Idées
Les perspectives de pensées multiples
Après à peine un an de son investiture, où il a séduit le monde par des discours rassurants, promettant un ordre international juste et équilibré, qui lui ont valu d’ailleurs le prix Nobel de la paix par anticipation, Barak Obama remet les pendules du monde à l’heure des Etats-Unis.

Une descente aux Caraïbes, un bruit de bottes au Golfe, un recadrage de ses positions sur le conflit au Moyen-Orient, un changement de ton à l’encontre de l’empire du Milieu, une détermination à repousser davantage les frontières de l’OTAN, faisant fi de la position russe, un traitement unilatéral de la crise financière internationale. Bref, la logique de l’économie de marché a repris tous ses droits.
En finissant par s’y résoudre, le nouveau Président américain n’a fait que se conformer au modèle occidental, auquel aucun chef d’Etat de cette partie du monde, de gauche ou de droite soit-il, ne peut déroger. Un modèle où politique, économie, démocratie, guerre, paix, laïcité, religion sont toutes déployées sans le moindre état d’âme, pour la vénération du marché et la reproduction systématique de la puissance et de l’hégémonie occidentale. Faut-il en vouloir à ce modèle, le terroriser ? Ou faut-il plutôt se laisser séduire par lui et croire qu’en lui courant derrière on peut le reproduire ? Le suivisme déterminé à reproduire le modèle occidental, dans une logique de rattrapage d’un retard quantitatif pourtant estimé en siècles, n’a fait que retarder davantage notre développement et reproduire notre dépendance et la vulnérabilité de nos populations.
Le modèle occidental est un package construit par les puissances occidentales pour elles-mêmes et n’est donc ni transposable, ni reproductible, ni encore moins destructible par des kamikazes. Les différences et les capacités à tous points de vue sont abyssales. Les options «terrorisme» et «suivisme» ne sont finalement que la même expression extérieure d’une incapacité de leurs promoteurs à assumer leurs propres échecs et à produire leurs propres moyens de s’en sortir. Elles n’ont produit que des hypocraties (sales, fausses démocraties), des bombes sociales et des Etats chaotiques ingérables.
Des pays asiatiques et latino-américains en usent à leur manière et sont parvenus à construire, en peu de temps, de nouveaux modèles de développement qui leur permettent de réaliser des prouesses économiques et sociales, chamboulant un ordre international pourtant solidement installé depuis quelques siècles.
Le dernier discours S.M. Mohammed VI sur le projet de régionalisation doit être médité dans toute sa profondeur pour nous inspirer, dans l’effort nécessaire de s’investir, à construire également un modèle de développement politique, économique et social, maroco-marocain, puisant dans les biens publics universels et valorisant nos caractères distinctifs et nos atouts.
Spiritualité, démocrature et liberté
Le Maroc ne peut plus se permettre de continuer à se complaire dans une atomisation pathétique de son champ politique, dans une prestation économique et sociale déphasée, dans un laisser-faire et une impunité rongeurs, ni d’ailleurs dans une résignation de ses repères sociaux face au besoin ou à une avidité d’enrichissement et de pouvoir machiavéliens.
Spiritualité, démocrature et liberté pourraient être le tryptique sur lequel reposerait le modèle de développement maroco-marocain, dont la mise en œuvre exige un leadership puissant et une action à rythme géométrique.
1 – Une spiritualité qui réconcilie l’homme avec son âme, le transcende et le libère du tout matériel où tout se vend, tout s’achète et plus rien n’a de valeur ni n’est une valeur. Une spiritualité qui le connecte avec le ciel pour donner un sens et une consistance à sa vie et à ses actes. Une spiritualité où le monde n’est pas le fait du hasard, mais de la volonté divine, où l’homme jouit du libre arbitre et façonne son destin, où rien n’est fatalité ni joué d’avance, où Dieu est vénéré notamment comme sur-force positive qui stimule et appuie la marche de l’homme vers son succès personnel et vers le bien-être collectif, où la religion est vécue comme un ciment social. Une spiritualité qui réconcilie la nation avec ses repères, ses valeurs et ressuscite ses réflexes ancestraux d’unité, de solidarité et de cohabitation féconde. Une spiritualité qui sera l’unique et le plus noble apport possible du Maroc à un Occident dominant et englouti par son matérialisme.
2 – Une démocrature nouveau mode de gouvernance qui rallie dans le même temps démocratie dans ses composantes «suprématie de la loi» et «institutions représentatives, crédibles et opérationnelles», et dictature dans ses composantes «main de fer» et «autorité». Une démocrature réceptacle de la production du projet sociétal et des choix renouvelés de la nation, et bras opérationnel de leur mise en œuvre. Une démocrature alimentée par un champ politique tripolaire où l’on distingue entre pôles et alliances.
Une démocrature mettant fin au consensus pour donner libre cours à l’alternance des programmes et d’élites patriotes, compétentes et intègres, à l’éclosion d’idées novatrices et d’initiatives courageuses, à la libre initiative économique, à la compétition à servir la nation, le Maroc.
Une démocrature reposant sur un Etat stratège, un Etat régulateur, un Etat distributeur équitable des richesses, un Etat acteur économique, un Etat suffisamment puissant et juste pour organiser la concurrence, contrôler et auditer les acteurs, agir sur le marché et sur les vulnérabilités et les dérapages. Une démocrature rétablissant l’autorité juste et rigoureuse de toutes les autorités : autorité parentale, autorité de l’école, autorité de l’autorité, autorité de la justice, autorité des repères collectifs. Une démocrature qui ne tolère ni impunité ni insécurité. Une démocrature ferme et intraitable face aux nuisances et dépravations économiques et sociales. Une démocrature qui garantit tous les droits et assure le respect le plus vigoureux de tous les devoirs.
3-Une liberté de la pensée, des femmes et des hommes, de l’initiative, de la presse et des médias, qui rime avec créativité, épanouissement, émancipation, pour être féconde et avec responsabilité pour trancher avec anarchie, chosification de la femme, voracité, dépravation, médiocrité, diffamation, atteinte aux repères et valeurs de la nation.
Notre pays est aujourd’hui à un tournant exceptionnel de son évolution. Les avancées indéniables, capitalisées pendant ces dix dernières années, le prédestinent à migrer de son approche quantitative actuelle vers celle qualitative que renferme ce nouveau modèle de développement. La légitimité historique de la Monarchie marocaine, la position politique et religieuse du Roi et la place centrale qu’il occupe en tant que leader charismatique et respecté, constituent sans conteste le véritable atout dont le Maroc doit user pour mettre en œuvre son nouveau modèle de développement maroco-marocain, avec détermination, assurance et sérénité.
