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Idées

Le challenge de la PAC

la nouvelle réglementation ne pourra, au mieux, entrer en application avant le second semestre 2015. Ce délai doit être mis à  profit par le Maroc pour réfléchir à  l’avenir de ses relations agricoles avec l’Union Européenne

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Le Conseil de l’Union européenne a entériné la réforme de la politique agricole commune (PAC) qui avait fait l’objet d’un accord conclu par le Parlement, le Conseil et la Commission en deux phases (juin et septembre 2013). L’Organisation commune des marchés des fruits et légumes fait partie intégrante de cette réforme. Elle impactera nécessairement les relations agricoles euro-marocaines définies par l’accord bilatéral, négocié sur une durée de six ans et conclu il y a à peine un an.

Cette réforme définit les nouvelles règles de la PAC pour les sept prochaines années. Ses principaux objectifs consistent à écologiser la PAC et à faire en sorte qu’elle soit mieux ciblée, au moyen d’une nouvelle répartition des aides au revenu en faveur des agriculteurs dans l’ensemble de l’Union et d’une politique de développement rural plus efficace. Le paquet de la réforme de la PAC comprend quatre règlements principaux relatifs aux paiements directs en faveur des agriculteurs, à l’organisation commune des marchés des produits agricoles (OCM unique), au soutien au développement rural et au règlement transitoire pour l’année 2014. Les dispositifs d’intervention spécifiques pour les fruits et légumes vont être modifiées.

L’importance des fruits et légumes à l’intérieur de l’Union européenne est attestée par la longue histoire reliant ces produits à la politique de marché communautaire. Le secteur a été l’un des premiers objets de réglementation sur l’organisation commune des marchés. L’OCM des fruits et légumes (OCM FL) a été renforcée à diverses reprises par des règlements de régulation sur le marché interne et par des instruments de protection aux frontières. La nouvelle réforme s’inscrit dans les objectifs permanents des réformes précédentes: sauvegarder la production européenne de fruits et légumes, assurer un revenu équitable aux producteurs agricoles, stabiliser les cours et les marchés. L’organisation des producteurs constitue l’instrument principal de la politique de gestion des crises conjoncturelles et de la régulation du régime des échanges avec les pays tiers, dont le Maroc. L’OCM FL a été également complétée par les aides directes à la transformation pour plusieurs types de produits (agrumes, pêches, poires et tomates principalement).

La Commission européenne a tiré un bilan mitigé de l’organisation de la filière fruits et légumes. Bruxelles a voulu réexaminer le régime d’aide applicable à la filière. Elle a lancé en juin 2012 une consultation publique sur les programmes opérationnels et l’organisation économique dans le secteur des fruits et légumes, en vue d’évaluer le dispositif et proposer des modifications réglementaires. La finalité est la mise en place de nouveaux instruments pour renforcer l’organisation des producteurs et la création d’outils spécifiques pour stimuler la compétitivité des producteurs individuels. Dans la démarche de la commission, un contexte de consommation en baisse et de balance commerciale déficitaire appelle à mieux gérer les marchés et à maîtriser la concurrence des pays tiers en renforçant les mécanismes de prix d’entrée pour les produits d’importation. Aussi, le nouveau système des prix d’entrée serait basé sur des méthodes de dédouanement clairement hiérarchisées pour contrôler les flux à l’entrée des produits sur le marché unique. De plus, la valeur forfaitaire à l’importation serait mentionnée explicitement en tant qu’élément central du dispositif pour le dédouanement des produits périssables de l’OCM FL. Un nouveau mécanisme qui est en rupture avec l’esprit des négociations bilatérales et risque de déstabiliser les producteurs nationaux.

La réforme de la partie fruits et légumes de l’OCM unique ne rentrera pas immédiatement  en application. Elle accumule des retards. Les élections européennes obligent, le Parlement européen va suspendre ses travaux en avril pour ne les reprendre que le 1er juillet. Le trilogue (discussions entre la Commission, le Conseil et le Parlement) ne pourra reprendre au mieux qu’en septembre, après l’installation de la nouvelle Commission. De plus, le second semestre 2014 étant sous présidence italienne, les pays du sud (France, Espagne, Italie) ne voient que des avantages à ce que la réforme des fruits et légumes soit adoptée sous cette présidence. Quoi qu’il en soit, la nouvelle réglementation ne pourra, au mieux, entrer en application avant le second semestre 2015. Ce délai doit être mis à profit par le Maroc pour réfléchir à l’avenir de ses relations agricoles avec l’Union européenne. Compte tenu des limites des politiques fondées sur la libéralisation des échanges, la seule voie réside dans un accord allant au-delà de la timide intégration dans une sphère essentiellement commerciale. Il y a des coopérations productives naissantes entre les deux partenaires mais celles-ci demeurent très insuffisantes au regard du potentiel. Le futur des relations agricoles euro-marocaines devrait permettre une meilleure répartition de la chaîne de la valeur ajoutée entre les deux partenaires, une régularisation des échanges et la promotion d’un système agroalimentaire respectueux de l’environnement et des territoires. Les organisations professionnelles peuvent jouer un rôle important dans cette perspective en  développant une vision prospective de leurs activités et en initiant des actions collectives afin que tous les maillons de la filière se structurent pour s’adapter aux contraintes de l’environnement extérieur.