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Idées

C’est quoi ça ?

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rub 15382

Un petit garçon apprend à parler. Du haut de ses deux ans, il prononce ses premiers mots, compose ses premières phrases. Et pose ses premières questions. Il en affectionne une, en particulier, avec laquelle il soûle ses parents. «C’est quoi ça ?», demande-t-il, à longueur de journée, tout à son désir de comprendre ce qui l’entoure. Cette interrogation enfantine, on pourrait la lire aujourd’hui sur les lèvres de beaucoup d’entre nous. Quand je dis «d’entre nous», je fais référence à tous ces Marocains, de tous âges et de toutes sensibilités, qui, il y a dix ans, se sont pris à rêver. A rêver que le système pouvait se réformer de l’intérieur. Sans violence, sans effusion de sang, juste parce que ceux qui en actionnent les manettes ont pris conscience de l’impérieuse nécessité de le faire évoluer. Pour revenir au «c’est quoi ça» du petit garçon qui découvre le monde, formulée par ce dernier, la question est portée par la soif de comprendre. Dans la bouche des adultes que nous sommes, on ne parlera, malheureusement, pas de «soif» mais de «peur». De peur de comprendre qu’on s’est trompé, animé que l’on fut, d’une naïveté, pour sa part, bien enfantine. De plus en plus souvent, on se trouve en effet interpellé par des situations ou des événements qui vous font dire, à voix haute ou dans votre for intérieur, «c’est quoi ça ?». C’est quoi ces dénis de justice, cette parole qu’on étouffe, cette justice aux ordres ? C’est quoi, SURTOUT, ce sentiment de puissance et d’impunité qu’affichent certains de ceux qui gravitent dans les cercles rapprochés du pouvoir ? Certes, des actes ont été posés, d’une portée symbolique énorme.

Comment oublier l’émotion suscitée par le retour d’un Abraham Serfaty ? Comment ne pas saluer, aujourd’hui encore, le courage qu’il y eut à ouvrir publiquement les dossiers des années de plomb ? Même si le processus n’a pas été mené jusqu’à son terme, à savoir la poursuite et la condamnation des tortionnaires, l’institution de l’Instance Equité et Réconciliation restera un fait majeur dans l’histoire du pays. Quelles qu’en furent les incomplétudes, on ne saurait minorer l’importance de cet acte politique. Quand, après la diffusion de l’hymne national, commença la retransmission publique des auditions des victimes de ces années-là, il avait fallu se frotter les yeux pour réaliser qu’on ne rêvait pas, que c’était bien sur la RTM que cette prise de parole-là se produisait. Alors, bien sûr, après cela, comment ne pas y croire ? Ne pas se bercer de l’illusion que le système avait véritablement entrepris de se transformer, que le pouvoir allait véritablement commencer à s’exercer dans le respect des règles démocratiques ? La preuve n’en était-elle pas, aussi, dans cette liberté d’expression nouvelle reconnue à la presse, allant même jusqu’à permettre, dans une certaine mesure, une désacralisation de la figure royale. Il y avait des rappels à l’ordre certes, notamment en direction des médias, quand ceux-ci s’aventuraient à vouloir repousser les limites au-delà d’un seuil donné. Mais, jusqu’à un certain point, ces rappels à l’ordre pouvaient être compris, se justifier même parfois dans des cas flagrants de non-respect des règles déontologiques. Le moment cependant est arrivé où il est devenu impossible de «comprendre», encore moins de justifier. Depuis quelque temps, on assiste en effet comme à une régression programmée. Il y a, bien sûr, le bras de fer actuel entre la presse et le pouvoir, avec ces poursuites pour des motifs incroyables et ces sanctions totalement disproportionnées par rapport aux faits incriminés. Mais, au-delà, c’est une atmosphère générale. Mille petits signes donnent le sentiment d’être revenu à ce temps de l’allégeance inconditionnée. Où, qui détient une once de pouvoir est hanté par l’idée de déplaire. Où, surtout, il est en permanence rappelé aux Marocains qu’ils ne sauraient prétendre à une posture autre que celle du sujet. De celui dont la seule attitude attendue est celle de la soumission et de l’acceptation des faits du prince.

Une récente enquête internationale menée dans 33 pays par un réseau mondial des portails Emploi leaders(S)  a révélé que 88% des Marocains interviewés, pour la majorité des Bac+4/5, se sont dits prêts à aller travailler à l’étranger, la moyenne pour le reste du monde étant de 72%. Neuf Marocains sur dix parmi les jeunes et les cadres disposés à larguer les amarres à la première opportunité ! Cela, on en conviendra, se passe de commentaire.

(S)Network, le réseau mondial des portails Emploi leaders de 119 pays, The intelligence group et ReKrute.com