Affaires
Finances publiques : de nouvelles problématiques viennent s’ajouter aux anciennes
• La data, l’intelligence artificielle et la globalisation en sont des exemples.
• Faire face aux défis du 21e siècle nécessite des comptes assainis.
• Le besoin d’intégrer le secteur privé dans la mise en place de réformes n’est plus à démontrer.

La crise sanitaire, toujours d’actualité, a mis à rude épreuve les gouvernements mondiaux et, partant, les finances publiques des Etats. Le Maroc n’en fait pas l’exception. De nouveaux défis sont ainsi apparus ces dernières années à côté d’anciens déjà nombreux, qui se manifestent de manière exacerbée et qu’il faudra affronter. «Il s’agit notamment de défis liés à la data, à l’intelligence artificielle, à la globalisation et à la prééminence de l’économie de services. Cela n’empêche pas que les anciennes problématiques restent toujours présentes, à l’instar de la croissance génératrice de revenus, des changements climatiques, des flux migratoires, ou encore de la prise en charge des personnes vulnérables ou en situation de handicap», a énuméré Nadia Fettah Alaoui, ministre de l’économie et des finances, lors du 14e colloque sur les finances publiques, organisé à l’initiative du ministère de l’économie et des finances (Trésorerie Générale du Royaume), en partenariat avec l’Association pour la Fondation internationale de finances publiques (FONDAFIP).
Dans ces conditions, il est primordial d’ouvrir plusieurs fronts, aussi bien sur le plan social et économique qu’au niveau du financement de l’action publique. Si l’on ne prend que le volet social, quatre axes se démarquent et sur lesquels l’attention du pays est tournée, à savoir «le renforcement du rôle de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, l’extension de la couverture médicale et l’amélioration de l’accès aux soins de santé, la promotion de l’emploi et de l’auto-emploi ainsi que le renforcement de la protection sociale», souligne Mme Fettah Alaoui. Et c’est justement dans ces objectifs, entre autres, que s’est inscrit le projet de Loi de finances 2022. En effet, ce dernier consacre la poursuite de la généralisation de l’assurance maladie, la mise en place de mesures pour la généralisation des allocations familiales, l’accélération du lancement du registre social unifié et le regroupement des programmes sociaux actuels dont Tayssir. Pour ne prendre que les personnes en situation de handicap, le PLF a consacré une enveloppe budgétaire de l’ordre de 500 MDH, en augmentation de 300 MDH.
Les défis, il y en a plusieurs. Reste à adopter les politiques adéquates pour y faire face. Noureddine Bensouda, trésorier général, s’est limité à deux défis majeurs qui restent, à ses yeux, les plus prioritaires. Allusion faite à l’endettement et à la mobilisation des ressources ordinaires. Il faut savoir qu’au Maroc le déficit budgétaire est passé de 1,2% du PIB en 2008 à plus de 8% en 2020. Cela, en raison de l’écart qui se creuse de plus en plus entre les recettes et les dépenses. En fait, le taux de progression des recettes fiscales est en essoufflement, depuis 2013. Ce qui a eu pour conséquence une baisse du rendement de l’impôt. «Plusieurs dispositions fiscales ont été adoptées et ont contribué justement à ce constat, à l’instar du retour de certaines incitations fiscales depuis 2010 et aux changements récurrents du taux d’imposition en matière d’impôt sur les sociétés ou sur les revenus (ndlr : proportionnalité/progressivité)», illustre M. Bensouda. Et d’ajouter : «l’IS ne peut être que proportionnel et l’IR progressif». L’essoufflement du rendement de l’impôt, l’écart entre les recettes et les dépenses, la baisse continue des recettes ordinaires, poussent automatiquement l’Etat à recourir à des emprunts, qu’ils soient intérieurs ou à l’international. Alors qu’il doit être réservé essentiellement à des opérations d’investissement, le recours au marché des bons du Trésor par l’Etat est réalisé pour financer même ses dépenses de fonctionnement. «L’endettement du Trésor a atteint 76,4% du PIB en 2020. Il pouvait atteindre un niveau plus élevé si la création du Fonds Covid-19 n’avait pas permis de juguler les dépenses de l’Etat et de faire face à la pandémie», conclut M. Bensouda.
Le Maroc est engagé dans nombre de réformes, sans parler des initiatives dont le nouveau modèle de développement. Toutefois, la mise en œuvre de ces réformes nécessite un Etat stratège, capable de déterminer les priorités et de les traduire en actions concrètes. Et c’est là où intervient tout l’intérêt d’associer le secteur privé dans la mise en place des réformes. Cela exige des prérequis, à savoir des finances publiques assainies, permettant à l’Etat de constituer une marge budgétaire. A ce titre, M. Bensouda met l’accent sur la nécessité d’éviter certaines réformes «non concluantes». Autrement dit, celles qui consistent à accorder des réductions d’impôts pour l’ensemble des revenus, en y ajoutant un bonus pour les revenus les plus élevés.
