SUIVEZ-NOUS

Idées

L’économie du livre

Le marché du livre ne s’emballe pas et, plus inquiétant encore, c’est chez les jeunes que la part des forts lecteurs baisse le plus. La concurrence avec les autres formes de loisirs s’est fortement intensifiée. le livre a perdu sa position de leader dans le domaine de la culture. il a perdu sa valeur symbolique.

Publié le


Mis à jour le

rub 15979

Une fois de plus, le Salon du livre (SIEL) qui vient de s’achever a été l’occasion pour le petit monde de l’édition de s’interroger sur son avenir. «Le livre va mal», se lamentent volontiers quelques éditeurs. De fait, le marché du livre est étroit : aux environs de 2 000 publications par an, une cinquantaine d’éditeurs de livres y compris les livres scolaires, 200 000 acheteurs chaque année. D’où vient alors l’étroitesse des ventes ? Tout d’abord, de la faible diffusion de la lecture dans la société ; les deux tiers des Marocains ne lisent pas plus de deux livres par an. Ensuite, le livre n’est pas à la portée de toutes les bourses ; son prix reste cher en dépit de l’effort des maisons d’édition pour serrer leurs marges. C’est vrai que l’édition est loin d’être une industrie comme une autre. Dans le coût d’un livre vendu à 50 DH l’éditeur et l’auteur empochent respectivement 10% chacun, une fois les frais déduits. Le reste est prélevé par la distribution, la promotion et les frais connexes. Les subventions ou aides publiques sont dérisoires. Cela n’empêche pas quelques maisons d’édition de se battre pour garder à la lecture son attrait. Enfin, une autre explication de la faible dynamique du marché du livre : la baisse du temps moyen consacré à la lecture. Tandis que la part des faibles lecteurs (moins de 2 livres par an) dans la population totale progresse, le nombre de forts lecteurs régresse. Davantage de lecteurs, mais moins de temps consacré à la lecture. Résultat : le marché du livre ne s’emballe pas et, plus inquiétant encore, c’est chez les jeunes que la part des forts lecteurs baisse le plus. Là encore, des raisons évidentes expliquent la faible pénétration de la lecture chez les jeunes. La concurrence avec les autres formes de loisirs s’est fortement intensifiée. La télévision occupe désormais une place prédominante dans le foyer. Sans compter la montée en puissance de la vidéo, des jeux informatiques, de la musique, etc, qui absorbent une part croissante du budget et du temps de loisirs des ménages, en particulier chez les jeunes. Le livre a donc perdu sa position de leader dans le domaine de la culture. Il a perdu toute sa valeur symbolique. Une évolution renforcée par le recul relatif de la littérature dans les ventes totales au profit d’autres secteurs, notamment les livres pratiques. Faut-il pour autant conclure à une crise du livre ? En fait, tout ne va cependant pas si mal dans le secteur. Un effet de progression en partie lié à l’accroissement et à la diversification de l’offre, en réaction à la lente progression des ventes. Certes, la croissance de l’économie nationale ne s’accompagne pas d’une réelle augmentation du pouvoir d’achat et de son affectation à l’achat de livres. Mais, en contrepartie, la part totale des lecteurs dans la population s’est accrue, avec l’élévation du niveau d’éducation. Ainsi, sur le long terme, rien ne permet vraiment de conclure à une mort programmée du livre, et surtout pas les chiffres, en progression sur les cinq dernières années. Une tendance lourde liée à l’élévation générale du niveau culturel, permise par l’allongement de la durée des études. Cette évolution du marché s’accompagne d’une diversification des maisons d’édition. Sur fond de concurrence rude, de prix en hausse et de stratégies éditoriales redéfinies. Le tissu éditorial se renouvelle et de nombreux éditeurs font preuve de créativité, aussi bien dans les genres traditionnels, tels que la littérature, que sur des créneaux nouveaux. Avec pour principal enjeu la captation des parts de marché. L’évolution du secteur de l’édition reflète ces changements. Sur les cinq dernières années, la croissance du chiffre d’affaires du secteur est demeurée constamment positive. Pas de secret, dans un contexte de progression relative du niveau des ventes, l’amélioration du chiffre d’affaires a été acquise au prix d’un accroissement du prix moyen des livres. Comment expliquer cette tendance à la hausse des prix alors que la concurrence fait rage ? Par la stratégie suivie par de nombreux éditeurs pour tenter de gagner des parts de marché : multiplication des collections, intrusion dans des domaines jusque-là non explorés, accroissement du nombre de livres mis sur le marché.
Résultat : le nombre annuel de nouveautés a progressé. Une hausse qui s’est traduite par une multitude de produits concurrents, de plus en plus standardisés, qui ont inondé le marché, notamment dans le domaine des éditions de «poche» et du livre jeunesse. Cette évolution reflète la volonté des éditeurs de coller aux transformations de la demande. Si les ventes progressent, poussées par l’offre et tirées par la diversification, la tendance s’est accompagnée d’une augmentation des taux d’invendus, pour cause d’excédent d’offre. En somme, ni crise ni expansion, pour caractériser l’évolution du marché du livre. Car, si le livre constitue un des supports les plus concurrencés parmi les produits culturels, c’est aussi un produit qui se renouvelle de façon permanente.