Que faut-il faire ?

Dans une équipe de clones, face à un problème, il y a une seule lecture, donc une seule solution. La mono-lecture est dangereuse.

Or, un problème est multiple. Il nécessite une lecture multiple. Un des outils utilisés, en coaching, pour favoriser cette lecture multiple : «les chapeaux de Bono». Sept chapeaux de sept couleurs différentes, qui renvoient à sept angles de lecture différents.

Pour rester sur la parabole de couleurs, un manager ne doit pas avoir une équipe mono-couleur, la sienne. Mais, une équipe arc-en-ciel. Des profils différents, ayant des angles de lecture différents, qui, ensemble, concourent à avoir une lecture holistique du problème.

Mieux , sous stress, la réaction de chacun est estompée par celle des autres. In fine, le stress de l’équipe arc-en-ciel est presque nul.