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Idées

L’accès à  la propriété face aux limites des innovations financières

C’est à  partir d’un revenu mensuel de 4 800 dirhams qu’un ménage peut acquérir un logement économique de 200 000 dirhams.

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En dépit du ralentissement de ces deux dernières années, le marché des prêts à l’habitat connaît une mutation. Du chemin a été parcouru dans le financement de l’accès à la propriété. Mais beaucoup reste à faire. Faut-il rappeler quelles étaient les grandes caractéristiques du marché marocain ? La limite d’une ressource «sur mesure» essentielle au refinancement, c’est-à-dire l’Epargne-logement. Une faible désintermédiation. Une titrisation encore à ses débuts avec un support compliqué à mettre en œuvre. Une acceptation de la prise de risque de transformation peu significative par les banques. Des conditions d’admissibilité au prêt logement conservatrices en termes de risque de crédit assumé par les prêteurs. Un effort financier de l’acquéreur élevé, un montant de l’emprunt qui représente un ratio limite. Dans la pratique, les banques se limitaient à consentir des prêts à hauteur d’une moyenne de l’ordre de 50%. La durée des prêts était relativement court : moins de 15% des crédits étaient accordés pour des termes supérieurs à 15 ans, la majorité l’a été pour des termes de 12 ans et moins. Cette pratique n’était pas étrangère au faible niveau de concurrence, l’environnement est resté longtemps peu propice à l’innovation et à la prise de risque raisonnable.

L’activité de crédit à l’habitat, longtemps négligée par les banques, commence à soulever leur intérêt. Il s’en suit une concurrence favorable au client. Traditionnellement concentré entre les mains de deux grands établissements spécialisés, le crédit se répartit mieux entre les grandes banques commerciales. Presque toutes les banques de la place ont lancé de nouveaux produits très proches les uns des autres. Pour une fois la clientèle à la recherche de l’acquisition d’une propriété a un choix aussi large et diversifié. Des produits répondant aux besoins de plusieurs types de clients. Jusqu’à maintenant, le moyen utilisé pour favoriser l’accès au crédit a été celui des ristournes d’intérêt et des avantages fiscaux. De nouvelles approches ont pu améliorer l’accès au crédit : allongement de la période d’amortissement, réduction de la mise de fonds, adoucissement  des conditions d’éligibilité. Le marché très classique et  peu réceptif à l’innovation connaît une mutation véhiculée par de nouveaux produits et une démarche clientèle. Les crédits réglementés et standardisés font place à des offres ciblées et diversifiées. Le marché devient plus concurrentiel : en termes de prix, de marges et de négociations sur les taux mais aussi sur les accessoires au prêt : garanties, assurance, clauses de remboursement anticipées. 

Pourtant, les banques, pas du tout freinées par le manque de ressources, se plaignent du manque de candidats à la propriété. Moins de 20% des logements construits chaque année sur une demande de logements urbains qui croît à un rythme de près de 140 000 unités par an. La raison est simple : la solvabilité de l’acquéreur est limitée par la faiblesse des revenus en regard du coût du logement. Si l’on retient les hypothèses classiques sur les conditions du crédit (taux d’intérêt de 8%, échéances de 15 années, taux d’effort de 30%, quotité de 75%), il en découle que c’est à partir d’un revenu de 4 800 dirhams par mois qu’un ménage peut acquérir un logement économique de 200 000 dirhams. C’est ce qui explique l’écart entre la capacité d’emprunt et le coût des logements éligibles au financement. C’est ce qui explique en conséquence que le financement bancaire de l’accès à la propriété soit encore peu étendu. Des encours en crédits à moyen et long terme à l’habitat qui représentent moins de 15% des crédits distribués à l’économie. L’élan constaté pour des produits spécifiques et diversifiés s’est atténué, l’action marketing et de communication sur ces financements a perdu de son agressivité. Dans une certaine proportion, les crédits se sont recentrés sur des cibles privilégiées. Dans ces années de crise, le degré d’engagement des banques s’est ralenti, renforçant l’effet d’offre des opérateurs.  Le financement reste toujours concentré entre les mains de quatre ou cinq institutions qui dépassent plus de 75% du marché.
Dans ce contexte, la relance du marché appelle une amélioration de l’accessibilité des ménages au crédit. L’allégement des conditions d’accès au crédit ne peut être consenti que dans les limites de pratiques de prêt prudents des prêteurs, c’est-à-dire n’entraînant pas de hausse du nombre des prêts en défaut ayant pour effet de compromettre la solidité de leur portefeuille. L’efficience du système de financement du logement exige donc deux conditions : la mobilisation de ressources longues et la maîtrise du système par le contrôle des risques subis par les prêteurs. L’allongement de la période d’amortissement demande de fournir aux prêteurs des ressources à long terme, ce qui peut être fait par le mécanisme de refinancement sur le marché des capitaux à long terme.