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Idées

Nous n’allons pas si mal que cela !

Qu’une femme de la presse d’un pays où la présence marocaine est devenue si prégnante qu’elle en modifie la structure sociale soit si peu au fait de notre culture en dit long sur l’étendue de la méconnaissance en Europe à  notre égard. Une ignorance qui impacte le rapport et contribue à  nourrir l’incompréhension d’une part, l’enfermement sur soi de l’autre qui caractérise encore, à  ce jour, la relation entre, par exemple, des Belges de souche et des Belges d’origine marocaine.

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Hinde TAARJI 2013 05 22

Son séjour casablancais a commencé par une visite de la mosquée Hassan II dont la beauté «écrasante, impressionnante» a éveillé son admiration. Puis son immersion dans la réalité marocaine s’est poursuivie par les déambulations dans la ville qui lui ont permis d’avoir un premier aperçu de la terre d’origine de ses voisins de quartier à Bruxelles. Journaliste à la Radio télévision belge (RTBF), Françoise dissèque au quotidien l’actualité du monde. Avec l’ancienne Union soviétique, l’Afrique constitue l’une de ses grandes passions. Mais, pour ce qui est de l’extrême Occident de celle-ci, elle avoue humblement «à part le couscous et Tahar Benjelloun, je ne connaissais rien au Maroc». C’était avant ces quelques jours dans la métropole économique qui lui ont permis d’en avoir un aperçu plus concret. Qu’une femme de la presse d’un pays où la présence marocaine est devenue si prégnante qu’elle en modifie la structure sociale soit si peu au fait de notre culture en dit long sur l’étendue de la méconnaissance en Europe à notre égard. Une ignorance qui impacte le rapport et contribue à nourrir l’incompréhension d’une part, l’enfermement sur soi de l’autre qui caractérise encore, à ce jour, la relation entre, par exemple, des Belges de souche et des Belges d’origine marocaine.

En se promenant dans les rues de Casablanca, Françoise a été, de son propre aveu, d’«étonnement en étonnement». Des étonnements provoqués par la différence entre l’image qu’elle s’était construite du Maroc à partir de celle renvoyée par les Marocains de Schaerbeek, son quartier de résidence à Bruxelles et ce qu’elle a vu sur place, à Casablanca. Première constatation qui crée sa surprise : la jovialité des Casablancais. «Des habitants de bonne humeur, ouverts au contact, d’une grande politesse. Et, souvent, avec une touche d’humour». Pour elle, le contraste est saisissant avec les Marocains de Belgique, «nerveux, grognons, sur la défensive…». Du coup, ce qui relève de l’évidence mais qu’à partir de Bruxelles on ne saisit pas nécessairement, elle réalise que cette agressivité n’a rien de culturel : elle n’est que l’expression du mal-être. Le mal-être d’une communauté qui, après cinquante ans de présence sur le sol belge, souffre toujours d’une intégration qui s’est mal faite. Et dont les membres, après avoir été catégorisés comme «Arabes» et «Maghrébins» sont aujourd’hui identifiés comme «musulmans» dans un fourre-tout où, indistinctement, les Marocains sont confondus avec les Turcs ou les Afghans et dont les images réductrices sont, après la jeune fille voilée, celle, actuellement, du jeune desesperado qui veut aller faire le jihad en Syrie. Françoise réalise dès lors l’importance qu’il y aurait dans les pays d’accueil à nuancer l’approche de ces diasporas. Tout comme la nécessité de faire preuve de compassion à l’égard de ces jeunes laissés-pour-compte qui jouent aux caïds dans les quartiers. Ce qu’elle a vu à Casablanca, puis ensuite à Marrakech où elle a fait un passage éclair, lui fait dire que les Belgo-Marocains devraient venir voir ce qu’est le Maroc aujourd’hui, qu’ils devraient venir puiser là des raisons d’être fiers, car «la Belgique n’a aucun motif de fierté à leur donner». Et de remarquer, toujours s’agissant de cette seconde génération, que «leurs parents ont contribué à la prospérité marocaine mais qu’eux n’en profitent pas».

Se voir dans le regard de l’autre peut parfois réserver des surprises agréables. Ainsi, et même s’il s’est posé dans le cadre d’une comparaison, celui de Françoise nous renvoie une image flatteuse de Casablanca. La journaliste belge y a vu de la prospérité, du dynamisme, de l’ouverture, «plein de chouettes cafés même s’il soit dommage qu’il y est si peu de femmes», bref des aspects que bon nombre d’entre nous ne percevons plus, focalisés que nous pouvons être sur ce qui ne marche pas, qu’il s’agisse de la pollution, des nuisances sonores, de la circulation impossible et autres points noirs. Pour elle, Casablanca pourrait tout à fait être une ville européenne du Sud, comme Athènes par exemple «mais en moins sale». Oui, vous avez bien lu, «en moins sale» ! Comme quoi, la situation n’est pas aussi désespérée qu’on pourrait le croire, sur ce plan comme sur d’autres. Même si le Maroc n’est pas réductible à Casablanca, que celle-ci soit en mesure de renvoyer une image de dynamisme, de prospérité et d’ouverture rassure. Notre amie belge a même parlé de «bien-être». Ouf ! C’est donc que nous n’allons donc pas si mal que cela !