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Idées

Palestine : rendre le tablier

Mahmoud Abbas met Américains et Israéliens au pied du mur en se refusant à  continuer à  avaliser plus encore la farce des négociations de paix. Avec un Netanyahou et un Liberman aux commandes en Israël et la transformation des territoires palestiniens en une succession de bantoustans séparés les uns des autres, la création d’un Etat palestinien relève plus que jamais d’une chimère.

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Immense est la déception, à la mesure de l’espoir suscité. La récente reculade américaine devant Israël a fait l’effet d’une douche froide dans le monde arabe. Après son discours du Caire et son affirmation répétée de l’illégitimité de la colonisation israélienne des territoires palestiniens, Barack Obama avait donné le sentiment qu’il serait ce président américain qui, enfin, allait rétablir un peu de justice dans cette partie du monde. On avait juste voulu oublier que, quel que fut son désir d’œuvrer dans ce sens, le nouveau Nobel de la Paix privilégie d’abord, comme ses prédécesseurs, les intérêts américains. Tout pétri d’idéaux qu’il soit, l’homme est aussi un pragmatique qui n’hésite pas à opérer une marche arrière quand la situation l’exige. Or c’est bien de cela qu’il s’est agi quand, devant l’intransigeance de Benyamin Netanyahou, il a réduit la pression sur Israël, cessant d’appeler à un «gel» de la colonisation pour ne plus parler que de «limitation». Ainsi, au Caire, puis à Marrakech, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a-t-elle déclaré que, tout en considérant «illégitimes» les colonies israéliennes, la reprise des négociations israélo-palestiniennes ne devrait pas être liée à leur gel. Cette concession faite à Israël ternit le crédit du président américain dans le monde arabe et pousse le président Mahmoud Abbas à ne plus vouloir briguer de nouveau mandat à la tête de l’Autorité palestinienne. Alors, question : faut-il -déjà- désespérer d’Obama sur ce plan ? Selon l’ancien ministre et actuel sénateur français que l’on connaît pour ses positions pro-arabes(1), Jean-Pierre Chevènement, la réponse serait non. Le «miraculé de la République», comme il se plaît lui-même à se présenter(2), était de passage à Casablanca, où il a animé, sur invitation du PDG de la RAM, Driss Benhima, un déjeuner-débat autour du thème «Obama et the great Middle East». Se penchant sur le lourd héritage légué par son prédécesseur au nouveau président américain, il a rappelé que celui-ci, bien que s’inscrivant dans une logique de rupture, n’avait pas la maîtrise de tous les centres de décision. Et ce, à un moment où il lui revient de prendre en considération la réalité multipolaire du monde et d’initier un certain  désengagement des USA de la scène internationale. La Palestine, avec l’Irak et l’Afghanistan, fait partie de ces dossiers brûlants pour lesquels des solutions – et de bonnes solutions- doivent être apportées au plus vite. Avec cette particularité fondamentale que le conflit israélo-palestinien est ce qui nourrit et entretient le divorce entre l’Occident et le monde arabo-musulman. Barack Hussein Obama avait su trouver les mots justes pour que s’amorce la réconciliation des USA avec cette partie du monde. Son parcours et ses convictions font de lui le président américain rêvé pour imposer une solution (relativement) juste au conflit. Mais voilà, bien que les moyens de pressions sur Israël existent -trois milliards de dollars de subvention par an, ce n’est pas rien-il, n’en fait pas usage, pour le moment du moins. Pourquoi ? Parce que, sur le plan intérieur, d’autres marrons chauds sont à tirer du feu -entre autres une réforme majeure de la santé à faire passer- et qu’il lui faut faire le plein de soutiens. Pas question, dans de telles circonstances, de se mettre à dos le puissant lobby pro-israélien dont la capacité de nuisance peut être énorme. Une fois la réforme votée, peut-être, alors, aura-t-il les mains plus libres ? Mais ceci nous rappelle combien, aussi puissant soit-il, le président des USA ne peut, par sa seule volonté, modifier la donne en Palestine.
Par l’annonce de sa décision de ne plus briguer un nouveau mandat, Mahmoud Abbas joue son va-tout. Il met Américains et Israéliens au pied du mur en se refusant à continuer à avaliser plus encore la farce des négociations de paix. Avec un Netanyahou et un Liberman aux commandes en Israël et la transformation des Territoires palestiniens en une succession de bantoustans séparés les uns des autres, la création d’un Etat palestinien relève plus que jamais d’une chimère. Depuis longtemps, des voix s’élèvent en Palestine et ailleurs pour que l’on «rende le tablier». Puisqu’il n’entend pas arrêter sa colonisation, qu’Israël reprenne officiellement les clés de la maison Palestine. Ces Palestiniens à qui il refuse un Etat digne de ce nom, qu’il les intègre en son sein. Et ce sera, pour lui, le retour à la case départ, le retour à la lutte pour un Etat de tous les citoyens, sans distinction de race et de confession.
A l’heure où la montée d’un pôle asiatique signe le déclin futur des USA en tant qu’hyper-puissance, les dirigeants israéliens auraient tout à gagner à ne plus pratiquer la courte vue.