Sami Romdhane : «L’habitude culturelle des transactions en cash est profondément ancrée»

Pour le dirigeant de Visa, la promotion des solutions de paiement électronique exige plus qu’une technologie de pointe. La transition des paiements en cash vers les paiements numériques nécessite, selon lui, des services conviviaux, sécurisés et accessibles, ainsi qu’un travail acharné pour promouvoir l’inclusion financière. Alors, comment procède-t-on au Maroc ?

Quels sont, selon vous, les principaux avantages économiques et sociaux de la modernisation des systèmes de paiement ?
La modernisation des systèmes de paiement apporte des avantages économiques significatifs tels qu’une efficacité et une transparence accrues, ainsi qu’un potentiel de croissance économique. Elle apporte également des avantages sociaux tels que l’amélioration de l’inclusion financière.
Par exemple, nous savons que la digitalisation du système de paiement dans le secteur du tourisme contribuera à augmenter les revenus de nombreuses personnes, comme les artisans. Elle favorise l’inclusion financière, car les paiements numériques peuvent atteindre des personnes qui étaient auparavant non bancarisées ou sous-bancarisées.
Nos collaborations avec le gouvernement marocain, les banques, les opérateurs télécoms et les fintechs qui sont des éléments essentiels pour développer l’acceptation des paiements numériques.

Quels sont les obstacles actuels à la modernisation des systèmes de paiement, en particulier dans les régions où le volume des paiements en cash reste élevé ?
Le plus grand défi pour moderniser les systèmes de paiement est la prédominance des transactions en cash, surtout dans les zones dépourvues d’une infrastructure numérique solide. L’habitude culturelle des transactions en cash est profondément ancrée et constitue un obstacle majeur. Visa s’engage à surmonter ces défis grâce à l’innovation technologique et à des partenariats stratégiques, en fournissant des options de paiement fluides, sécurisées et fiables.
Il est estimé qu’au début de 2023, les portefeuilles numériques représentaient 49% des paiements mondiaux de commerce électronique et 43% des paiements sur points de vente (POS), ce qui équivaut à environ 18 milliards de dollars de dépenses de consommation. Ils sont également considérés comme la méthode de paiement avec la croissance la plus rapide au niveau mondial, avec des taux de croissance annuels composés estimés à 15% pour les points de vente et 12% pour le commerce électronique jusqu’en 2026.
Nous nous associons à des leaders de la technologie, tels qu’Apple Pay et Google Pay, pour rendre les paiements numériques plus pratiques et accessibles, en particulier pour les segments non bancarisés, comme les jeunes. Nous saluons également la position du wali de Bank Al-Maghrib, qui encourage la réduction de l’utilisation de l’argent liquide, ce qui est conforme à notre mission.

En tant qu’opérateur mondial de l’industrie des paiements, quelles sont les principales leçons que Visa a tirées de la promotion de l’adoption de solutions de paiement électroniques dans divers contextes nationaux et économiques ?
Nous constatons de plus en plus que les consommateurs veulent avoir le choix et le contrôle de leurs dépenses, c’est pourquoi nous travaillons main dans la main avec les banques et les institutions locales pour répondre à la demande des consommateurs en matière de personnalisation et de commodité à l’ère du numérique.
L’expérience de Visa dans divers contextes nationaux et économiques nous a appris que la promotion des solutions de paiement électronique exige plus qu’une technologie de pointe. La transition des paiements en cash vers les paiements numériques nécessite des services conviviaux, sécurisés et accessibles, ainsi qu’un travail acharné pour promouvoir l’inclusion financière, ce que nous faisons en joignant nos forces à celles du FMEF, d’ADD, d’Aflatoun et d’autres partenaires pour renforcer l’éducation financière au sein de la population non bancarisée. À une époque de numérisation rapide à l’échelle mondiale, les secteurs public et privé ont fait de grands pas vers l’intégration d’expériences numériques transparentes dans tous les secteurs, et Visa a joué un rôle clé en menant la conduite de cette transformation.

Quelles sont les différentes initiatives menées par Visa dans ce sens ?
L’initiative la plus récente est le programme Visa Africa Fintech Accelerator, qui vise à renforcer la communauté des start-up en expansion en Afrique grâce à l’expertise, aux réseaux, à la technologie et à l’investissement que fournit Visa aux participants. En 2023, nous avions 23 fintechs africaines dans le programme, et le Maroc était l’un des pays les plus représentés dans cette initiative.
Nous avons également déployé au Royaume le programme de subvention She’s Next qui est un plaidoyer mondial qui vise à soutenir les petites entreprises appartenant à des femmes par le biais du financement, de la formation et du mentorat, et que nous sommes très fiers d’avoir lancé au Maroc pour la deuxième année consécutive. She’s Next s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par Visa pour soutenir la digitalisation des entreprises détenues par des femmes et soutenir les 93% de femmes entrepreneures qui prévoient de se numériser.
De plus, la version adaptée localement du programme Practical Business Skills de Visa permet aux citoyens d’acquérir des compétences essentielles en matière de gestion financière, dans le but d’améliorer le bien-être économique des communautés à travers le Maroc.

Comment répondez-vous aux défis réglementaires et aux différences culturelles qui peuvent influencer la transition vers des systèmes de paiement plus modernes ?
Nous adoptons une stratégie proactive, en tirant parti de notre importante présence mondiale et régionale pour partager avec les acteurs de l’écosystème local les retours d’expérience et les bonnes pratiques à adapter. Nous pensons que ce type de pollinisation croisée des idées peut accélérer de manière significative la transition vers les paiements numériques. Notre objectif est de proposer des solutions et des mécanismes novateurs susceptibles de réduire efficacement l’utilisation de l’argent liquide.
Nous croyons au pouvoir de l’innovation, mais nous comprenons aussi que chaque pays a ses propres nuances culturelles qui influencent la façon dont les gens font des transactions et des affaires. Nous sommes conscients de ces différences et cela nous aide à nous assurer que nos services s’alignent non seulement sur les paysages technologiques, mais qu’ils résonnent également avec les préférences culturelles.