Au Royaume
Chère viande
En maintenant le système des chevillards, intermédiaires
inutiles voire nuisibles, quels intérêts protège-t-on ?
Jeudi 3 juillet, à Casablanca, la viande rouge cotait 80 DH/kg. Et encore ne s’agissait-il là que de viande de tagine, les autres steaks, filets et entrecôtes ayant allègrement franchi la barre des 100 DH. Combien de personnes dans la métropole peuvent se permettre le luxe de payer ce prix ? Peu sans doute, et même ceux qui en ont les moyens y regarderont à deux fois avant de se rabattre, le plus souvent, sur les viandes blanches ?
Qui est donc responsable de cette inflation ? 400 chevillards qui se mettent en grève parce que le système d’abattage actuel ne leur permet pas de suivre toute la chaîne ! C’est à mourir de rire !
400 chevillards qui se mettent en grève et voilà une ville de 5 millions d’habitants prise en otage. Et ce n’est pas la première fois. En mai 2002, lors du démarrage des nouveaux abattoirs, ces mêmes chevillards avaient arrêté le travail en raison de l’augmentation des taxes… Qui sait si, d’ici 3 mois, ils ne feront pas grève parce que les os ne sont pas assez blancs ? Après tout, ils sont incontournables et donc en position de force.
Cette aberration ne peut plus durer. Il est inacceptable que le contribuable qui a mis la main à la poche pour financer des installations modernes – elles ont coûté 700 MDH – se retrouve dépendant, pour son approvisionnement, d’une poignée de spéculateurs.
Il est urgent de repenser le système. L’évolution de l’abattage vers les techniques modernes est inévitable et souhaitable en raison des garanties d’hygiène que ces dernières peuvent offrir. Aujourd’hui c’est Casablanca, demain ce sera tout le Maroc. Allons-nous perpétuellement vivre le même problème ?
La solution serait de supprimer le métier de chevillard. Cela permettrait de faire baisser le coût de la viande puisque leur commission d’intermédiation serait supprimée. Dans ce cas, les abattoirs se fourniraient directement auprès des éleveurs et pourraient, par la même occasion, se prémunir contre les aléas d’approvisionnement en établissant avec ces derniers des contrats. Ils pourraient carrément passer à une intégration plus poussée en investissant directement dans l’embouche du bétail.
Les éleveurs ne subiraient plus alors le diktat des chevillards, les abattoirs sécuriseraient la filière en amont et le consommateur paierait moins cher sa viande.
Tout cela n’est pas sorcier et bien d’autres y ont pensé. Pourquoi avons-nous donc encore des chevillards ? La question à poser serait plutôt : quels intérêts protège-t-on ?
