Idées
Entreprendre sans entraves, c’est possible
Offrir à l’entrepreneur les avantages d’une SARL tout en lui permettant de rester dans un format «entreprise individuelle» est de nature à booster la création d’entreprises. Solution : l’entreprise individuelle à responsabilité limitée et le statut d’auto-entrepreneur.

A regarder les chiffres de l’entrepreneuriat, on est sidéré par le grand écart entre le nombre d’élus (quelques centaines de milliers d’entreprises déclarées) et le nombre impressionnant de prétendants. La dernière étude du CJD international réalisée en 2011 par le cabinet LMS montre que près de 7,5 millions de nos compatriotes souhaitent entreprendre !
La réponse à notre préoccupation majeure, à savoir réduire le chômage des jeunes, notamment estimé par le FMI dans sa livraison de mai 2011 à près de 32% (jeunes âgés de 15 à 24 ans) passe par l’entrepreneuriat et l’accélération du déploiement du texte de loi sur l’auto-entrepreneur.
Nous avons besoin de modèles de rupture qui conviennent mieux aux circonstances et à l’esprit de nos jeunes qui veulent gagner de l’argent sans trop prendre de risques. Les schémas classiques s’appuyant sur les leviers que sont l’argent et le risque à prendre ne cadrent plus avec nos jeunes qui souvent n’ont pas le premier et ont une aversion pour le second.
Les trois atouts structurants de l’auto-entreprenariat
Il est impératif de leur permettre de goûter à l’entrepreneuriat par le sas qu’est l’auto-entrepreneur qui offre 3 atouts structurants. Le jeune peut créer son auto-entreprise de chez lui par 5 clics sur internet sans avoir à passer par les méandres de l’Administration (montrée du doigt par les opérateurs économiques et la Banque mondiale dans ses rapports «Doing Business»). Il ne paie ses impôts qu’à l’encaissement par un système de retenue à la source par le biais de supports qui leur sont très familiers, leurs téléphones portables. Et, troisième avantage et pas des moindres, ce dispositif est un projet de société qui offre à la création de l’auto-entreprise une couverture sociale au chef d’entreprise et à sa famille. On peut prendre à notre compte la réplique d’un de nos comiques préférés : «Je s’occupe de tout, tu s’occupes de rien».
N’attendons pas et posons ce projet socio-économique, qui met en exergue de façon mécanique la solidarité en intégrant les jeunes et moins jeunes laissés à l’écart de la vie active, sur le terrain de la création de valeurs de façon la plus participative. Souvent, nos projets de relance de l’économie opèrent sur le stock (entreprises existantes), puis dans un deuxième temps sur l’encours potentiel (les porteurs de projets), alors qu’à l’instar d’un orchestre notre tissu entrepreneurial doit être appréhendé de bout en bout de façon concomitante et concertée.
Il est à noter que l’Etat a fait des propositions audacieuses pour remettre dans le jeu du formel et valoriser ceux qui créent de l’emploi et sont sans le savoir le premier employeur du Maroc, à savoir les TPE. Ils sont champions ensemble et tellement petits et isolés dans leur territoire. L’expert-comptable a un rôle, une responsabilité forte pour mettre son expertise au service de la TPE marocaine en développant des outils d’accompagnement pour les former sur la gestion, la finance et la stratégie et la veille pour développer leurs affaires et continuer de démontrer avec force que le formel c’est l’avenir.
Je crois beaucoup aux technologies de l’information pour toucher les entrepreneurs de Tanger à Lagouira en passant par les villages les plus reculés. Là, il y a des pistes pour monter des packs regroupant des services d’un opérateur télécoms, d’une banque, d’un expert-comptable et de la région. La décentralisation avec l’arrivée de la Régionalisation doit porter des projets d’envergure créateurs de valeurs pérennes.
