Idées
Le Budget sous l’Å“il des citoyens
Malgré une réforme progressive du cadre budgétaire,
du travail reste à faire pour gagner en transparence. Certains documents ne sont pas disponibles (rapports d’audit ou lois de règlement). Pour les documents disponibles, la qualité de l’information est encore perfectible. Ce déficit d’information empêche
les citoyens de surveiller ce processus et l’engagement
de la société civile dans le processus budgétaire est entravé par le peu d’opportunités qui existe pour s’impliquer dans ce processus.
Le Maroc classé en queue de peloton pour la transparence budgétaire. Vous ne le croyez pas, n’est-ce pas ? Ce n’est pas moi qui l’affirme mais un organe international, le Projet budgétaire international (IBP), qui regroupe des organisations partageant un intérêt commun pour un meilleur accès public à l’information budgétaire internationale, pour une responsabilisation renforcée dans les finances publiques et pour la création d’opportunités en faveur de l’engagement citoyen dans les débats budgétaires de leur pays. Ce classement doit constituer une immense déception pour tous les fonctionnaires des finances qui doivent penser que, grâce à leurs efforts, leur pays entre progressivement dans la cour des sincères pour la transparence budgétaire. Comment se fait-il que des pays tels que le Ghana, la Bulgarie et le Mexique ont obtenu un grand succès dans la notation de l’IBP et que le Maroc figure dans la catégorie inférieure avec l’Angola, la Bolivie, le Burkina Faso, le Tchad, la Mongolie et le Nigeria ?
Certes, nos Finances publiques, malgré quelques tentatives de rationalisation des dépenses budgétaires, se sont longtemps satisfaites de l’existence d’un Budget de moyens découplés des perspectives et des performances des actions financées. Les efforts effectués pour acclimater l’évaluation des politiques publiques en tant que processus courant de la décision publique sont, quant à eux, souvent restés vains. Ce tableau franchement sombre s’est récemment éclairci avec l’impulsion et le suivi d’une réforme progressive du cadre budgétaire. Celle-ci comporte des obligations d’information renforcées, en particulier sur les objectifs et les résultats des programmes dans lesquels seront cristallisés les crédits budgétaires. C’est un pas très important et une source d’exigences nouvelles en termes de cohérence, de transparence et de responsabilité. Mais ce n’est qu’une étape, qui reste à consolider par une réforme en profondeur de la loi organique des finances.
En dehors du cercle des initiés, l’impact de cette révolution en douceur n’est pas encore parfaitement perceptible. Du travail reste encore à faire pour gagner en transparence. Certains documents ne sont pas disponibles comme les rapports d’audit ou les lois de règlements qui, selon les standards internationaux, doivent être disponibles au maximum 24 mois après leur adoption. Pour les documents disponibles, la qualité de l’information diffusée est encore perfectible. Alors que la budgétisation publique implique la collecte et l’allocation de ressources publiques, ce relatif déficit d’information empêche les citoyens de surveiller ou d’influencer ce processus. Malgré les progrès accomplis, l’engagement de la société civile dans le processus budgétaire est fondamentalement entravé par le peu d’opportunités qui existe pour s’impliquer dans ce processus. Il est clair que le niveau de transparence budgétaire est fortement influencé par la volonté du gouvernement d’être responsable devant ses citoyens, et que le manque de capacité pour produire des informations n’est pas une contrainte déterminante. Sont également préoccupants les résultats de l’enquête sur les mécanismes de responsabilité gouvernementale au sein du processus budgétaire. Ils suggèrent que ni l’Exécutif ni le Parlement ne semblent prêts à utiliser toutes les opportunités pour faire participer les citoyens et les informer sur le projet de Budget. L’enquête révèle aussi des faiblesses profondes et substantielles dans les institutions externes de contrôle. En d’autres termes, un pays qui a obtenu de faibles résultats au sein de l’Index sur le Budget ouvert ne peut pas se réfugier derrière l’excuse des contraintes liées à un manque de moyens ou de capacités. L’indice est mesuré en référence aux bonnes pratiques généralement acceptées de la gestion des finances publiques. Il est composé d’une centaine de questions évaluant les informations mises à la disposition du public. La majorité des questions interrogent ce qui se passe dans la pratique, plutôt que les réquisits qui peuvent figurer dans la loi. Une grande partie des questions se concentrent sur les contenus et le caractère opportun des documents budgétaires essentiels. En somme, le Budget ne présente pas que les objectifs financiers et économiques du gouvernement, ainsi que ses priorités sociales. Il reflète aussi ses valeurs. En offrant un standard que les citoyens peuvent utiliser pour exiger la responsabilisation du gouvernement, l’évolution vers un budget ouvert promouvra la bonne gouvernance. C’est-à -dire plus de démocratie pour le Maroc, et plus d’efficacité pour les Marocains.
