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La distribution d’alcool pose de gros problèmes d’insécurité !

L’insécurité menace le business des distributeurs des boissons alcoolisées. Et pour cause, «les opérateurs sont aujourd’hui dans l’incapacité d’ouvrir des caves dans les quartiers populaires et périphériques des villes», explique l’un d’entre eux.

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Alcoo 2015 09 22

 A l’origine de ce blocage, la décision prise par les wilayas en 2008 d’arrêter l’octroi des licences de débit de boissons hors quartiers résidentiels, commerciaux et touristiques. Au regard d’une source policière, «cette mesure vise à réduire le taux de criminalité dans les zones sensibles». Et d’ajouter que «le nombre d’agressions reste élevé dans les boulevards et les quartiers où sont implantés les débits de boissons, malgré les efforts déployés par le ministère de l’intérieur».

La deuxième raison qui oblige les distributeurs de s’éloigner des quartiers populaires est liée à la composition de la population. D’après un manager d’une chaîne de grande distribution, «le pouvoir d’achat des habitants de ces quartiers est généralement bas. Par souci d’adaptation, nous devons donc proposer des boissons alcoolisées d’entrée de gamme avec une petite marge. Par conséquent, l’activité de vente d’alcool devient non rentable puisqu’elle ne représente pas plus de 10% à 12% du chiffre d’affaires du magasin contre 25% à 30% dans le centre-ville».

A cela s’ajoute l’impact négatif qu’engendre la vente d’alcool sur le reste des rayons des supermarchés. En effet, «la population de ces quartiers est constituée principalement de gens conservateurs qui refusent de faire leurs courses dans des magasins qui distribuent de l’alcool. Les autres préfèrent ne pas venir par souci de sécurité», ajoute-t-il.

En somme, pour les enseignes de la grande distribution, la vente d’alcool dans les quartiers populaires met en péril leur rentabilité. La preuve, à Casablanca, après avoir ouvert des caves dans les quartiers Moulay Rachid et Sidi Othmane au début des années 2000, une enseigne s’est trouvée obligée de les fermer en 2009 suite à une série d’agressions dont les victimes étaient des clients et des employés.

Plus de «Mahia» dans les rayons des magasins des quartiers résidentiels

Autorités et opérateurs ont donc fait le choix de limiter l’implantation des caves aux centres-villes. Mais cette stratégie a eu un impact négatif sur la qualité de vie des habitants. Plus clairement, cette politique de concentration a rendu les quartiers résidentiels des lieux favoris de rassemblement des consommateurs d’alcool. Par exemple, et toujours à Casablanca, suite à la fermeture de plusieurs caves à Derb Soltane et Ain Sebaâ, «tous les consommateurs d’alcool de ces quartiers et d’autres ont commencé à s’approvisionner dans un supermarché situé au centre-ville», témoigne un habitant. «Du coup, le taux d’agressions et de violences y a nettement augmenté», regrette-t-il. Ce constat est valable pour plusieurs autres quartiers résidentiels. Cela dit, suite au nombre important des réclamations adressées par les habitants aux autorités locales, notamment dans la ville de Casablanca où le problème se pose avec acuité, certaines enseignes de la grande distribution ont revu leur politique de prix et de produits. «Nous avons supprimé la «Mahia» de nos rayons. Pour les bières, les vins et les alcools forts, nous proposons uniquement des marques de moyen et haut de gamme», confirme le management de l’enseigne. Mais si les chaînes de la grande distribution ont trouvé la solution, cela n’est malheureusement pas le cas des épiceries spécialisées. «90% du chiffre d’affaires de ces commerçants est généré par la vente des boissons alcoolisées. Ils ne peuvent donc pas abandonner les marques d’entrée de gamme, car elles représentent 50% des ventes», explique le président de l’Association des propriétaires des débits de boissons à Casablanca.

La concentration des distributeurs d’alcool dans les centres-villes relance le débat sur un deuxième problème qui est le non-respect des conditions d’octroi de la licence de distribution d’alcool. Rappelons que cette activité est encadrée par l’arrêté de loi n°3-177-66 du 17 juillet 1967 réglementant le commerce des boissons alcoolisées. Cette loi dispose que «l’obtention d’une licence, permettant l’exploitation d’un débit de boissons alcoolisées, est délivrée par la wilaya, après enquête de la police locale ou de la gendarmerie, et qu’elle peut être retirée par l’autorité qui l’a délivrée dans le cas d’une condamnation du détenteur, ou par mesure d’ordre ou de sécurité publique». Concernant les conditions d’implantation, le texte est clair : «Un débit de boissons alcoolisées ne peut être implanté à côté d’édifices religieux, de cimetières, d’établissements scolaires, militaires ou hospitaliers». Or, dans la plupart des cas, ces conditions ne sont pas respectées. Il suffit de faire un tour dans la métropole pour s’en assurer.

Les conditions d’implantation des caves ne sont pas respectées

Sur un boulevard central, un grand magasin ayant un rayon de distribution d’alcool est installé à côté d’une mosquée. Idem pour un autre, situé sur une artère principale, qui commercialise de l’alcool alors qu’un lycée est situé juste en face. Les exemples ne manquent pas. Au regard d’un opérateur, «on peut certes constater ces infractions sur le terrain. Mais en tenant compte du découpage administratif, bien qu’une cave soit installée à côté d’une mosquée ou d’une école, chacun des deux établissements relève généralement d’une commune distincte. Cela permet aux opérateurs de s’installer en toute légalité». Un autre explique que «l’augmentation de la demande les obligent à continuer d’investir dans le centre-ville afin de stopper la progression du secteur informel».