Idées
Les investisseurs marocains préfèrent le dividende au programme de rachat

Depuis la fin du cycle haussier sur le marché boursier marocain, nous avons assisté à un phénomène de multiplication des annonces relatives aux programmes de rachat d’actions de plusieurs sociétés cotées (une quinzaine au total) en vue de «régulariser le marché».
Nous allons essayer d’analyser de plus près les principales motivations de ces programmes et de savoir si cet instrument mis à la disposition des dirigeants impacte favorablement la valorisation du titre coté.
Dans la théorie financière, l’annonce d’un programme de rachat constitue un signal donné par le management quant à la valorisation du titre objet du programme. En exécutant effectivement le programme, la société émet deux signaux forts pour le marché :
– Le cours en Bourse reflète une sous-valorisation intrinsèque du titre ;
– La société dispose d’un matelas de trésorerie confortable qu’elle compte utiliser pour racheter ses propres actions.
Toutefois, le lancement d’un programme de rachat d’actions est un signal à faible coût, car il est assez facile d’obtenir l’accord des actionnaires. Les dirigeants de la firme ne s’engagent pas, ils s’octroient la possibilité d’acheter des actions sur le marché boursier. Dans cette perspective, le programme de rachat ressemble fortement à une option gratuite dont les dirigeants bénéficient lorsque le cours boursier dévie de la «vraie» valeur de l’entreprise. En effet, l’annonce d’un programme de rachat d’actions dépend de la volatilité des rentabilités boursières et du nombre d’actions concernées. Cependant, toutes les firmes ne disposent pas en permanence d’un programme de rachat d’actions actif. L’option de rachat d’actions n’a de valeur que lorsque l’entreprise possède des fonds à investir dans elle-même et lorsque les dirigeants sont aptes à repérer les erreurs de valorisation par le marché. Dans ces circonstances, l’option est activée par les dirigeants qui achètent réellement des actions.
L’opération de rachat constitue aussi un outil de rémunération beaucoup plus flexible que le dividende. Ce dernier est caractérisé par une sorte de stabilité dans le temps avec un mode de versement régulier. Par contre, en cas de rachat d’actions, les entreprises n’ont pas l’obligation de renouveler leurs programmes chaque année et la sanction de celles qui annoncent des programmes non suivis de réalisations est difficile a apprécier, voire inexistante. De plus, les entreprises qui réalisent effectivement leurs programmes ont la possibilité de racheter un pourcentage du capital inférieur à celui annoncé. La flexibilité inhérente aux programmes de rachat incite ainsi les entreprises à annoncer un programme de rachat avec un volume maximal d’actions à racheter. En revanche, la réalisation de ce programme (décision et montant) dépend notamment du niveau de free cash-flow de l’entreprise. Autrement, les rachats seront d’autant plus élevés que les cash-flows disponibles dans l’entreprise sont importants et que les opportunités de croissance de celle-ci sont faibles.
Il est à signaler aussi qu’une entreprise peut décider d’une annulation de titres détenus après une opération de rachat par une opération de réduction de capital. L’impact sur la valorisation du titre est immédiat : Il est relatif. En réduisant le nombre d’actions en circulation, l’entreprise augmente d’autant le bénéfice net par action. Le gâteau reste le même, mais le nombre de convives est réduit. Et comme le calcul du PER se fait en fonction du BNPA (cours de Bourse/BNPA), plus le BNPA augmente et plus le PER baisse. Le titre devient un peu plus attrayant en termes de comparables boursiers. Ces artifices techniques ne suffisent pas à inverser une tendance sur un titre. Ils contribuent en revanche à fidéliser certains fonds d’investissement, friands de ces mesures. Ils permettent aussi à des entreprises disposant d’une trésorerie excédentaire de trouver une allocation créatrice de valeur pour les actionnaires.
Quid des entreprises endettées ?
L’endettement contraint les entreprises à réduire la distribution de cash aux actionnaires et donc de limiter les rachats d’actions propres. Cette constatation théorique peut être expliquée d’une autre manière. Ainsi, comme indiqué précédemment, le rachat peut être utilisé pour distribuer les free cash-flows aux actionnaires. Cette opération a ainsi un impact sur la structure financière de l’entreprise ; elle permet la réduction de la valeur de l’actif de l’entreprise et la hausse de son ratio de levier. Dans ce cas, les entreprises dont le ratio de levier est en dessus de ce qui est perçu par les investisseurs comme optimal, ne sont pas incitées à procéder à des rachats afin de ne pas augmenter davantage leur dette. Par contre, les entreprises de caractère opposé (c’est-à-dire celles dont le ratio de levier est en dessous de ce qui est optimal) ont intérêt à activer leurs programmes de rachat afin d’atteindre la structure de financement optimale. Dans ce cas, un ratio d’endettement faible incite les entreprises à réaliser effectivement leurs programmes de rachat.
Au final, il serait intéressant d’examiner en plus des spécificités financières, les aspects du gouvernement d’entreprise afin d’étudier la réalisation des programmes de rachat dans un contexte plus général. Quand en 2004 Microsoft a annoncé son intention de recourir à ce type de pratique, certains investisseurs ont vendu la valeur. Ils en ont déduit que le géant de Redmond n’avait plus d’idée d’investissement et le titre a baissé. Au niveau local , et d’une manière générale, l’annonce des programmes de rachat n’a pas à ce jour renversé les tendances de fonds des titres ; des variations positives ont été enregistrées les jours suivant l’annonce mais la préférence des investisseurs va clairement aux titres offrant un rendement de dividende élevé.
