Au Royaume
Le Maroc des mauvais payeurs
Quand ce n’est pas «laà¢ouacher», c’est la guerre ou les attentats. Et quand ce n’est pas la guerre, ce sont les congés… puis le Ramadan. Va-t-on finir par payer ses fournisseurs un jour ?
«Comment se porte l’économie ?». A chaque fois que l’on pose cette question aux opérateurs économiques, la réponse est inévitablement la même : les affaires marchent plus ou moins bien selon la conjoncture. Mais, l’argent, lui, ne rentre pas.
Plus que le rythme de progression des affaires, c’est cette propension à exiger et concéder des délais de règlement de plus en plus longs qui étouffe les entreprises. Et il serait faux de croire que ce sont les seules PME, sous-capitalisées, qui jouent à ce jeu-là. Depuis deux ou trois ans, les grands groupes s’y sont mis aussi et les multinationales sont bien contentes de profiter de l’aubaine.
Le Maroc tout entier vit à l’heure du recouvrement difficile et toutes les raisons sont bonnes pour grignoter un mois ou deux. Quand ce ne sont pas les innombrables fêtes qui jalonnent l’année civile, c’est, au choix, la guerre en Irak, les attentats du 16 mai, les congés d’été et, bientôt, le Ramadan, qui servent de prétexte.
Mais voilà, en bout de course, il y a bien quelqu’un qui doit profiter de ce retard. Ce quelqu’un n’est pas le consommateur. Lui au moins n’a pas le choix et paie rubis sur l’ongle sinon en s’endettant auprès des établissements de crédit. D’ailleurs, il n’est pas étonnant de constater que les salariés présentent le plus faible taux de risque au sein du secteur bancaire.
A qui profite le crime alors ? Tout simplement à ceux qui, au milieu de la chaîne, sont de mauvaise foi. Ils placent l’argent des autres pour en tirer profit, ou, plus simplement, se mettent en redressement judiciaire.
Les conséquences sont connues. Ce sont les PME, le maillon le plus faible, qui se retrouvent in fine entre le marteau du banquier inflexible et l’enclume du fournisseur menaçant d’arrêter ses commandes.
Ce jeu-là doit cesser. Les mentalités doivent certes évoluer, mais l’Etat doit aussi les y forcer en étant plus regardant sur les mauvaises pratiques du commerce.
Est-il normal qu’en dehors du chèque tous les autres effets de commerce n’aient aucune crédibilité dans les affaires ?
Est-il normal que même le chèque en soit arrivé à moisir dans les tiroirs car les commerçants n’ont pas confiance en la justice ?
Ce Maroc des mauvais payeurs doit disparaître, il crée la morosité et décourage l’initiative privée. A quoi bon miser son argent pour risquer de se retrouver un jour en faillite ? Logique, non ?
