SUIVEZ-NOUS

Idées

L’effet Obama

Même si son devoir en tant que président des USA est de défendre les intérêts de son pays, Barack Obama a une posture morale qui redonne aux principes leur place. Face aux révolutions en cours, il est le seul dirigeant occidental à  avoir trouvé les mots justes pour saluer le courage des peuples dans leur combat pour la liberté.

Publié le


Mis à jour le

Hinde TAARJI 2011 03 28

Depuis trois mois, le monde arabe vit au rythme des révoltes et des révolutions. Après la Tunisie et l’Egypte, c’est, à côté du Yémen et de l’émirat de Bahreïn, au tour de la Libye d’être plongée dans la tourmente. Pour mater la rébellion qui menace son pouvoir, Mouammar Kadhafi n’a pas hésité à user de son aviation et de ses chars, bombardant son peuple par les airs et sur terre. Après moult tergiversations, la communauté internationale s’est finalement résolue à répondre aux appels pressants des insurgés, demandant l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne. Dans la nuit du jeudi 17 mars et après trois jours d’âpres discussions, une résolution a été votée par  le Conseil de sécurité des Nations Unies autorisant le recours à l’usage de la force pour protéger les populations civiles. C’est à un vrai forcing, d’abord auprès de ses pairs européens puis des autres membres du Conseil de sécurité, auquel s’est livré Alain Juppé, le ministre des affaires étrangères français, pour obtenir ce résultat. Dès le surlendemain du vote de la résolution, une coalition internationale sous l’égide des Nations Unies est entrée en guerre contre le régime de Kadhafi. A Benghazi, «la capitale des rebelles» sauvée in extremis, la reconnaissance à l’égard de la France est immense. «Nous n’oublierons jamais ce que la France a fait pour nous. Désormais, nous pouvons combattre jusqu’au dernier homme, voire jusqu’à la dernière femme», a déclaré, à l’AFP, un employé du secteur pétrolier. Nicolas Sarkozy, transformé en champion de la cause arabe : la métamorphose est stupéfiante. En la circonstance et pour la chance des insurgés libyens, respect des grands principes et intérêts politiciens ont opéré une heureuse rencontre. Cependant, et même si dans cette guerre menée contre le colonel Kadhafi pour arrêter la main meurtrière de ce dernier, il campe volontairement les seconds rôles, celui dont l’ombre plane au-dessus de ce printemps arabe a pour nom Barack Hussein Obama.

Des éléments déclencheurs de cette tornade libertaire qui balaie l’autoritarisme en terre arabe, l’histoire retiendra à coup sûr l’exemple donné par l’accession d’un noir à la tête de la plus grande puissance du monde. Rappelez-vous, il y a maintenant deux ans et demi, le coup de tonnerre planétaire représenté par cette élection aux allures de miracle. Dans une Amérique alors sous la coupe des néo-conservateurs, un quasi inconnu, de père noir, non américain d’origine et musulman, accède à la plus haute strate du pouvoir. Il y avait là quelque chose d’inimaginable, d’impensable. Impensable, en ce sens qu’on ne pouvait pas le penser. Exactement ce à quoi on assiste aujourd’hui dans nos sociétés. Des jeunes anonymes, reliés de manière virtuelle, réussissent là où les oppositions politiques conventionnelles ont échoué, à savoir créer la dynamique nécessaire pour faire tomber des pouvoirs en place depuis des décennies. Comment ne pas voir le lien entre ce «printemps arabe» et ce qui s’est joué aux USA avec l’élection d’Obama. L’arrivée à la Maison blanche d’un homme à qui tout interdisait d’y prétendre a réhabilité le rêve et l’utopie. Des millions de personnes à travers le monde doivent à Barack Hussein Obama d’avoir renoué avec l’espoir. Il a redonné la force de se battre à tous ceux qui, jusque-là, baissaient les bras devant l’énormité du combat à mener. Exactement ce qui s’est passé en Tunisie et en Egypte. Ce qui, depuis quelques jours, est en train de se dérouler en Syrie. Plus qu’un slogan, le «Yes, we can» d’Obama est ce sésame qui ouvre les forteresses mentales pour les libérer de la peur et de l’inhibition.

Autre fait à mettre à l’actif du premier président noir des USA, le poids accordé aux jeunes et aux nouvelles technologies de communication. Alors que le discours dominant présente la jeunesse d’aujourd’hui comme désinvestie politiquement, individualiste, pragmatique et matérialiste, Barack Obama a fait de celle-ci son meilleur allié dans la bataille pour la présidence. Parce qu’il a su parler son langage et investir les nouveaux espaces qui sont les siens, à savoir les réseaux sociaux d’Internet. De là, où, aujourd’hui, les jeunes Arabes, s’arrachant à la léthargie de leurs sociétés, lancent leurs «massirat».

Alors, bien sûr, on peut reprocher à Barack Obama d’avoir déçu les attentes placées en lui par les Arabes et les musulmans. On croyait qu’il serait celui qui solutionnerait le dossier israélo-palestinien mais, comme avec ses prédécesseurs, sous sa présidence, la realpolitik en la matière prime sur le droit et la justice. N’empêche, même si son devoir en tant que président des USA est de défendre les intérêts de son pays, Barack Obama a une posture morale qui redonne aux principes leur place. Face aux révolutions en cours, il est le seul dirigeant occidental à avoir trouvé les mots justes pour saluer le courage des peuples dans leur combat pour la liberté. L’Occident lui doit, grâce à son magnifique discours du Caire notamment, d’avoir amorcé une forme de réconciliation avec le monde arabe. Ceci étant, dans ce qui se joue aujourd’hui, l’effet Obama va au-delà de la personne et de sa politique. Il est dans ce qu’il réveille de foi et de force dans les peuples pour s’élever contre la tyrannie. Et c’est cela le plus important. Ce que l’histoire retiendra.