Idées
L’Europe et ses nouveaux voisins
Au cours de la prochaine décennie
et au-delà, la capacité de l’Union européenne à
garantir
à ses citoyens la sécurité et un développement durable
ne pourra
plus être dissociée de l’intérêt
qu’elle portera à une coopération
étroite avec ses voisins.
L’élargissement actuel de l’Union européenne à dix nouveaux membres, le premier de cette ampleur, entrera dans sa phase décisive le 1er mai 2004. Le cheminement vers l’élargissement a été tracé par différents programmes d’aide et de coopération visant à rapprocher progressivement les niveaux de développement et de fonctionnement des systèmes économiques entre les candidats et les Etats membres. Cet élargissement représente un événement majeur dans l’histoire récente du continent européen. Cependant, les enjeux internes de ce processus restent considérables, tel le coût global de l’élargissement, ses conséquences économiques, sociales et, enfin, le fonctionnement de la future Europe élargie. Mais les enjeux de l’élargissement pour les pays voisins, aussi bien immédiats qu’à long terme, sont aussi nombreux et leur évaluation est parfois difficile.
La nouvelle étape de la construction européenne n’est pas sans susciter des interrogations. Tout d’abord les disparités de développement vont s’accroître. La population et la superficie de l’Union européenne vont augmenter d’un tiers, son PIB de 5 % seulement. Un nouveau groupe d’Etats apparaîtra dans l’Union élargie : celui des pays à revenu inférieur à 45% de la moyenne européenne. Dans une Europe à vingt-cinq Etats membres, 116 millions d’habitants – soit environ 25 % de la population totale – vivront dans des régions où le PIB par habitant sera inférieur à 75 % de la moyenne communautaire (contre 68 millions d’habitants, soit 18 % du total, dans l’Union actuelle). Il faudra contribuer au développement de ces régions. Les besoins de financement seront donc pressants. Le débat sur les futures perspectives financières sera de toute évidence délicat entre les contributeurs nets au budget communautaire (Allemagne, France, Royaume-Uni, Suède, Autriche et Pays Bas). Les financements pour les pays voisins seront encore plus difficiles à mobiliser.
Ensuite, les politiques de coopération avec les nouveaux voisins seront amenées à être révisées. Au-delà des frontières extérieures, l’élargissement est appelé à remodeler les relations économiques et politiques que l’Union entretient avec d’autres parties du globe. L’expansion des frontières de l’Union conduira à renforcer les rapports avec les nouveaux voisins. Le défi principal consiste à définir un nouveau voisinage avec les 385 millions d’habitants des pays qui se trouveront aux frontières extérieures terrestres et maritimes de l’Union : la Russie, les «nouveaux Etats indépendants» (NEI) occidentaux (Ukraine, Moldavie, Biélorussie) et les pays du sud de la Méditerranée (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Liban, Autorité palestinienne, Israël, Jordanie et Syrie). La plupart de ces voisins de l’Est et du Sud ont un PIB par habitant inférieur à 2 000 euros. Dans les pays de la Méditerranée, près de 30 % de la population dispose de moins de 2 euros/jour pour vivre et le taux d’analphabétisme demeure élevé. Au cours de la prochaine décennie et au-delà, la capacité de l’Union à garantir à ses citoyens la sécurité et un développement durable ne pourra plus être dissociée de l’intérêt qu’elle portera à une coopération étroite avec ses voisins.
Le renouvellement de la coopération régionale constitue une des conditions préalables à la stabilité politique et à la réduction de la pauvreté dans les pays de voisinage. Comment, et à quel niveau, définir les objectifs, coordonner la réflexion sur les champs prioritaires de partenariat et assurer la cohérence des démarches entreprises par l’Union, les Etats? Comment soutenir les efforts des pays voisins, le renforcement des capacités institutionnelles et la participation de la société ? Comment œuvrer pour intégrer les économies et le développement durable ? Quels enseignements tirer de l’utilisation des outils actuels de coopération, tels Phare, Tacis ou Meda pour optimiser la prochaine génération des programmes? Ce sont là quelques-unes des questions auxquelles la nouvelle Europe sera confrontée. Ce sont des questions qui nous interpellent. Notre objectif n’est-il pas aussi de bénéficier des opportunités de développement qu’ouvrent l’Europe élargie et son marché économique
