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Idées

A quoi servent les élections ?

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A quoi servent les élections ? Pour ceux qui attendent de la politique qu’elle bouleverse l’ordre social, sans doute à rien. Le Maroc d’aujourd’hui n’a pas radicalement changé, en comparaison avec celui de 2000. Notre pays compte toujours trop de chômeurs, trop de pauvres. C’est sûr. Mais peut-on, pour autant, passer sous silence le travail accompli ? Couverture médicale, Code du travail, Moudawana, INDH, ces réformes – qu’on les approuve ou qu’on les critique – n’auraient sans doute pas été menées à bien par un autre gouvernement, ou pas de la même façon. Autant dire qu’on ne peut se désintéresser des échéances de ce mois. Quels sont aujourd’hui les termes du débat ?

Les marges de manœuvre de politique économique sont certes limitées. Le Maroc est un petit pays, manquant de ressources naturelles et trop inséré dans l’échange international pour s’abstraire de la conjoncture mondiale. Son économie ne peut croître à un rythme en adéquation aux pressions sociales qu’en jouant sur sa compétitivité. Continuer dans la direction des réformes déjà entamées est donc une exigence, sachant qu’il est illusoire de distribuer des revenus sans effort productif, comme certains s’efforcent de le faire croire à chaque veille d’élections. Les chemins de la prospérité passent par la modernisation de l’Etat.

Puisque la politique économique ne peut faire de miracles et que l’initiative privée ne se décrète pas, la première tâche des responsables politiques est d’améliorer le rapport qualité-prix des prestations assurées par l’Etat : éducation, santé, sécurité, infrastructures collectives. Là aussi, il s’agira d’impulser de nouvelles réformes courageuses, en améliorant l’efficience et la transparence des dépenses et des institutions publiques et en agissant pour mieux réguler l’offre des biens publics. Le développement d’un Etat moderne est un enjeu central, car seul un Maroc plus efficace pourra être plus généreux et plus solidaire. Il est en effet plus que jamais nécessaire de renforcer la cohésion sociale du pays. La lutte contre les inégalités suppose d’abord des services publics de qualité qui profitent à tous : éducation, santé, etc. C’est pourquoi tous ceux qui promettent des baisses d’impôt font implicitement le choix d’une reproduction inégalitaire de notre société.

Il faudrait souhaiter que la victoire dans ces élections soit une victoire du parler vrai sur la démagogie. Un vote «islamiste» sanctionnerait en fait une société où la politique ne parvient plus à maîtriser ni l’éthique ni l’économie. Les électeurs sont-ils assez stupides pour croire qu’un homme politique sera plus honnête parce que son référentiel est puisé dans le registre du religieux ? Croient-ils qu’il est possible de réduire leurs impôts, alors que l’amélioration des services publics imposerait de les accroître et les rendre plus justes ? Ils ne sont pas si naïfs.

L’enjeu n’est pas seulement d’avoir des politiciens honnêtes face à une économie qui a de la peine à maîtriser sa boussole sociale. L’enjeu est aussi d’agir pour tempérer les inégalités en maintenant un haut niveau d’intervention publique. Sinon, une part croissante de la population sera conduite, soit à désespérer de la politique, soit à se jeter dans les bras du premier démagogue venu. Aussi, le premier des enjeux est celui de convaincre les Marocains d’aller voter. Car ils risquent de bouder les urnes.

Un signe de la persistance de la précarité dans notre société. Certes, la plus ou moins grande intégration sociale n’explique pas à elle seule l’abstention. Le fait de se déplacer jusqu’au bureau de vote dépend également de la capacité de l’offre politique (les programmes) à répondre à une demande (les souhaits des électeurs). Si une partie du peuple marocain renonce à exercer son droit de vote, ou si une autre partie s’abandonne aux bras des vendeurs d’illusions, c’est que le bilan des actuels gestionnaires de la chose publique était tout sauf exaltant. Il n’a peut-être pas de quoi faire rêver les plus pauvres, dans une société marquée par de profondes inégalités et où l’argent roi domine la société, mais il est loin d’être négatif.

Une campagne a sans doute pour but de gagner les élections, pas d’éclairer les électeurs sur des acquis. Il demeure que, pour réconcilier les Marocains avec la politique, il faudrait commencer par faire confiance à leur intelligence