En faisant travailler des acteurs intéressés et avec une bonne coordination, la TPE recevra un vrai push structurant capable de la désinhiber et lui démontrer qu’elle n’est pas la cinquième roue du carrosse mais bien l’épine dorsale de notre économie. On a vu la mesure phare du gouvernement, accordant une réduction du taux d’IS de 50% en le ramenant à 15% pour les PME et TPE ayant un chiffre d’affaires inférieur à 3 MDH HT, continuer à chercher preneur. En effet, beaucoup de TPE dans l’informel trainent du pied pour revenir sur le droit chemin. Parfois, en raison du poids de l’habitude et de la difficulté de changer de cap en arrêtant de confondre chiffre d’affaires et bénéfice. Le point central, c’est asseoir la confiance et lancer la communication appropriée pour faire valoir la pertinence du choix. En effet, en plus de tuer dans l’œuf toutes les sangsues qui rackettent l’entrepreneur informel, le cadre de la SARL offre un avantage de taille : rendre éligible à la CNSS, le patron et sa famille, chose qu’il ne pouvait avoir que par option à des régimes facultatifs et individuels souvent excessivement chers eu égard à la contrepartie dont il peut bénéficier.
Je reste convaincu, à l’instar d’autres professionnels, que la TPE structurelle, qui ne peut avoir qu’un pilote et propriétaire, a tout intérêt de rester dans un format «entreprise individuelle» tout en bénéficiant des avantages de la SARL. Cela ne génère pas un nouveau formalisme juridique (PV assemblées, dépôt au greffe, registres cotés paraphés à servir…) tout en limitant la responsabilité du chef d’entreprise uniquement sur les actifs inscrits au bilan avec une taxation au taux de l’IS de 15%. L’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL), forme juridique à créer au Maroc, permettra de protéger son patrimoine privé tout en exerçant son activité professionnelle à titre individuel. L’entrepreneur aurait désormais le choix entre plusieurs statuts, choix qui devrait être effectué avec attention, en fonction des caractéristiques propres à son activité.
L’EIRL permettrait à tout entrepreneur individuel, créateur ou qui exerce déjà une activité commerciale, artisanale, libérale ou agricole, quel que soit son chiffre d’affaires :
• de protéger ses biens personnels des risques liés à son activité professionnelle, notamment en cas de faillite, en affectant à son activité professionnelle un patrimoine (le «patrimoine affecté») ; les créanciers professionnels de l’entrepreneur individuel ne peuvent poursuivre que le patrimoine affecté tandis que les autres créanciers ne peuvent poursuivre que le patrimoine non affecté,
• sur option, d’acquitter l’impôt sur les sociétés sur les bénéfices dégagés par son activité.
• Les auto-entrepreneurs (statut à créer) peuvent recourir à l’EIRL, au même titre que tout entrepreneur individuel…
Grâce à ce nouveau régime, l’entrepreneur individuel n’est pas tenu de créer une société pour protéger son patrimoine et sa famille et l’esprit d’entreprise est encouragé, en évitant que la faillite d’une entreprise soit synonyme de ruine personnelle et familiale. Il est important pour l’expert-comptable d’interpeller sur la nécessité de créer ces 2 nouveaux régimes (l’auto-entrepreneur et l’EIRL) pour accélérer la démocratisation de l’acte d’entreprendre et d’offrir un cadre à ces 7,5 millions de jeunes qui rêvent d’entreprendre et qui ne sont pas entendus.
Agissons, pour que chacun de nos jeunes et moins jeunes puisse entreprendre s’il le souhaite en optant pour des modèles de rupture que sont l’auto-entrepreneur et l’entreprise individuelle à responsabilité limitée. Par référence à cette citation : «Il a été établi que le bourdon ne peut pas voler. Sa tête est trop grande et ses ailes trop petites pour soutenir son corps. Selon les lois de l’aérodynamique, il est incapable de voler. Mais personne ne l’a dit au bourdon et il vole..»
Soyons tous des bourdons. Osons.
