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Idées

Marché immobilier : une bulle en perspective ?

Les résultats d’exploitation des sociétés immobilières sont toujours en progression ; les marges oscillent entre 25 et 30%, les titres des sociétés cotées affichent des indices satisfaisants, le marché est encore demandeur : le déficit en logements est une source de croissance formidable, le gisement du logement social a été rendu plus attractif par les incitations fiscales.

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Larabi jaidi 2011 02 11

Apremière vue, le secteur immobilier semble toujours en plein essor, insensible aux effets de la crise. Les chantiers sont encore hérissés de grues, et les journaux regorgent de publicités vantant des projets immobiliers spectaculaires. Les résultats d’exploitation des sociétés immobilières sont toujours en progression ; les marges oscillent entre 25 et 30%, les titres des sociétés cotées affichent des indices satisfaisants, le marché est encore demandeur : le déficit en logements est une source de croissance formidable, le gisement du logement social a été rendu plus attractif par les incitations fiscales. Ces indicateurs suggèrent qu’il serait hâtif de considérer qu’une menace pèse sur l’évolution de ce secteur et encore moins de conclure à la formation d’une bulle sur le marché de l’immobilier à l’heure actuelle. 

Mais en réalité, des failles commencent à apparaître dans la prospérité alimentée par le crédit qui a fait de l’immobilier le symbole national de la croissance soutenue. Différents facteurs de tension ou de déséquilibres sont apparus sur le marché immobilier ces derniers trimestres. En particulier, les volumes de transactions baissent, les stocks s’amplifient, les situations financières des promoteurs se dégradent. Les banques prêtent moins, et les finances des entreprises comme les projets de construction s’en ressentent. Les prix reculent. Divers éléments incitent à la prudence : le segment du haut standing a perdu de sa verve, les programmes accusent des retards de livraison, les projets ressorts golfiques sont au ralenti, les cours à la Bourse ne reflètent pas les fondamentaux des entreprises, les capitalisations fluctuent sensiblement, les investisseurs sont en attente d’une relance profonde du marché.  Aujourd’hui, les indicateurs sur le secteur immobilier font état d’un marché qui n’a pas encore retrouvé son embellie. Après cinq années de croissance approchant les deux chiffres, la progression du secteur du bâtiment est revenue à des taux de 3-4%. Un ralentissement imputable, d’une part, à la baisse de l’offre privée dans le segment du logement social et, d’autre part, au repli de la demande des non résidents et des investissements directs étrangers dans le segment de l’immobilier touristique et de luxe. Le tassement de l’activité dans le secteur s’est traduit par une décélération de l’encours des crédits immobiliers. Autant d’indices révélateurs de la persistance de facteurs de déséquilibres  tendant à conforter l’idée d’une bulle potentielle.

Au-delà de la morosité de la conjoncture immobilière, le plus inquiétant est le risque de déstabilisation des équilibres financiers des grands groupes immobiliers. Une situation alimentée par des pratiques spéculatives peu soucieuses de rigueur dans le management des projets. Les ressources mobilisées ont été en grande partie affectées à l’acquisition de terrains dans les zones stratégiques des grandes villes, des retards dans la réalisation des projets, un manquement aux normes de qualité prescrites dans les contrats, une fuite en avant dans le lancement de nouveaux projets. Ces pratiques menacent d’impacter la stabilité du système financier. Le financement de l’économie immobilière s’appuie grandement sur le crédit bancaire. Les créances des banques ne peuvent faire l’objet d’un refinancement sur les marchés financiers via la titrisation. Cette technique est actuellement insuffisamment utilisée par les banques. Quand bien même le système financier national a relativement résisté à la crise, il n’est pas à l’abri de la fragilité des grands groupes immobiliers. C’est l’une des principales raisons qui ont conduit la Banque centrale a renforcer les conditions de la solvabilité des banques en portant le ratio de Bâle II à 11,8%, alors que les créances en souffrance sont en baisse et ne représentent plus que 5,3% du total des crédits. La stabilité financière impose une adéquation actif/passif équilibrée et soutenable à long terme. Ne faudrait-il pas préconiser une supervision prudentielle spécifique aux risques immobiliers, au-delà de l’approche trans-sectorielle de la supervision maco-prudentielle ? La persistance de certaines fragilités impose une obligation de vigilance. Bank Al-Maghrib envisage d’ailleurs de réviser son statut et la loi bancaire afin de renforcer les dispositifs de prévention et de gestion des crises systémiques. Rappelons que les lacunes des pratiques de supervision financière et les prises de risques excessives de certains acteurs financiers ont constitué l’une des principales causes de la crise financière du subprime.